Vous connaissez la formule :  » toute ressemblance… ». La lettre ci-dessous est réelle ; elle a bien été envoyée à un président de Chambre. Bien entendu, les lieux et les personnages sont fictifs (et les costumes ne sont pas de Donald Cardwell). En revanche, le décor est planté depuis le 06 août 2015.

Voici une lettre que nous pourrions tous, à un moment quelconque, adresser à notre président de Chambre face à certaines pratiques de notaires, récemment nommés sous l’ère Macron.

 » Monsieur le Président et Cher Confrère,

Nous sommes maintenant à la veille de la prochaine assemblée générale de notre compagnie interdépartementale, lors de laquelle prêteront serment plusieurs notaires récemment installés sous les auspices de la loi dite « Macron ».

A cette occasion, vous ne manquerez pas de leur rappeler l’obligation qui est désormais la leur, de respecter, tant les règles de déontologie que celles -écrites ou non – de bonne confraternité et de loyauté à l’égard de tous leurs confrères.

Ceux-ci prêteront alors serment – individuellement ou bien collectivement si le nombre les y oblige – selon la formule consacrée, de remplir loyalement les fonctions qui leur ont été conférées suite à leur prestation de serment devant tel tribunal, et de respecter en tous points les devoirs que cette nouvelle charge leur impose ainsi que les règles de la déontologie de la profession qu’ils déclareront alors parfaitement connaître.

Puis vous clôturerez cet instant solennel, pendant lequel nous nous tiendrons tous debout – presqu’au garde-à-vous – en remettant à chacun des récipiendaires un exemplaire du précis de déontologie de notre confrère Gilles Rouzet, au cas improbable où certains d’entre-eux seraient ensuite – par extraordinaire – frappés d’amnésie définitive ou bien même temporaire. 

Maître Sabrina Jenenaikefaire, notaire à Gardincourt (endroit bien nommé car son étude, « comm’in dit din’ch’nord », est à la fois « din’l’gardin » et « din ‘lcour », c’est-à-dire « dans le jardin » et « dans la cour » en bon françois), sera de ceux-ci. Non pas qu’elle serait déjà devenue amnésique (il est trop tôt pour le dire) mais de ceux qui promettront. Certains diraient que les serments jadis prêtés étaient faits pour être bafoués, sinon à quoi cela aurait-il servi qu’on les prêtât ?

Quoi qu’il en soit, notre jeune consœur se trouve être le centre d’intérêt d’un article paru ce jour dans notre feuille de chou régionale qu’est La Voix de ch’Nord, et dont l’intéressante lecture nous apprend que Maître Jenenaikefaire exerce au 1 bis de la place du Jenenairienàfiche (près de la mairie, d’aucuns disent que ses locaux seraient dans la mairie mais ce sont sûrement de mauvaises langues…), qu’elle détient un master 2 en droit de la sclérose en plaques, qu’elle est aussi diplômée de l’école nationale de forfaiture et qu’elle est spécialisée en gestion de la spoliation du patrimoine. L’article se termine par l’indication en gras de ses informations de contact (téléphones fixes et portable, adresse mail et heures d’ouverture… (il n’y a pas d’heure de fermeture : Me Jenenaikefaire est donc tout-à-fait open !), le tout rehaussée d’une photo de notre sémillante tabellion.

Les futurs notaires étant vraisemblablement mieux au fait que leurs ainés des nouvelles règles qui régissent désormais notre belle profession, nous nous disons que Me Jenenaikefaire en a parfaitement connaissance et qu’elle met un point d’honneur à les appliquer d’ores et déjà, même avant sa prestation de mardi prochain.

Dans ce cas, l’on pourrait subodorer que cet article est parfaitement autorisé et nous souhaitons en conséquence vous demander, Monsieur le Président et Cher Confrère, votre confirmation que celui-ci n’enfreint en aucun point nos règles de déontologie et de confraternité.

Dans le cas contraire, vous serez aimable de glisser un petit mot dans le creux de l’oreille de Sabrina de ne point déclamer trop fort mardi prochain, dans un souci minimum de cohérence.

Pour en terminer avec notre consœur, vous trouverez sous ce pli un exemplaire d’un de ses mails, dans lequel apparait une mention de spécialité en droit du patrimoine via les paradis fiscaux.

Etant nommée depuis juillet dernier, nous ne pensons pas que celle-ci – aussi brillante soit-elle – ait déjà obtenu un certificat de spécialisation dans ce domaine qui l’autoriserait à l’indiquer dans ses courriers ou mails professionnels (cf article 8.1 du règlement intercours 4ème alinéa et article 43-1 du décret du 5 juillet 1973). Une disparition prochaine de cette mention pour le moment inadéquat serait la bienvenue…

Dans l’attente de vous lire, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président et cher Confrère, l’expression de nos sentiments les plus confraternels et non moins dévoués (tant que cette formule a encore un sens) ».

Arnaud Hote, notaire à Bapaume (62)