Régis Poumeau de Lafforest, notaire à Morlaix (Finistère), a été élu, au printemps dernier, président du Syndicat national des Notaires. Il a succédé à Elisabeth Couturon (Corrèze) dont il était le 1er vice-président depuis 2010. Mini bilan après 6 mois de mandat.

 

Notariat 2000 : Quel regard portez-vous sur la situation du notariat ?

Régis Poumeau de Lafforest : Ma prise de fonction comme président a coïncidé avec le vote de la loi dite « de modernisation » des professions juridiques réglementées. Le recul n’est donc pas suffisant pour dire la portée du texte, même si les avocats tiennent un double langage sur ce sujet. Cela incite, à mon sens, à la plus grande prudence. D’un côté, on entend fréquemment, dans la bouche des avocats, qu’ils n’ont que faire de cet acte contresigné susceptible de faciliter la mise en cause de leur responsabilité. De l’autre, Me Wickers écrit sur l’avancée considérable que constitue ce nouveau produit, met en avant ses avantages face à la lourdeur de l’acte authentique et l’inutilité de la force exécutoire. Des formations sont même organisées pour former à « l’acte d’avocat » dans tous les domaines, y compris celui de l’immobilier ! Enfin, les avocats ont créé leur propre « sceau ». En réalité, c’est un label « A.A. » qui a évoqué, pour certains, une notation par une agence et, pour d’autres, un label du style de celui des Associations d’Amateurs, notamment des amateurs d’Andouillettes Authentiques !

 

Notariat 2000 : Que faut-il en conclure ?

Régis Poumeau de Lafforest : Si l’on ajoute à ces manifestations, purement nationales, les arrêts de la cour de justice de l’Union européenne, il nous faut convenir que l’heure est à l’organisation de la riposte ! Le domaine réservé à l’acte authentique « intéresse ». Il est même jalousé par toute une série de professionnels qui voudraient profiter de ce marché, dans un cadre moins contraignant que celui du notariat français, voire sans contrainte du tout. Le Syndicat considère qu’il n’est pas question de laisser faire. De même, personne ne peut plus nier, aujourd’hui, les dégâts considérables liés au manque de régulation. C’est un lieu commun de dire que la crise des « subprimes » n’aurait pas existé si les USA avaient disposé d’un système comparable au nôtre. Une large majorité de l’opinion constate et subit le manque de régulation des marchés financiers. Tout ça, c’est une réalité incontestable. Les dirigeants parlent tous les jours de la nécessité de réguler. Il serait paradoxal que, dans cette période, on dérégule, en France et ailleurs, le « marché » des contrats et qu’on lui inflige une pseudo-modernisation consistant à verser cette activité dans le marché pur et dur. C’est pourquoi nous considérons, plus que jamais, que c’est un véritable combat d’idées dans lequel il faut être présent. Le Syndicat est là pour cela !

 

Notariat 2000 : Quelle réponse le Syndicat propose-t-il justement ?

Régis Poumeau de Lafforest : Nous mettons en place, actuellement, les conditions d’une communication large, en interne à la profession et en externe, pour prendre place dans ce débat. Cette année, le notariat va globalement bien. Mais il ne faut pas s’endormir. Nos adversaires sont toujours actifs. Le danger est d’autant plus grand qu’ils sentent que, crise aidant, le vent pourrait bientôt tourner et qu’il y a urgence pour eux s’ils veulent concrétiser leur avantage actuel.

 

Notariat 2000 : Le combat n’est-il pas inégal ?

Régis Poumeau de Lafforest : Il est loin d’être perdu, même si « les groupes agissants » sont particulièrement bien introduits à Bruxelles. Les populations, dans leur grande majorité, aspirent à plus de sécurité, plus de stabilité et plus d’égalité. Il suffit de regarder à l’international comment le CSN et l’Union internationale du notariat exportent ! Par ailleurs, nos clients vivent très mal les informations qu’ils reçoivent sur les fortunes, faites à la va-vite, par je ne sais quelle astuce de « trading », les discours non suivis d’effet sur la régulation, l’attitude des banques qui spéculent contre les Etats qui les ont sauvées, il y a peu, avec l’argent des contribuables. Ils ont vraiment l’impression d’une vaste pagaille organisée au profit de quelques-uns et attendent des gouvernants qu’ils y mettent de l’ordre. C’est franchement un sentiment quasi général que les futurs candidats à la Présidence de la République en France feraient d’ailleurs bien de prendre en compte. Et là, le système du notariat a certainement ses chances. C’est un système sûr, égalitaire. Il permet l’accès au droit dans les meilleures conditions pour tous, rapporte à l’Etat sans rien lui coûter, garantit aux usagers le contrôle de l’Etat, la pérennité du service public de l’authentification. Je l’ai écrit dans d’autres colonnes : l’intérêt général, c’est le notariat. Les gens le sentent. Il faut enfoncer le clou. Sans prendre de gants, au risque de se taper sur les doigts. Il faut y aller ! Pour nous mais aussi et surtout, pour le service que nous rendons. Il faut être persuadé de notre utilité, s’en montrer digne et le faire savoir. Il ne faut pas avoir peur de nos convictions, mais les faire partager. Si on veut bien s’en donner la peine, sortir un peu de nos études et s’engager, le notariat ne peut pas perdre ! C’est pourquoi le Syndicat est prêt à accueillir les bonnes volontés. Plus que jamais, pour renvoyer au passé les moments difficiles que nous traversons et la contestation de la valeur de notre statut. Oui, c’est le moment d’y aller, tous ensemble, le Syndicat est là pour cela !