Robert Beauvais l’avait relevé, en 1975 (année de la Femme) dans l’ouvrage Le Français kiskose : bien qu’élevés dans la même langue, nous ne parlons pas le même langage. Oh, il ne fallait pas être grand clerc pour réaliser que le problème devrait un jour être évoqué…

J’ai encore en mémoire la moitié de matinée gaspillée lors de l’élection d’une femme à la Présidence du Syndicat National des Notaires à définir s’il fallait l’appeler « Madame le Président », « Madame la Président » « Madame la Présidente » ou ne plus l’appeler du tout. Oui, il y a dans la profession des hommes (qui ont leur « part de féminité ») et des femmes (qui parfois « en ont ») et ce qui devrait être naturel devient problématique… A n’en point douter, donc, et faute de neutre dans la langue nationale, nous allons, comme le reste de la population, devoir affronter dans la communication professionnelle la question essentielle dont dépend sans doute la survie même de l’humanité.

Faut-il désormais utiliser l’écriture inclusive ?!

Eh bien, pour tout dire, et sachant qu’un adage du XVIe siècle disait déjà « Quand une femme de Tours met quelque chose en sa teste, les notaires y ont passé« , le notariat a, sur cette question une rôle à jouer ! Nous sommes et restons, malgré les conséquences d’une mécanisation à outrance du travail majoritairement littéraires. Et par conséquent, rien de ce qui est relatif à la langue, à la justesse de l’expression ne devrait nous laisser indifférent…

Pourtant, depuis quelques années, certains d’entre nous (internationalistes convaincus et déjà apatrides dans l’âme) prônent la maîtrise et l’utilisation de l’Anglais, langue de l’ennemi common-lawyer. Les offensives que connaît notre culture seront encore facilitées si l’on peut rendre le Français illisible et imprononçable…

Oh, nous ne sommes pas les seuls ; les germanophones aussi se posent la question d’une « geschlechtergerechte Sprache » depuis les années 80 avec l’irruption du « Binnen-I ». Mais, à bien y regarder, c’est de très loin la langue de Molière qui risque le plus dans cette « évolution ». Les « excellentes idées » véhiculées par le « Haut Conseil à l’Égalité entre les Femmes et les Hommes » et cristallisées par la convention d’engagement pour une communication publique sans stéréotype de texte,  signée le 11 juillet dernier en premier lieu par le Ministère de la Justice ( http://bit.ly/2fejwZ7), en sont la preuve. L’austère langue juridique deviendra lisible, à n’en point douter  ! Lisez le Guide égalité homme-femme et vous percevrez mieux l’amélioration attendue.

Bref, nous voilà confronté.e.s à un.e problèm.e.atique crucial.e (je sais, j’exagère !) : je ne pourrai plus écrire dans Notariat 2000, ou mes propos seront encore plus outranciers et percutants. Car, bien qu’On s’en défende, On censure ici (dans la revue papier) tout ce qui (gêne ?) dépasse les 4.000 caractères !

Il devient réellement urgent de penser une langue transnationale qui réponde à la fois à toutes les lubies et tous les impératifs de la communication humaine : respecter la personnalité de chacun, être aisément accessible à tous, ne vexer personne. Et surtout, surtout, ne donner aucun avantage à qui que ce soit en étendant au monde entier une langue originairement nationale. Là se situe, sans aucun doute, une mission exaltante pour nous notaires du monde !

Le notariat sait trouver des solutions !

Imaginez qu’une seule et unique langue soit pratiquée dans tous les offices notariaux, nous nous comprendrions tous enfin sans effort. Et puisque majoritairement les pays de droit latin ne sont pas principalement anglophones, nous trouverions un argument de plus pour maîtriser notre tradition. Bien sûr, l’Esperanto remplirait à merveille ce rôle de ciment international, mais on y trouve aussi les marques du masculin et du féminin !

Modifions l’Esperanto pour en faire la vraie langue mondiale et inclusive que tout le monde attend : celle qui ne distingue ni entre hommes et femmes, ni entre les humains et les animaux dont l’entrée dans le code civil en tant qu’êtres sensibles annonce la personnalité juridique future, ni non plus, sachons anticiper, les intelligences artificielles auxquelles certains pays, tel l’Estonie, envisagent déjà d’attribuer un statut juridique spécifique. Reste à lui trouver un nom… Pourquoi pas « DesEsperanto » ;)

Didier Mathy, notaire à Sagy (71)