Rien n’est plus irritant qu’un notaire énonçant des « vérités premières » sans signer de son nom. N’est-il pas en effet ahurissant que quelqu’un qui engage sa responsabilité d’une façon écrasante par sa seule signature au pied des actes, n’assume pas ses opinions, voire les dissimule en un rappel à la morale, au règlement ou à l’essence de la fonction notariale. C’est pourtant souvent le cas en matière de négociation immobilière…

 

Quels qu’en soient le destinataire et le support, le message de ceux qui ne pratiquent pas la négo est généralement le suivant : « nous devons nous en tenir à notre véritable métier ; il est indigne d’un notaire de se livrer à des actions de nature quasi-commerciale du type de la négociation immobilière ». Selon eux, le notaire devrait donc se contenter de faire des actes authentiques. Cet argument est, curieusement, très fréquemment repris par nos concurrents agents immobiliers qui accusent, sans vergogne, les notaires négociateurs de leur « prendre » des parts de marché… Marché dans lequel nous leur préexistons historiquement.

 

Légitimité

Qui pourrait remettre en cause la légitimité du notaire, à un niveau raisonnable et en parallèle d’une activité notariale complète, à jouer un rôle d’intermédiaire en négociation immobilière ? Personne, si ce n’est peut-être des confrères motivés par de mauvaises raisons ! Les affirmations de ces « ennemis intérieurs » ont abouti, notamment, à l’interdiction (toute théorique) de rémunération pour l’établissement du compromis de vente… Songez que l’ex-ministre de la Justice a osé affirmer, dans une réponse à un parlementaire, que si l’agent immobilier pouvait se faire rémunérer pour l’établissement de l’avant-contrat, c’était parce qu’il ne bénéficiait d’aucune rémunération pour la rédaction de l’acte lui-même !!! L’agent immobilier qui agit, comme chacun sait, pour ainsi dire bénévolement, apporte à n’en point douter un service qui mérite rémunération au-delà du montant dérisoire de sa commission (1)…

 

Pourquoi cet acharnement ?

L’enfer est, dit-on pavé des meilleures intentions… Je ne peux imaginer qu’un notaire qui s’attaque ainsi à ses propres intérêts le fasse sans une autre motivation. Si la profession est unie, elle doit accepter que chacun puisse avoir, en fonction de ses propres affinités, des activités complémentaires. Je me permettrai donc, sous ma propre signature, d’accuser clairement ces donneurs de leçons, à charge pour eux de se révéler et me démontrer le contraire :

1ère hypothèse : ces notaires sont situés dans des zones privilégiées au plan des valeurs immobilières et la rémunération de l’acte leur suffit. Mieux : en raison même de cette rémunération, ils ont peut-être des scrupules à l’égard de leur clientèle et n’osent tirer plus encore de ce que la géographie leur apporte sans effort (2)…

2ème hypothèse : ces notaires sont ce qu’on appelle des « notaires d’agence ». La manne est moins rémunératrice, mais largement consolatrice. Ils bénéficient d’un fonds de roulement confortable. Ils entretiennent des contacts appréciables dus à leur proximité avec l’agent immobilier du coin qui n’hésitera pas à dire à ses clients qu’il fait « toutes les affaires chez son voisin (et ami) Me untel » ou pire encore à dénigrer tout autre notaire que « l’élu ».

Généralement, ces notaires s’assoient, plus par omission que par action, sur l’article 4.2. du règlement national. Négocier reviendrait, pour eux, à se priver, au moins momentanément, de la certitude de profiter encore des largesses des apporteurs d’affaires !

Dans les deux cas, et plus encore lorsqu’ils cumulent les deux hypothèses, je comprends aisément la réticence de nos confrères à signer leur prise de position. Mais sont-ils réellement dignes d’être des nôtres ? N’est-ce pas plutôt à eux que nous devons -réellement- le mépris témoigné à notre profession (à opposer au respect de la fonction) et la volonté d’en finir avec elle ?

 

1 – Etant rappelé que le principe même de la négociation excluait, avant la controverse Motel, la rémunération supplémentaire du compromis ! 2 – Voir N° 491 « Selon que vous serez puissant ou misérable ».