La pub à la télé, vaste sujet ! Souvent fustigée, elle est cependant regardée, de gré ou de force, malgré le zapping rageur. Faute de pouvoir l’ignorer, il faut donc se préoccuper de l’impact de celle que nous lançons actuellement, peu avant 19 h, dans la petite lucarne M6.

 

Peu amateur du « petit écran », fut-il plat, j’ai été alerté par un ami sur la série « T’as pas une minute ». J’ai donc vu un de ces « spots », celui où un client rigolard et moustachu signe à l’encre sympathique devant une clairette ébahie. Pour terminer, une fausse main du client reste dans celle de la jeune collaboratrice. Atterré, je m’interroge : quel message pour quel public et pour quel résultat souhaité ? • Le message est celui de la profession : il doit requérir notre sollicitude. • Le public est, dit-on, les 15-25 ans. • Le résultat attendu : l’évolution de notre image, modernisée, dépoussiérée… Pour y répondre, j’ai sollicité certains de nos rédacteurs, quelques jeunes de la profession, ainsi que ceux de mes petits-enfants parvenus autour de leur 20e année, avec mission de récupérer les réactions de leurs copains. Voici, à chaud, les résultats de ce petit « sondage », effectué auprès d’un panel improvisé, à majorité jeune car telle est la cible de la série.

 

Réactions à chaud

Tout d’abord, deux mini-réactions à l’emporte-pièce : « Quelques épisodes m’avaient séduit. On verse aussi dans le nunuche style menthe à l’eau. Trop de familiarité et de désinvolture. » dit la première. L’autre, plus dure : « c’est nul, débile, on ne comprend rien et c’est même pas drôle ». Suivent trois analyses, plus longues et plus mesurées.

• La première émane d’un jeune notaire assistant qui « vote à 100 % pour » même s’il admet qu’on « pourrait mieux faire ». Et d’expliquer : « La série n’est pas toujours fine, pas toujours drôle, ni forcément bien jouée. Elle n’est pas réaliste : franchement, cette ambiance sitcom, avec des gens super cool, je signe tout de suite ! Rien à voir avec la série “Avocats et Associés” qui, dans le genre, est une vraie promo de fond. Mais fondamentalement, la série s’adresse au grand public, celui qui voit le notaire comme un vieux professionnel poussiéreux, déconnecté des réalités et complètement à l’Ouest sur les nouvelles technologies. Alors, mon sentiment est que cette série remplit bien SON objectif ! Il ne s’agit pas de flatter l’œil critique des notaires et de leurs salariés, mais de changer l’image du notaire. »

• La seconde, plus contrastée, est celle d’un notaire qui voit dans la série un « progrès par rapport aux précédentes campagnes » et estime que c’est « un pas dans le bon sens ». Il énumère les points positifs : « une émission que peut voir le grand public sans s’ennuyer, un esprit d’équipe qui tranche avec l’idée du notaire coupé de ses salariés, une impression de dynamisme dans cette petite entreprise qu’est l’étude notariale, un dépoussiérage des locaux, de l’ambiance, des dossiers qui restent somme toute vivants ». Parmi les aspects négatifs, il retient notamment « des scénarios simplistes et des intrigues cousues avec du gros fil (ce qui n’est pas le cas pour les médecins de la série Urgences) ». • Enfin, une jeune notaire assistante y voit « un loupé à tout point de vue ». « J’ai du mal à saisir le but de ces petits spots, écrit-elle. S’ils visent à mettre en avant la profession, je crois sincèrement que l’objectif est raté. Sur la forme, ils sont ridicules et sur le fond, ils n’ont même pas le mérite de diffuser une information juridique claire. Un ami est également tombé sur l’émission : il m’a tout de suite appelé pour se moquer en arguant que les notaires étaient nuls en communication ! ».

 

Quant aux réactions de mes petits-enfants et de leurs copains, elles sont sans concession, nos « ados » ne s’embarrassant pas de nuances. « Hyper nul », « Rase-mottes », avec cette réflexion de l’un d’eux : « C’est Laurel et Hardy chez les notaires ! ». Ils sont pourtant nos futurs clients : ne faut-il pas tenir compte de leur avis ?

 

Absurdité

Désolation d’un spectacle signé de notre stylisée Marianne, où l’incongruité des situations le dispute à l’inconsistance invraisemblable des personnages. Comment en est-on arrivé à décider, puis à produire une telle contre-performance ? Le dynamisme, le dépoussiérage, la modernité justifient-ils l’absurdité ? Nos jeunes ne s’y sont pas trompés : les prendre pour des imbéciles ne peut que les faire rigoler à nos dépens (si tel est le but, il est atteint !).

 

Il existe dans le notariat, comme et peut-être plus qu’ailleurs, une parole portée par une pensée unique selon laquelle il ne faut pas critiquer nos structures, toutes leurs actions étant sacralisées. Il est vrai qu’elles ont le mérite d’exister et nos plus proches concurrents ne rêvent que de les copier. Il est vrai aussi qu’elles mettent souvent en œuvre des réussites avérées. Aussi, les personnes comme leurs intentions ne sont pas en cause. Mais s’il arrive de se tromper, tel est le cas ici et maintenant, faut-il tenter de justifier à tout prix et à tout propos ? Que penser du Trophée décerné par le Topcom, congrès national dans la Communication des marques et produits ? Je me perds en conjectures : s’agirait-il de favoriser le sourire en flattant notre sens national de la dérision ou celui, non moins développé, dans le milieu de « la Com’ » du « politiquement correct » ? Ou, tout simplement, a-t-on bien visionné entièrement chacun des « spots » ? Si oui, pourquoi n’a-t-on pas éliminé les plus stupides ? Si non, pourquoi laisse-t-on faire n’importe quoi et à quel prix ?