Qu’il s’agisse d’édiles, de professionnels, de particuliers, de redevables d’impôts, de taxes ou de charges quels qu’ils soient, la péréquation fait monter le ton de deux ou trois tons. Il en est de même chez les notaires, pourquoi diable en serait-il autrement ?
C’était l’été. Le repas s’achevait tranquillement, ils avaient descendu quelques bouteilles de rosé, et il faisait chaud, si chaud…
– Un confrère : Vous avez entendu le Président du CSN, il faut réduire drastiquement les charges, gérer au plus près, se préparer à une fin d’année difficile. Gérer des baisses d’émoluments de 20 à 30 %, ça ne se fait pas en levant le petit doigt !
– Un autre confrère : Et en plus, ils ont raccourci la durée des prêts conjoncturels à un mois. Ce n’est pas suffisant ! Je connais des jeunes qui ont démarré depuis à peine 2-3 ans, en payant un prix assez fort. Ils ne peuvent pas s’en sortir…
– Un contestataire de l’ordre établi : La péréquation, c’est la seule solution. Les PE (petites études) doivent être aidées par les ONI (offices notariaux importants).
Le gros mot vient d’être lâché ! Silence dans les rangs, un ange passe…
– Le « traditionnel » de service : Tu n’y penses pas sérieusement ! L’entraide oui, la charité non !
Etouffement. Est-ce la chaleur ou la réponse qui ne passe pas ?
– Un confrère : Faut être sérieux ! L’assistanat aux plus démunis ça suffit ! On donne tous les jours dans la vie courante avec les impôts, on ne va pas s’y mettre entre nous. Enfin, quoi, nous exerçons une profession libérale, oui ou non !?
– Le contestataire : J’ai parlé d’aide, c’est vrai. On pourrait peut-être utiliser le terme de solidarité, c’est mieux, non ?! La solidarité confraternelle, ça existe, c’est même inscrit quelque part dans notre règlement…
– Un confrère : Dans ce cas, vive la déréglementation ! Avec les avocats, c’est plus simple, chacun pour soi !
– Un autre confrère (qui ne s’était pas encore manifesté) : OK, vends ton étude, inscris-toi au barreau et laisse les confrères débattre entre eux d’une possible péréquation pour aider les plus faibles, ceux qui exercent seuls à la campagne, et pour le même travail que les confrères de la ville, touchent un émolument 10 à 100 fois plus petit !
– Un confrère plus ancien (et plus sage peut-être) : Le problème est mal posé. Au lieu de parler des notaires, parlons de l’activité notariale ! A travail égal, rémunération égale.
– Un confrère : Dis donc, ça pue le socialisme de papa, c’est quasiment du communisme que tu proposes ! La Commission de Bruxelles veut déréglementer, et toi, tu veux en remettre une couche, ce n’est pas sérieux et ce n’est pas dans le vent de l’histoire…
– Un autre confrère : Vent de l’histoire, vent de l’histoire… Selon toi, il faudrait satisfaire toutes les revendications, et ce, surtout si elles sont minoritaires ?
– L’ancien : Stop, nous nous égarons. Soyons concrets ! Nous cherchons à résoudre le problème de la rémunération des petits actes, d’accord ! Il ne s’agit pas de tel ou tel notaire, de tel ou tel office, de telle ou telle zone d’activité. Notre matière c’est l’acte authentique, c’est donc sur sa rédaction et sa rémunération qu’il nous faut réfléchir !
– Plusieurs confrères (en chœur) : Tu as raison, soyons pratiques et avançons.
– L’un d’eux : Prenons deux extrêmes. La vente d’une parcelle de bois par une indivision compliquée, avec deux ou trois servitudes, peut nécessiter autant de travail que la vente d’un terrain à bâtir sur l’Île de Ré. Le coût du premier acte peut faire renoncer les parties à envisager la vente, le coût du second sera considéré comme normal. Il faut donc verser un supplément d’honoraire au confrère saisi du premier acte, et le cas échéant, amputer l’honoraire du second confrère qui versera une quote-part de son émolument à un pot commun destiné à l’émolument de rédaction des petits actes. Est-ce qu’on est d’accord ?
– L’ensemble des notaires assis autour de la table : Ça paraît normal… Bien, alors, qu’est-ce qu’on fait ?
Finalement, la péréquation, ce n’est pas si compliqué que ça ! Un peu de volonté et de solidarité devraient permettre la mise en place d’un système simple et efficace. Ce jour-là, les confrères se sont quittés joyeusement. Ils avaient bien bu, bien mangé, et le CSN allait forcément mettre en application la solution qu’ils avaient trouvé sagement autour d’une table…