À propos des sanctions disciplinaires

 

C’est un fait : ce sont quasiment toujours les mêmes qui dérapent et qui se font remarquer. Mais faut-il pour autant durcir les sanctions disciplinaires en envisageant, par exemple, une publication dans le journal ? Cas de conscience…

 

Moi (idéaliste) : Ce serait normal de faire connaître aux confrères, en assemblée générale, une fois par an, le nom des 10% de notaires qui se font remarquer chaque année par un nombre de plaintes ou de réclamations bien au-dessus de la moyenne et qui, au surplus, créent une surcharge de travail pour le premier syndic (même si, depuis peu, il est payé !!).

MOI (réaliste) : Tout à fait d’accord, mais de là à envisager une publication dans un journal …, n’exagérons pas ! C’est de l’auto-flagellation, et cela découragerait les notaires honnêtes, avec pour seul résultat, l’abandon de la profession par les plus dynamiques (un peu comme la régression du nombre d’anesthésistes face aux risques de procès et au coût de l’assurance).

 

Moi : Conviens toutefois que ce sont toujours les mêmes qui donnent une mauvaise image de la profession et qu’il serait nécessaire de trouver le moyen de les empêcher de continuer à sévir.

MOI : Le seul moyen, c’est la modification des textes qui datent, je te le rappelle, de 1945. Mais est-ce nécessaire, puisque les sanctions relèveront à présent du Conseil régional, ce qui constitue un changement réel par rapport au passé ? En outre, il faut bien admettre que, comme dans bien d’autres matières, les textes existent et la discipline relève en définitive de la seule volonté du président et de son premier syndic.

 

Moi : Certes, mais tu sais bien justement que les mauvais confrères profitent du secret des délibérations pour continuer leurs actions coupables, que certains bénéficient de protection et qu’en général, afin d’éviter des vagues ou une procédure judiciaire, les responsables ont plutôt tendance à fermer les yeux ou à temporiser. C’est fou ce que les notaires adhèrent facilement à une solidarité passive, alors qu’ils devraient au contraire se désolidariser des mauvais, au nom de la confraternité transparente et vigilante. Et puis, ce goût pour les bonnes manières que je qualifierais d’hypocrites, cette absence d’originalité qui les fait préférer le langage politiquement correct et le confrère conventionnel, discret, secret qui la ferme, respectant ainsi une sorte d’omerta… dans un comportement apparemment psycho-rigide. « Un ministre, ça la ferme ou ça démissionne » disait Chevènement. Ne dirait-on pas quelquefois que les notaires font les deux à la fois ?

MOI : Tu connais le dicton : « On lave son linge sale en famille » et, par conséquent, si le président fait son boulot (pour lequel il est à présent payé) en sanctionnant les confrères quand cela s’avère nécessaire, c’est juste, d’autant plus, si ces confrères ont été mis en garde, puis signalés à l’attention de tous à l’occasion d’une assemblée générale.

 

Moi : Cette dernière mesure n’est pas pratiquée.

MOI : C’est vrai, mais ce n’est pas possible selon nos textes, pas plus d’ailleurs que l’on ne pourrait obtenir d’un confrère le paiement d’une amende s’il refusait de la payer. Bien que je pense qu’un président ferme pourrait obtenir un tel versement, avec l’aide tant de la hiérarchie des sanctions que de l’intervention du Procureur.

 

Moi : Ce serait tout de même mieux si…

MOI : … Si l’édifice notarial était parfait, solide, inattaquable… Si tu étudiais l’histoire de la pyramide de KHEOPS, tu découvrirais sans doute qu’à l’origine de sa construction et pendant tout le déroulement des travaux il y a eu des injustices, des trahisons, des vols, des escroqueries … et pourtant le monument demeure dans toute sa perfection.

 

Moi : Je ressens une vraie souffrance et une vive indignation lorsque je lis qu’un prêtre a abusé d’un enfant ; qu’un gendarme a été pris dans un trafic illégal ; qu’un ministre a placé des fonds en Suisse ou qu’un notaire a trahi la confiance de personnes âgées. Il est vrai, paraît-il, que l’enfer est pavé de bonnes intentions, mais tout de même !

MOI : C’est normal, car tu attends la perfection de la part des grandes institutions qui représentent dans notre imaginaire un certain ordre moral. Mais, tout compte fait, est-ce sur ce plan-là que la profession pèche le plus ? Elle s’auto-contrôle et cela peut prêter le flanc à la critique, mas au final notre organisation supporte bien et favorablement la comparaison avec les professions concurrentes. Comme dans toutes les œuvres humaines, il y a des imperfections et même des ratés qui soulèvent la réprobation ; mais la discipline existe, le contrôle interne fonctionne, et le corps notarial résiste bien à l’air du temps – empreint d’égoïsme, d’incivisme, de laisser-aller au plan de la probité -, et à la désorganisation – liée à la transformation de notre société consumériste. Si le notariat disparaissait, serait-il si facilement remplacé et nos successeurs, libéraux ou commerçants, seraient-ils aussi efficaces, probes et disponibles ?

 

Moi : Tu as peut-être raison, après tout. Le sujet des sanctions disciplinaires ne paraît pas être celui qui nécessite une remise en cause des fondements du notariat et, en tous les cas, il faut attendre un peu pour voir si les réformes (indemnisation des élus et déplacement de la sanction au niveau régional) ont un effet positif sur la discipline notariale.