Le joli mois de mai a démarré avec un nouveau tarif pour les notaires. Comment cela se passe-t-il sous le panonceau ? Notaires des villes et notaires des champs ont-ils cédé au pessimisme ambiant ? La révolte gronde-t-elle ? Le notariat est-il décidé à REBONDIR, non pas « de rochers en rochers et d’abîmes en abîmes » comme l’écrivait Lamartine, mais positivement, de manière à prendre un nouvel élan ? Enquête.

 À la suite des lois et décrets Macron, estimez-vous que la profession, dans sa diversité, va rebondir ? OUI 87 %

Pour la grosse majorité de notre panel, pas question de baisser les bras : le notariat doit et a les moyens de rebondir. Il doit aller de l’avant et prendre le taureau par les cornes. « La réforme est une exceptionnelle opportunité de revoir notre façon de travailler et de renouveler l’image du notaire » écrit un notaire des Bouches-du-Rhône. « Un bon coup de pied au c… ça ne fait pas de mal de temps en temps, ça oblige à se remettre en cause ! » note un notaire de l’Ain. Pour son confrère des Alpes-Maritimes, il n’y a pas 36 solutions : « Soit les notaires font face, soit ils capitulent. Les premiers continueront à travailler et ceux qui ‘pleurnichent’, s’éteindront« . Selon lui, les réformes ne sont d’ailleurs « pas aussi terribles que la profession le pressent« , elles offrent l’opportunité de « mieux gérer la clientèle« . « Un nombre important de clients passent par nos études. Proposons-leur la GP, la négo, la gestion locative… Les conseils donnés doivent prendre des formes plus structurées et donner lieu à facturation. Sans doute la rémunération des notaires baissera, mais souvent, elle était anormalement élevée. Je suis, bien sûr, un de ces bénéficiaires mais, pour être issu d’un autre monde économique, je considère cette rémunération sans rapport avec le service rendu« . Jean-Michel Coquema, notaire à Joué les Tours, estime également que le notariat a les capacités de rebondir, mais encore faut-il qu’il le veuille. « À nous de valoriser et de vendre nos compétences, notamment en matière de conseil familial et patrimonial. Peut-être faudrait-il enfin sortir du confort du monopole pour s’en rendre compte !« . Sur le plan pratique, beaucoup misent sur la diversification et la création de nouveaux services (cf. notre dernière question), ce qui risque, en convient notre panel, d’être fatal aux TPO. Pour d’autres, la solution passe par une solidarité accrue, la fédération en réseaux, la réforme des instances, la péréquation à l’acte, la mise en commun de moyens et la création de centrales d’achat, la négociation immobilière ou encore, comme cette étude de l’Isère, sur l’ubérisation !…

Lorsqu’il pense à l’avenir, notre panel est plutôt :

  • 51 % dubitatif        
  • 25 % pessimiste   
  • 24 % optimiste

La réunion des 21/22 mars (printemps notarial) vous a-t-elle apporté des éléments positifs vous offrant de bonnes perspectives de rebond ? NON 89 %

Globalement, le « printemps notarial » n’a pas convaincu. « Je m’attendais à des annonces plus fortes, notamment une vraie péréquation sur les actes de faibles montants qui auraient participé à la consolidation de la vocation de service public du notariat » nous dit un notaire de la Marne. C’était « du vent » témoigne un notaire de Mayenne. « Cela a été ressenti au niveau local comme une vaste supercherie » écrit un notaire de la Nièvre. Pour la majorité de notre panel, la réunion était « sans intérêt » en « total décalage avec la réalité« . Le chapelet des récriminations s’égrène au fil des réponses reçues : « On veut du concret« , « Les perspectives d’évolution (entreprise, international…) ne sont pas réalistes« , « C’était vraiment nul« , « Le jeu de cartes des 7 familles était clownesque« , « J’ai perdu mon temps« , « Rien de novateur, les méthodes proposées sont vieilles de 30 ans« , « aucun projet si ce n’est des incantations« … Corinne Dessertenne-Brossard (Paris) et Frédéric Labour (Essonne) résument assez bien le point de vue de leurs confrères. Pour la première, « aucun des éléments proposés n’apporte le début d’une solution » tandis que le second note, avec un zeste d’agacement, que les notaires n’ont pas attendu le CSN pour placer le client au centre de leurs préoccupations. « N’aurait-il pas été plus utile d’insister sur la dimension entreprise de l’office, sa gestion, son optimisation, avant de vouloir faire des notaires des spécialistes en droit de l’entreprise ou de la négo ? » s’interroge Jean-Michel Coquema en Indre-et-Loire. De son côté, un notaire des Bouches-du-Rhône souligne que « c’est peut-être à chaque étude de réfléchir à sa manière de pratiquer et de se réformer en profondeur. » Selon lui, la réunion des 21/22 doit être perçue comme le début d’une longue marche… « Une marche que le notariat doit accomplir afin de se renouveler et être à la hauteur du 21e siècle« . Et toc !

À noter : Lors de la réunion des 21/22 mars, 76 % des notaires interrogés n’ont pas été convaincus par la partie relative à la diversification. Peu convaincu, un notaire parisien (qui pratique déjà la négo) note : « dans la capitale, les créneaux sont fermés en droit des affaires et tout le monde fait déjà du droit international ! ». Changement de registre pour les « notaires des champs » : pour la majorité d’entre eux, exercer certaines activités (international, droit des affaires…) est « une vue de l’esprit« . « Soyons clairs, le DIP est loin de concerner l’ensemble des notaires ! » est-il, notamment, souligné en Côte-d’Or. « Il est ridicule de dire qu’il faut faire autre chose alors que l’on a déjà du mal à faire ce que l’on a à faire. Notre problème n’est pas pour le moment un problème de matière, mais de rentabilité qui va baisser » explique Christian Godard (Seine-et-Marne). Ici et là, on déplore la difficulté à reconquérir des territoires abandonnés : « Le droit des affaires va être compliqué à reconquérir, même si la plupart des notaires s’y sont attelés bien avant la réforme Macron » témoigne Anne Gaël Parry-Avril (Côte-d’Or).

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Avec l’application de la loi Macron, allez-vous modifier le fonctionnement de votre étude ? OUI 75 %

Les trois quarts de notre panel entendent bouger les lignes dans leur étude. « Comment faire autrement ? Sinon, je coule ! » écrit un quadra. Si certains en sont encore au stade de la discussion avec leurs collaborateurs (Goulven Corlay, Finistère), stoppent toute embauche ou attendent pour évaluer l’impact de la Loi (Serge Bordzakian, Pas-de-Calais), d’autres sont déjà dans les starting-blocks. Ils ont déjà mis au point un plan de bataille dont les fers de lance sont généralement :

  • la démarche qualité. L’amélioration du service client et du process de l’étude doit déboucher sur une approche plus efficace. L’objectif ? « Gagner en productivité tout en réduisant le coût de fabrication » ! « Nous allons revoir toutes nos procédures et exploiter toutes les ressources de l’étude » témoigne Stéphane Lepape (Finistère). De son côté, Bernard Matet (Gard) mise sur une meilleure gestion du standard pour optimiser le temps de travail de ses collaborateurs.
  • le regroupement avec d’autres études. Clémentine Delafontaine (Savoie) y voit ainsi un bon moyen pour « mutualiser les compétences et les salariés« . Cela permettra, ajoute son confrère de la Nièvre, « de diminuer le prix de revient des actes, d’élargir les compétences des études et d’empêcher une installation libre à proximité« . Un notaire des Alpes-Maritimes compte, quant à lui, rejoindre une société pluri-professionnelle « dès que les aléas qui subsistent auront été levés« . À noter que de nombreux notaires nous disent également réfléchir à la création d’un réseau…
  • les nouvelles technologies, avec la modernisation et le développement du système de production, l’acte authentique électronique, voire la mise en place d’un serveur de travail à distance (Marc Chicha, Alpes-Maritimes).

Au niveau de la facturation… Notre panel, dans sa majorité, entend facturer le conseil s’il n’est pas suivi d’un acte et augmenter les honoraires libres. Un notaire du Nord parle même de « refuser les dossiers sans valeur ajoutée » et un autre d’Ille-et-Vilaine va mettre en place un « tri des dossiers entrants en fonction de la rémunération« ! Quelques-uns, comme Philippe Rouhette (Savoie), réfléchissent également « à une procédure allégée pour les actes à petits prix« . La signature de lettres de mission « pour cadrer une intervention et pouvoir facturer plus si cela dépasse la mission qui a été confiée » est systématisée. C’est la « fin du service public et du service rendu » comme le note un notaire du Gard qui va désormais facturer « tout ce qui est taxable » et « réaliser les seules tâches incombant au notariat« . Il en ressort un sentiment d’amertume. « En gros, nous allons devenir de sales c… , écrit Aurélien Monroche (Deux-Sèvres), nous allons être obligés de faire primer la rentabilité sur la relation de confiance. La loi Macron signifie la mort du notariat traditionnel délaissé depuis longtemps par les études urbaines, mais qui était la fierté des études rurales. Ce notariat de famille, fait de services, de compassion, de temps consacré à toutes les tracasseries du quotidien et pourtant viable économiquement« .

Allez-vous développer de nouvelles activités ? OUI 67 %

Sans elles, pas de rebond ! Plus de la moitié de notre panel entend développer de nouvelles activités… sans pour autant sacrifier les valeurs du notariat ! « Le challenge est là » écrit Clémentine Delafontaine. Pour 45 % de notre panel, la négociation immobilière est perçue comme un véritable « trampoline ». « Les clients apprécient la qualité des conseils immobiliers des négociateurs qui ne se bornent pas à être de simples vendeurs, mais qui analysent les besoins, conseillent et sont connaisseurs des techniques de construction. Cette connaissance et ce conseil génèrent de nouveaux clients par bouche à oreille » explique un notaire du Morbihan. Ceux qui, comme ici en Creuse, avaient « délaissé la négo au profit de la rédaction d’actes« , entendent revenir à leurs premières amours et mettre en place un « réel » service. « Je vais tenter de faire plus de négo et essayer d’avoir une meilleure visibilité sur internet. La création de mon site est d’ailleurs en cours » écrit un notaire du Loir-et-Cher. Certains négociateurs « pratiquants » veulent redéployer leur service, en conciliant la négo avec l’expertise et la gérance. Beaucoup envisagent de mettre en œuvre la vente notariale interactive. C’est le cas de Charles Le Bourdonnec (Eure-et-Loir) qui a suivi une formation dans le cadre des dernières assises immonot. D’autres, comme ce notaire de l’Allier, projettent d’embaucher un négociateur supplémentaire pour booster leur service. Dans 40 % des cas, l’adhésion à un groupement de négociation est envisagée, même si certains, comme ce notaire de la Marne, ne peuvent s’empêcher de pointer du doigt « l’individualisme de certains confrères« . Dans certains cas, comme en Savoie et dans le Gard, c’est la création d’un GIE Expertise entre notaires qui est à l’ordre du jour, « pour une émulation de cette activité et un effet Club« . Quelques notaires jouent la carte de l’innovation. C’est le cas de Laurent-Noël Dominjon (Ain) qui souhaite dédier un service aux entreprises et chefs d’entreprise et ajouter des cordes à son arc (GP, collectivités territoriales…). Enfin, la spécialisation et la compétence sont, à chaque fois, les meilleures réponses à la concurrence. Capture d’écran 2016-06-02 à 13.34.21