Plus de réformes, plus d’adaptation ? Et s’il y avait urgence à relancer le processus de modernisation de la profession… Réflexions iconoclastes.
MOI : Les problèmes du notariat sont de deux ordres. Tout d’abord, son existence, sa légitimité, le périmètre de son activité, la concurrence avec les autres professionnels du droit sont régulièrement évoqués depuis plus de 30 ans, faisant de la suppression du monopole une sorte de rengaine que l’on nous ressert à intervalle régulier, notamment lors des crises de « libéralité aiguë ».
Moi : En général, on soigne cette maladie par des contacts au plus haut niveau, quelques commissions « éteignoirs » et des promesses. Résultat : la profession résiste, mais ne progresse pas.
MOI : Exactement. Mais il y a un second aspect, plus matériel, relevant de l’organisation, de l’économie… Il va nécessairement poser problème à terme, même si le reste résiste.
Moi : Que veux-tu dire ?
MOI : Rappelle-toi : après le rapport Rueff, nous aurions dû nous moderniser, (ce qui a été fait), mais aussi augmenter le nombre de notaires. Avec les années 80, la profession a lancé le slogan 10 000 notaires en l’an 2000. En vain.
Moi : Et 2007, avec l’arrivée d’un nouveau Président de la République, nous a obligés à relancer le processus dans l’urgence, avec l’obligation d’y parvenir, voire de dépasser les 10 000 notaires.
MOI : Il y a cependant une différence de taille. Nous sommes contraints d’agir rapidement. Comme l’a écrit Antoine Zémea (1), les notaires vont au-devant de sacrées mauvaises surprises. Les études vont perdre de la valeur avec l’augmentation du nombre d’offices. Les jeunes confrères, récemment installés, vont connaître des difficultés, du fait de la réduction de leur chiffre, liée à la concurrence des nouveaux arrivants. Sans modification de notre champ d’exercice et même si nous traitons mieux les affaires de nos clients, ces conséquences s’imposent presque mécaniquement. Or, si elles sont faciles à prévoir, on ne voit pas les mesures économiques proposées par les instances supérieures pour y faire face. Résultat, nous aurons des confrères cédants mécontents de la baisse de la valeur de leur office, des jeunes cessionnaires inquiets du risque excessif qui s’impose à eux et des jeunes récemment installés, obligés de faire face à des échéances de prêt trop importantes… À court terme, cela risque de faire beaucoup de mécontents !
Moi : Toutes proportions gardées, les chauffeurs de taxi avaient un problème similaire. Il fallait augmenter le nombre de véhicules pour satisfaire la clientèle. Le faire sans indemniser, comme le proposait la commission Attali, revenait à une simple spoliation, contraire à l’esprit du libéralisme qui reconnaît la propriété privée. Une grève s’en est suivie avec l’arrêt du processus à la demande du Premier ministre. Pouvons-nous faire la grève en pareille circonstance et obtenir une réduction du nombre de notaires à créer ?
MOI : C’est impossible ! Mais le notariat doit prendre conscience des changements économiques et proposer des mesures à long terme. Il va devoir réduire ses frais généraux, ses frais de structures, pour diminuer les cotisations de chacun.
Moi : Et les jeunes, ceux qui souhaitent ou viennent de s’installer ? Et les cédants qui comptaient sur le prix de leur office pour compléter le montant de leur retraite, que leur proposer ?
MOI : Je n’ai rien lu à ce propos. Ne faudrait-il pas inventer une taxe contributive, qui puisse servir à compléter le prix du cédant ou aider le candidat à l’acquisition ? Nous venons d’apprendre qu’un syndicat patronal disposait d’une cagnotte. Si c’est le cas du notariat, ce que j’ignore, on pourrait l’affecter à ces opérations. Je n’ai pas la solution. Je pose des questions. Je cherche…
Moi : Cela n’est peut-être pas nécessaire actuellement.
MOI : Certes, mais la situation peut évoluer défavorablement en moins de 5 ans ?
Moi : La Caisse des clercs pourrait constituer un exemple parlant. Nos clercs étaient vertueux sur le plan de l’absentéisme, la CRPCEN était excellemment gérée et, à la sortie, du fait de notre manque d’anticipation, nos collaborateurs ont rejoint le régime général, de telle sorte qu’ils sont moins bien traités et spoliés de leurs efforts… À qui la faute ?
MOI : En tous les cas, pas de nos collaborateurs ! Tout cela m’inspire un dernier marronnier…
Moi : Lequel ?
MOI : Nous devons nous poser les bonnes questions, sans écarter certaines au prétexte qu’elles seraient accessoires, d’intendance, voire pas encore d’actualité. Si l’on regarde l’histoire de l’humanité ce sont les grands animaux, et notamment les mammouths qui ont disparu les premiers, pour n’avoir pas su s’adapter à temps à leur milieu…
1. Cf. N2000 n°491, mars, page 20, « Grandeur et décadence »