Projets, innovations, investissements, 3 responsables de SSII se sont prêtés au jeu de l’interview croisée pour nous livrer  leur vision de l’intelligence artificielle.

Sur quels projets travaillez-vous ?

  • Gonzague Renard, directeur général chez Fichorga : Fichorga a commencé très tôt à expérimenter des systèmes d’intelligence artificielle et à travailler sur des applications concrètes pour les notaires. Nos premiers travaux ont débuté en 2013. En effet, avec le « 6ème sens », actif chez nos clients depuis 2016, nous sommes les précurseurs dans l’introduction de l’ I.A dans la rédaction d’actes.
  • Guillaume De Bruc, directeur général adjoint chez Genapi : Genapi a intégré une première solution d’intelligence artificielle pour ses propres besoins : nous avons mis au service de nos clients un chatbot répondant aux problématiques T@ depuis décembre 2017, un second démarre sur  la comptabilité en janvier 2019. Ces solutions s’appuient sur Watson d’IBM qui nous offre bien d’autres possibilités.
  • Nicolas Nicolaides, directeur des professions juridiques et notariales chez Fiducial : Le sujet de l’intelligence artificielle est extrêmement important pour un groupe comme Fiducial. Tout particulièrement pour notre activité Notaires. Ainsi, notre toute dernière solution de rédaction d’actes embarque de l’intelligence artificielle. Elle est commercialisée depuis juin 2017. Notre approche s’est voulue très pragmatique et proche de l’utilisateur et donc du rédacteur d’actes. Elle a été mise en place sur le contenu juridique et sur la compréhension qu’a le logiciel de ce sur quoi le notaire et son collaborateur travaillent. Nous avons ainsi choisi deux axes distincts :
  • d’une part le logiciel doit comprendre le contexte de l’acte et ainsi mettre en œuvre sa capacité à proposer au rédacteur un « Prêt à signer » contextualisé,
  • et d’autre part le logiciel comprend l’impact sur l’acte d’une modification d’une clause quelconque et en déduit les autres modifications à apporter.

L’objectif est ici d’apporter une sécurité juridique très forte, voire absolue.

Avez-vous eu des demandes spécifiques de la part des notaires ?

  • Gonzague Renard :  Pas spécifiquement. L’intelligence artificielle reste pour l’instant abstraite pour beaucoup. Les notaires sont pragmatiques et recherchent avant tout des solutions concrètes à leurs problématiques quotidiennes. À l’avenir, nous devons avoir un rôle de pédagogie pour que le notaire puisse « matcher » avec cette révolution technologique.
  • Guillaume De Bruc : Nous n’avons  pas eu de demandes spécifiques autour de l’IA, cependant, nous  avons des rendez-vous réguliers avec les notaires qui peuvent nous consacrer un peu de temps mais surtout nous avons créé un laboratoire de l’innovation avec une trentaine de clients de toute la France  afin de réfléchir sur les sujets de demain dont l’IA.

Quelles innovations ont vu le jour ?

  • Gonzague Renard :  La première application concrète que nous avons mise en place est le « 6 ème sens », il met en relation les informations du dossier en cours et les actes précédemment rédigés dans l’étude pour proposer automatiquement une rédaction de l’acte en quelques secondes. Ce qui permet un gain de temps non négligeable pour le rédacteur. À lui ensuite d’apporter son expertise du dossier pour adapter plus finement l’acte à la situation de ses clients.
  • Guillaume De Bruc : À ce jour, Genapi est capable d’alimenter la production d’acte au moyen d’éléments en provenance des espaces clients, d’éléments externes au logiciel de rédaction d’actes (diagnostiqueurs, généalogistes…) ; avec l’intégration de nouvelles technologies (IA et prédictif), le dossier de demain sera capable d’automatiser ses actions suivant trois axes majeurs :
  • le contexte du dossier (nature du dossier, des biens, des personnes…) ;
  • les habitudes de l’utilisateur (être capable de déterminer suivant l’usage des utilisateurs leurs habitudes de traitement et automatiser ces dernières) ;
  • l’expérience de l’utilisateur (être capable d’utiliser ce qui a été fait par le passé pour un tel contexte : les formalités, courriers, clauses…).
  • Nicolas Nicolaides : Nous regardons de quelle manière la profession va évoluer. C’est ce challenge que nous devons relever pour que les innovations que nous allons proposer soient parfaitement en adéquation avec les attentes de la profession tout entière. Innovations tournées délibérément vers l’ouverture afin de laisser libre choix au notaire de créer l’environnement idéal pour lui. Cette ouverture implique donc une ouverture vers tous les acteurs du marché notarial.

Investissez-vous dans l’IA ? 

  • Gonzague Renard :  L’intelligence artificielle est un domaine de pointe qui nécessite des connaissances sans cesse réactualisées et une expertise d’un genre nouveau. L’investissement humain est important et indispensable. Le nôtre repose à la fois sur le recrutement de spécialistes dans le domaine et sur la formation continue de nos collaborateurs, à ce propos un ingénieur centralien thèsé en IA vient de nous rejoindre pour apporter toute son expertise dans cette technologie d’avenir pour le notariat.
  • Guillaume De Bruc : Chez Genapi, nous avons : un doctorant sur l’IA, 3 collaborateurs spécialisés dans l’IA et  deux alternants en partenariat avec l’école d’IA MICROSOFT de Castelnau-le-Lez (près de Montpellier). Nous avons également un pôle innovation au niveau du groupe SEPTEO (maison mère de Genapi) qui nous apporte de l’expertise sur la Data et l’IA.

Comment voyez-vous le travail du notaire demain ?

  • Gonzague Renard :  Il est important de bien séparer ce qui est du domaine de la machine et ce qui relève de l’humain. L’intelligence artificielle devra automatiser les tâches les plus répétitives, proposer des pré-actes pour améliorer la productivité de l’étude, le notaire pourra ainsi se concentrer sur les points essentiels de son métier : son expertise, ses relations avec le client et la garantie d’authenticité de l’acte.
  • Guillaume De Bruc : L’objectif des notaires et de leurs collaborateurs juristes n’est plus de remplir de fastidieuses trames mais de se consacrer à la justesse de leurs actes et au conseil pour leurs clients ;  dans ce contexte, l’objectif de l’IA est de rendre « smart » (je préfère à intelligent) notre rédaction d’acte pour intégrer des technologies innovantes au profit du parcours client et de la productivité.
  • Nicolas Nicolaides : Nous nous penchons sur l’ensemble de l’environnement notarial. Diriger une étude ce n’est pas uniquement réaliser du chiffre d’affaires, rédiger des actes et les compter en fin d’année. C’est aussi se positionner en véritable chef d’entreprise et par là même disposer des meilleurs outils intelligents. Les regroupements, rapprochements et autres réseaux notariaux qui se mettent en place transforment le paysage notarial. Nous avons la volonté d’accompagner la profession dans ce contexte afin de rester au plus près des attentes des notaires et des collaborateurs. Comptabilité, suivi d’activité, accompagnement au changement sont autant de secteurs où il est fondamental d’être pour transformer l’étude en entreprise de demain et où l’intelligence artificielle doit être omniprésente.

Propos recueillis par Nathalie Duny