Cher lecteur, youpi, nous sommes mardi ! Voici la suite de notre feuilleton « Le Notariat, l’inventer comme s’il n’existait pas » avec un zoom sur « La place d’un corps intermédiaire dans la régulation du droit » et tout particulièrement la médiation.

Plutôt que d’en revenir à des situations échouées sur les rives du passé, il convient de se projeter dans l’avenir et d’identifier les perspectives essentielles qui doivent organiser la gestion du droit. L’idée d’un corps intermédiaire entre privé et public conserve un intérêt fondamental. Si le notariat s’en trouve chargé, grâce à cette utilité sociale matérielle, il sera légitimé à long terme, car accessible au corps social et visible pour les institutions de pouvoir.

Le contractuel, la médiation, le judiciaire

Une société est sans doute bien organisée si elle comprend un organe particulier spécialisé par mission sociale particulière.

En matière de droit, la nature des rapports est soit amiable, soit contentieuse. Dans la réalité et dans l’esprit des gens, il n’en demeure pas moins que le manichéisme de l’amiable et du contentieux est tempéré par un désir de ne pas verser immédiatement dans le judiciaire dès l’instant qu’un conflit existe ainsi que par l’envie que l’adversaire soit ramené à la raison plutôt que condamné.

Au demeurant, la mise en œuvre institutionnelle de ce désir et de cette envie, si parfaitement humains, sont certainement le signe de la meilleure organisation sociale qu’on puisse imaginer.

Médiation, une mission sociale

La résolution non judiciaire des conflits a un nom : la médiation. En plus d’un nom, cette nécessité sociale se concrétise petit à petit, notamment à raison du constat que :

  • d’une part, les cas de conflits augmentent exponentiellement à mesure que les règlementations pleuvent sur les justiciables
  • d’autre part, l’administration judiciaire devient trop coûteuse pour la collectivité nationale.

Une saine organisation de la société fondée sur les structures de régulation, tenant à une combinaison cumulative du privé et du public, commande que l’œuvre de médiation soit confiée à un corps intermédiaire qui ne soit ni complètement privé ni complètement public. La confidentialité, l’impartialité, la compétence et la disponibilité, dont le notariat dispose déjà, en fait un organe évidemment privilégié pour assumer la mission sociale de médiation. Le professeur Michel Grimaldi l’a souligné dans son rapport de synthèse du 111e Congrès des notaires de France (Marseille 2015, compte-rendu des travaux, p. 177). L’État trouverait naturellement son compte à ce que le notariat assure la mission sociale de médiation dans la mesure où cet exercice sera indolore pour les comptes publics qui s’en trouveraient même soulagés à mesure que les tribunaux pourront être déchargés de contentieux utilement préréglés par la médiation. Outre la question financière, on observera qu’une des dimensions essentielles de la médiation étant de ne pas juger mais de susciter un accord, le corps des juges n’apparaît pas avoir dans cette mission la position légitime d’un notariat habitué à ne pas juger ni condamner.

La différence avec les avocats…

Dans une telle perspective de mise en œuvre sociale du droit par la médiation, on voit clairement apparaître la différence essentielle que présente le corps notarial avec le monde des avocats. Par sa mission – essentielle au demeurant – de défendre la personne dans la reconnaissance de ses droits, supposant une absence de contrainte limitant la réalisation de cet objectif, l’avocat n’apparaît pas comme professionnel naturel pour accomplir le rôle de médiateur. Qu’il comprenne les mécanismes de la médiation pour y participer activement auprès de son client est un avantage, mais qu’il assume la responsabilité de la mener apparaît illégitime ou plutôt contre nature à raison de l’engagement inconditionnel à défendre qui est incompatible avec la dimension essentielle d’impartialité propre au succès d’une médiation. La médiation à 2 avocats n’apparaît pas plus appropriée dans la mesure où un défaut d’impartialité sera converti en rapport de force, en joute oratoire d’où le plus fort ou habile se tirera au détriment de l’autre. La condition de faisabilité d’une telle perspective repose sur un financement, dont il faut poser d’avance le principe qu’il se fasse à raison des facultés contributives des parties à la médiation et afin d’assurer une juste et attrayante rémunération du professionnel. Ces principes sont les mêmes que ceux qui doivent gouverner l’ensemble de l’activité notariale relevant des missions publiques.

Étienne Dubuisson, notaire à Brantôme (24)

Retrouvez la suite de ce programme mardi 21 février !