« Le respect de la vie privée », drôle de thème pour un congrès ? Pas si sûr ! À quelques jours du lever de rideau du congrès MJN (6 au 10 octobre), Hugues Baudère (Gironde) revient sur cette thématique que l’actualité place sous ses projecteurs. Hugues Baudère co-préside en compagnie de Jacques Charlin, cette 41e édition qui se déroulera à Berlin,
Notariat 2000 : « Le respect de la vie privée », sujet tabou ?
Hugues Baudère : Pour que le sujet soit tabou, il faudrait qu’il fasse peur ! Et ce n’est pas le cas ! La fonction notariale est intellectuellement très confortable, nos règlements extrêmement précis et le notaire a l’obligation de les respecter scrupuleusement ! C’est reposant, mais peut-être un peu facile… Depuis la première affaire des écoutes de l’Élysée, on sait qu’il existe un devoir de désobéissance des représentants de l’État dans des cas extrêmes. C’est cette éventualité qui est un véritable tabou, tant pour l’État que pour le notariat. Si le respect de la vie privée est l’essence même de la vie en société, la volonté de puissance étatique tend à en reculer les limites. Jusqu’où devons-nous accepter de collaborer ? Sous couvert de technicité, sommes-nous toujours attentifs au respect de la vie privée de nos clients et même de nos collaborateurs ? Il nous a donc semblé essentiel de rappeler que le sens de l’éthique est au cœur de la démarche notariale et justifie principalement la confiance que nous inspirons au public.
Notariat 2000 : Le congrès mettra-t-il Tracfin « sur la sellette » ?
Hugues Baudère : Il sera l’occasion d’évoquer plusieurs thèmes dont Tracfin. Mais entendons-nous bien : nous avons toujours participé à la lutte contre le blanchiment d’argent sale et nous continuerons… même si l’un de nos confrères a été récemment assassiné rue du Général Foy, à Paris, à la suite, semble-t-il, d’un dysfonctionnement procédural ! En revanche, le notariat est aussi le défenseur du citoyen face à un État toujours plus envahissant ! L’ordonnance du 30 janvier 2009 semble l’avoir oublié ! Par la combinaison de plusieurs textes, elle oblige le notaire à dénoncer la simple fraude fiscale. Conséquence : tout nouveau client arbore désormais le visage d’un délinquant potentiel ! Et c’est le notaire qui va devoir lui faire « avouer » d’éventuelles turpitudes, « sans qu’il ait l’impression de subir un interrogatoire » précise la circulaire. Comment accepter d’avoir à « ficher », à la dérobée, celui qui vient nous confier ses secrets ? Voilà une dérive qui ne devrait pas manquer d’interpeller tous les notaires de France ! Car si la loi remet en cause les fondements mêmes de notre profession, n’avons-nous pas le devoir d’en demander la modification ?
Notariat 2000 : Que pensez-vous de la position de la Chambre des notaires de Paris qui condamne « les atteintes portées au secret professionnel par l’interception, la transcription et la divulgation publique de la teneur de conversations privées passées entre avocats, notaire et leur client » ?
Hugues Baudère : Je ne peux que me réjouir de voir les avocats et les notaires de Paris soutenir de manière aussi claire notre congrès ! Nous avons tous été scandalisés de voir relatés dans la presse, et à l’initiative de professionnels du droit soumis au secret professionnel, tous les détails du testament d’une personne vivante. À défaut de mise en route de l’action publique, les auteurs de cette infraction auront à subir un pilori médiatique, ce qui, rappelons-le, peut aussi mener à bien des excès… Les avocats et les notaires de Paris, reprenant l’argumentaire présenté par MJN au Congrès de Bordeaux, précisent, dans leur communiqué à la presse qu’une réflexion doit être menée d’urgence sur une meilleure protection de la vie privée et du secret professionnel. Ils ont raison de souligner que l’enjeu est considérable. Il en va de la protection des droits de l’individu et de l’intérêt général. Lors de notre congrès, la partie des débats consacrée à Tracfin, en présence des représentants du CSN et de la Chancellerie, sera donc extrêmement importante…