L’avantage de notre profession, à la différence des partis politiques de notre France, c’est qu’il n’y a pas de primaires. Ainsi, on a des surprises comme, par exemple, découvrir les partis-pris du président une fois qu’il est proclamé président. Et l’inconvénient de notre profession, c’est qu’il y a toujours de mauvais esprits pour aller se poser des questions sur ce que dit le président et porter de ce fait une atteinte honteuse à l’unité de la profession. Mais bon, les choses sont ainsi faites et pour prouver s’il en était besoin que toute médaille a son revers, réfléchissons à voix haute sur le premier oracle du mandat de notre nouveau président.

« Par nature un office notarial et plus encore son titulaire ne peut envisager l’exercice de sa profession sous la forme de l’assistanat« . Comme tout aphorisme, la proposition semble véridique et vraie, aller de soi et frappée au coin du bon sens. Amusons-nous pourtant à la passer à la moulinette de quelques questions.

L’assistanat c’est quoi ?

Selon le Larousse et au sens général, l’assistanat, c’est le fait d’être assisté, d’être secouru par des organismes publics ou privés. A priori, ce n’est ni bien ni mal. Dans certains cas, je dirais que c’est l’exercice d’une vertu humaine puisque, du côté de ceux qui le prodiguent, c’est se porter collectivement au secours d’une personne en état de besoin. Et on en a des traces dans notre profession : ne dit-on pas qu’on assiste notre client quand on est notaire en second ? Ne dit-on pas que nos clercs sont nos assistants ? Eh si !

Dans d’autres cas, on a le sentiment que le mot assistanat désigne une perversion. J’émettrai comme hypothèse que c’est dans le cas où une personne profite du secours d’autrui alors qu’elle n’en a pas besoin. Présenté comme cela, on approuvera notre président : certes, un notaire ne peut pas profiter de la solidarité professionnelle alors qu’il n’en aurait pas besoin ! On est tous d’accord. C’est tellement vrai que ça ne doit CERTAINEMENT PAS se produire dans notre profession bien policée. De fait, la cotisation pour le notariat rural, hé bien le notariat rural n’en a pas besoin, sans doute, puisqu’il n’en a jamais vu la couleur ! Au moins les notaires ruraux sont lavés de tout soupçon : ils ne fondent pas leur exercice sur l’assistanat !

Tiens mais du coup, qu’en est-il des notaires urbains ? Ah bè, no problemo ! Ils ne sont pas assistés ! Où auriez-vous vu qu’ils seraient secourus alors qu’ils ne seraient pas dans le besoin. Ils ne sont pas dans le besoin d’abord, vu le produit à l’acte, vu aussi la typologie des notaires dressée par le CSN en 6 catégories de A à F, où les offices urbains sont du bon côté de la moyenne. Pas dans le besoin donc et pas non plus secourus ! Par exemple, le partage des émoluments est toujours égalitaire sans doute, on ne comprendrait pas qu’il s’opère en leur faveur à 60 % contre 40 pour le notaire participant. Et puis, je n’ai pas vérifié – ce n’est pas sérieux de ma part – mais la tarification des services de REAL ou de l’ADSN doit certainement être proportionnelle à l’utilisation du service ! Vous n’allez quand même pas me dire qu’un office qui a 50 ordi connectés à REAL paye moins par poste que celui qui n’en a que 5… Alors vous voyez bien, notariat ne rime pas avec assistanat !

C’est bien vrai ça, Président ! Mais du coup, on fait quoi ? « Mon pauvre Étienne, tu ne peux pas comprendre »… Combien de fois me suis-je entendu dire ça !?! Et curieusement là, tout à coup, je l’entends encore… Alors je fais un effort… Mais bien sûr que l’assistanat existe dans le notariat, sinon le Président n’en parlerait pas ! Ce qu’il veut dire c’est qu’il ne faut pas le généraliser ! Eh bien voilà, quand je veux, je comprends tout ! Je comprends que la taxe de 1,09 % qui sert à aider l’installation ou le maintien des offices, c’est un assistanat de principe ! Et c’est ce principe qu’on rejette. Non pas que l’office bénéficiaire n’en ait pas besoin, mais c’est contre les règles du libéralisme économique et si on commence comme ça, ben on finit comme les Grecs ! Et même si c’est la loi de la République, votée et promulguée, et tout et tout, on ne veut pas de ça, na ! Ok ok. Et donc je comprends tellement bien tout ça que je peux dérouler moi-même les conséquences sous-entendues par le Président…

Si, par principe, il ne faut pas aider les offices qui en auraient pourtant besoin, ça veut dire de 2 choses l’une :
Soit les offices qui ne font pas surface financièrement doivent disparaître, ou au moins se regrouper pour faire du chiffre là où il y en a à faire ; et alors, le maillage des zones désertiques, on oublie et puis basta !!! « Non non Étienne, ce n’est PAS DU TOUT ce que veut dire le Président ! »
Soit la structure du tarif doit être modifiée (alors qu’elle ne l’a pas été par Macron qui l’a bien dit d’ailleurs) afin que de nouveaux principes tarifaires permettent à TOUS les notaires du territoire national de vivre sans excès ni vers le haut (pour ne pas fragiliser l’image de la profession à cause de quelques feuilles d’impôts exagérées) ni vers le bas (afin de rendre inutile tout assistanat).

Là j’ai donc bon ? Hein ? La structure du tarif doit être changée !? C’est ça que veut dire le Président puisque tout le reste de ce que je comprends c’est n’importe quoi… Ben sans doute et forcément ! Et qu’est-ce qu’on a comme proposition de nouvelle structure tarifaire rendant inutile l’assistanat ? Réponse sur res-iste…

Conclusion : « Mon pauvre Étienne, décidément, tu ne comprendras jamais rien à rien »…

Etienne Dubuisson