Ségolène Royal : … Cette histoire de 4 000 euros par mois et par couple pour désigner les riches nous a fait perdre beaucoup de voix, car, en définitive, un grand nombre de fonctionnaires sont concernés. Tu aurais mieux fait de viser… (soupir) je ne sais pas, moi… Tiens, j’ai rencontré Me Lambert au Sénat tout à fait par hasard. Les notaires, voilà une bonne cible ! Ils sont riches, enviés et en plus, ils détiennent un monopole d’État !
François Hollande : J’ai eu connaissance de quelques chiffres. Effectivement, ils sont très bien placés dans le palmarès des professions libérales, mais nous avons besoin d’eux. C’est une profession organisée, structurée, comparable à une grande administration française.
Ségolène Royal : … Si tu veux faire payer les riches, c’est sur les notaires qu’il faut notamment taper.
François Hollande : Je déteste les riches, mais nous ne pouvons pas abandonner le droit de la famille à des fonctionnaires. À cause du secret professionnel, mais aussi pour la bonne marche de l’économie. Imagine ! Si en plus des grèves des transports et des PTT, notre pays devait affronter une grève des notaires fonctionnarisés, ce serait comparable à 1968 !
Ségolène Royal : … C’est curieux ta détestation des riches -ou soi-disant riches- et ce besoin nouveau de protéger les notaires pour que les étudiants n’abandonnent pas ce métier.
François Hollande : Mais te rends-tu compte qu’il s’agit d’une profession millénaire ! Même sous la Révolution, nos camarades les ont épargnés, alors qu’ils ont occis un grand nombre d’avocats.
Ségolène Royal : … Les révolutionnaires ont bien mis fin à la monarchie. Alors pourquoi pas au notariat !?
François Hollande : Certes, mais je te rappelle que nous avons remplacé la monarchie par l’énarchie. Ce qui revient au même en ce qui concerne les privilèges. Tandis que nationaliser les notaires, c’est un vrai risque de blocage. Quant à les libéraliser complètement, ce serait pire et, d’ailleurs, ce n’est pas conforme à notre idéal philosophique.
Ségolène Royal : … Pourquoi dis-tu cela ?
François Hollande : Mais sors un peu de tes débats participatifs ! Je te rappelle que les notaires détiennent le monopole de l’accès au fichier immobilier et que ça fonctionne. Ils sont détenteurs des secrets familiaux et sont d’irremplaçables archivistes. En outre, ils assainissent le marché du droit, les relations entre les hommes. Je suis persuadé que, sans eux, il y aurait davantage de corruption. Or, souviens-toi que la France est très mal placée sur l’échelle des pays où règne la corruption dans le monde. Le notariat est un bon serviteur de l’État ; nous devons le sauvegarder. Méfions-nous des changements au nom de l’idéologie.
Ségolène Royal : … Tu préconises de ne pas changer un système qui fonctionne ?
François Hollande : Tu as tout compris. Nous sommes contre le libéralisme et contre l’individualisme. L’État doit régir les rapports entre les hommes pour apporter un peu d’humanité et de morale dans cet exercice quotidien. Il délègue une parcelle de l’autorité publique à ce corps de professionnels bien formés, suffisamment peu nombreux pour être surveillés efficacement par le Parquet et qui agit comme d’excellents percepteurs sans rien coûter. N’est-ce pas un bon compromis ?
Ségolène Royal : … Tu as raison, veillons à développer leur activité pour mieux protéger les citoyens. Fixons un tarif compréhensible par le plus grand nombre pour préserver l’équité de tous dans les relations économiques et familiales, assurons-leur un revenu convenable pour les dissuader de chercher à arrondir leur fin de mois. Bref, appuyons-nous sur eux, puisqu’ils concourent à assurer un État de droit et de justice.
François Hollande : Il faut absolument que nous prenions contact avec Me Lambert. Attention, ne te fais pas piéger : n’accepte un rendez-vous qu’avec lui et à son office ! Il ne faudrait pas qu’on aille diffuser dans la presse que tu organises un rapprochement Gauche/Droite !