L’objectif d’un gouvernement, me semble-t-il, et tout particulièrement lorsqu’il est ou se prétend « démocratique » se résume fort bien à une maxime latine « Salus populi suprema lex est », qu’on peut traduire par « le salut du peuple est la loi suprême »…

Est-ce là une conséquence d’un manque de formation littéraire classique ou – plus probablement – d’une multiplication des porteurs sains du virus “tupurmapum”*, les dernières années les gouvernants ne semblent plus du tout se préoccuper du « salut » (tant que ce n’est pas « salut Manu » en tout cas), et il est même devenu suspect de se préoccuper du « peuple »…

On (Et je vous renvoie à la définition en usage dans les cours d’école pour savoir qui est « on » !) a décidé un jour, quelque part, dans cette République issue du peuple (rappelons l’origine du nom du « Comité de salut public », évidemment sans en oublier les dérives), qu’évoquer le peuple était populiste, donc sale…

Oh bien sûr, il est plutôt prudent de ne pas trop se référer à quelque chose qu’on définit mal ; la définition politique « ensemble des personnes soumises aux mêmes lois et qui forment une nation » ayant manifestement éclipsé celle, plus générale, d’ « ensemble d’êtres humains vivant en société formant une communauté culturelle et ayant au moins en partie une origine commune », il n’est pas si étonnant que l’on place les lois avant la culture…

C’est bien ainsi que l’on reprochera le plus aisément au « peuple » de s’insurger contre la loi qu’on prétend être la sienne…

En tant que notaire, je me suis toujours trouvé étonné par l’approche de mes pairs (particulièrement des « nommélus« ) concernant les règles et leurs applications…

Bons élèves, bien formatés, ils n’hésitent jamais à soutenir mordicus des aberrations flagrantes, sous prétexte qu’elles sont issues d’une loi, d’un décret ou même d’une circulaire du C.S.N. ! Et ils en tirent immédiatement une conclusion : issue des textes l’aberration est une réalité intangible, il n’y a plus aucune place pour le jus resistendi

Alors que, rapporteur au Comité Technique Régional, je constatais l’imprudence bien loin d’être innocente de certains confrères, je me faisais ainsi régulièrement objecter « mais enfin, Didier, c’est un décret » lorsque j’évoquais l’injustice du système de franchise de notre assurance responsabilité civile…

Et pourtant, curieusement, on nous a démontré ensuite (en augmentant le maximum de la franchise, sans revoir sa proportionnalité) que ce décret n’était pas intangible…

Le « peuple » notarial ressemble beaucoup au peuple national, et ses « élites » singent sans aucun doute les attitudes des élites nationales…Le charmant Confrère qui, hier encore, était critique vis-à-vis des choix des instances, devient un défenseur ardent de l’unité, à peine a-t-il été sollicité pour être élu, et il ira même jusqu’à faire tout le contraire de ce qu’il considérait comme nécessaire dès qu’il sera aux commandes… Pire, il cherchera à préserver, en vue de son futur et inéluctable retour à la base, les liens qu’il pourrait avoir avec tel ou tel, en l’informant préalablement : « Je sais que vous (tu) a(s)vez raison, mais ne soi(s)(yez) pas surpris si je ne soutiens pas la position en tant que (nommélu au choix), ce sera déjà beaucoup si je ne dis pas de mal de (toi)(vous) ! »

La consultation nationale que veut mettre en place le gouvernement pour tenter de satisfaire les « gilets jaunes » rappelle beaucoup les promesses du PN(oeu)F et du PNA(h)**, et la journée des offices ruraux… On réunit ou on questionne des gens pour leur demander leur avis, puis on en déduit tout le contraire de ce qui avait été demandé (si tant est que les demandes aient été librement exprimées) , avant de faire autre chose encore, grâce au travail en symbiose des lobbyistes et des permanents…

Il y a toutefois une grande différence entre « gilets jaunes » et prétendus furibards… Les premiers expriment une souffrance réelle et se disent prêts à se battre (peut-être même un peu trop) pour obtenir satisfaction, les seconds ne souffraient probablement pas assez pour être réellement combattifs au point de remettre en cause un plan de carrière ou un affectio societatis ni, et encore moins, leur vie de famille… Il faudra donc attendre que la souffrance vienne, ce qui ne devrait plus être trop long, pour qu’enfin la lucidité l’emporte sur le conformisme et le formatage par la formation…

Et pour ceux qui ont déjà ouvert les yeux, la préparation de la guerre restant le meilleur moyen de préserver la paix, n’oubliez pas que nous restons, dans l’esprit des hauts-fonctionnaires, une cible facile dont la mise en cause est populaire, il ne faudra pas longtemps pour qu’on envisage de s’en prendre à la « rente » incarnée par les professions libérales réglementées ! Les effets du tarif 2016 ont été violents pour ceux qui se situent dans des zones peu valorisées, mais tellement bénéfiques pour les géo-favorisés que « notre » rémunération moyenne ne s’en est pas réellement ressentie…

La loi de programmation pour la Justice comporte quelques formulations insidieuses qui pourraient flétrir les illusions de ceux qui y voient seulement le retour de la possibilité de faire des remises à leurs meilleurs clients… La vérité pourrait bien être au bout du corridor, et nul doute qu’alors, ceux dont la crête avait été épargnée sentiront le fil du rabot, et eux qui considéraient que les projets d’instauration d’un tarif ajusté du genre de celui que propose l’association Rēs-iste  étaient « iconoclastes » se pencheront alors plus attentivement sur la définition de ce mot, et comprendront -trop tard peut-être- que ses fondateurs n’étaient aucunement contre les traditions, mais au contraire précisément, respectueux de “ce qui importe”, et convaincus de la nécessité -d’abord et avant tout pour l’utilisateur du service public notarial- de l’améliorer pour le conserver…

Puisse la nouvelle année être celle du véritable réveil notarial et de l’union choisie, laissant au passé l’unité imposée.

D. MATHY

* virus identifié au cours des années 80, qui frappait initialement les golden boys de la finance et semble maintenant se diffuser dans toutes les couches de la population, entraînant des crises aigües de fricardite

**Projet des Notaires de France, et Plan National d’Action, mais pour rappel dans mon patois local un œuf « pnah » c’est un œuf…pourri !