L’un est installé en Charente-Maritime et a ouvert son service négo il y a à peine deux ans ; l’autre vit dans le Nord, dans une région où pratiquer la négociation immobilière est culturel. Interviews croisées de Fabrice Perreau-Billard (Saint-Martin-de-Ré) et Patrick Lotthé (Bailleul), deux notaires qui ont foi en la négociation immobilière notariale.

 

Notariat 2000 : Depuis quand pratiquez-vous la négo et pourquoi vous y êtes-vous mis ?

Fabrice Perreau-Billard : Nous pratiquons la négo depuis avril 2008 ! Il y a 15 ans, l’étude en faisait déjà plus ou moins, mais, au fil du temps, elle avait délaissé cette activité. Peu à peu, les agents immobiliers, très nombreux sur l’île, ont occupé le marché. Avec mes associés, nous avons constaté que leur emprise était de plus en plus importante. Pire, certains d’entre eux faisaient n’importe quoi, n’hésitant pas parfois à détourner notre clientèle. Parallèlement, nous étions confrontés à une demande de plus en plus forte de la part de nos clients. Nous avons alors décidé de renouer avec la négociation immobilière. Nous nous sommes immédiatement donnés les moyens financiers, économiques et humains pour réussir ! La création d’un service négo s’est donc imposée comme une évidence ainsi que la mise en place d’un site internet. Nous avons également pris soin de recruter un collaborateur ayant « le bon profil ». Notre négociateur a une parfaite connaissance du marché, un bon bagage juridique et 25 ans d’expérience…

Patrick Lotthé : En Flandre, les notaires négocient depuis toujours. A l’époque, mon grand père négociait déjà. Depuis les années 70, les notaires ont structuré cette activité en formant spécifiquement des négociateurs et en créant des services de négociations au sein des études.

 

Notariat 2000 : Travaillez-vous en groupement ?

Fabrice Perreau-Billard : Pas pour l’instant car le service est encore récent, mais nous y réfléchissons sérieusement ! Toutes les agences qui réussissent travaillent en réseau. Le groupement est une force. C’est une nécessité.

Patrick Lotthé : Bien sûr : l’union fait la force ! Le groupement permet d’unifier les méthodes de travail, l’organisation et la formation des négociateurs. Il permet, en outre, d’offrir au client une offre plus large. Les agences immobilières l’ont bien compris et ce n’est pas un hasard si celles qui fonctionnent le mieux sont en réseaux…

 

Notariat 2000 : Quels avantages y a-t-il à pratiquer la négo ?

Fabrice Perreau-Billard : Ils sont multiples. Sur le plan pratique, la négociation immobilière permet d’offrir une prestation totale indissociable de notre activité. Par ailleurs, le notaire maitrise parfaitement l’immobilier, dont la négociation est la base. Nous connaissons les biens vendus (ce qui évite bien des surprises), nos clients, le tissu économique, les prix du marché. Nos honoraires sont très bas par rapport à ceux des agences et nous tenons la plume. Nous offrons une qualité de service bien supérieure à celle de nos concurrents ! Enfin, c’est un excellent remède anti-crise : grâce à la négo (et au droit de la famille), nous avons passé deux années confortables.

Patrick Lotthé : C’est d’abord la satisfaction du besoin du client et ensuite une source de chiffre d’affaires. L’investissement dans un logement est une décision familiale importante. Le client recherche des conseils avisés dans une masse d’informations parfois disparates et contradictoires. Les aspects juridiques familiaux sont souvent oubliés. Par la négociation immobilière, le client connaît la profession dans sa fonction la plus noble : le conseil. Il ne s’agit pas seulement de trouver un logement, il faut donner de l’information au client, notamment, en ce qui concerne l’estimation de l’immeuble qu’il envisage d’acquérir ou sa situation juridique actuelle afin de l’adapter au besoin. Seul le notaire est aujourd’hui capable d’avoir une telle démarche. Dés lors, il n’est plus considéré comme un passage administratif obligé et couteux, puisqu’il est source de conseils et de réflexion. Enfin, l’aspect financier n’est pas négligeable. Pour les notaires de l’arrondissement, la négociation représente entre 20 et 25 % du chiffre d’affaires des études. Même en 2009, malgré la baisse du volume des transactions, les services négo étaient bénéficiaires.

 

Notariat 2000 : Que diriez-vous à ceux qui hésitent à se lancer ?

Fabrice Perreau-Billard : De ne plus hésiter car nous sommes les meilleurs ! Je comprends que certains confrères, en présence de fortes concentrations d’agences immobilières, se posent la question par crainte de voir leur chiffre d’affaires baisser. Il faut certes du courage, mais le jeu en vaut la chandelle ! Lorsque nous nous sommes lancés, les agents immobiliers locaux ont aussitôt déterré la hache de guerre. Nous avons tenu le cap malgré les menaces car il nous semblait dangereux de dépendre économiquement des agences. Deux ans plus tard, les querelles se sont apaisées : beaucoup d’entre eux comprennent qu’on peut travailler en collaboration.

Patrick Lotthé : De se jeter à l’eau, surtout s’il y a une demande locale, car si ça marche chez nous, ça marchera aussi chez eux ! Et à ceux qui ont peur des agences, je leur dirai simplement qu’il est préférable d’être indépendant économiquement…

 

Notariat 2000 : Et à ses détracteurs ?

Fabrice Perreau-Billard : Ne pas faire de la négo, c’est priver notre clientèle d’une prestation de service de qualité. La rédaction du compromis de vente est la pierre angulaire du dossier de vente, sa rédaction n’incombe pas aux agences. Nous devons en avoir la pleine maîtrise. Délaisser la négociation immobilière, c’est réduire notre activité à la seule authentification des actes et faire la part belle à nos « amis » avocats…

Patrick Lotthé : Que la négociation immobilière notariale répond à un besoin du consommateur et que c’est une activité traditionnelle. Elle permet ensuite de fidéliser la clientèle. Il y aura toujours des détracteurs, car il y a toujours de bonnes raisons pour attendre et ne rien faire !

 

Notariat 2000 : Souhaiteriez vous que les instances soutiennent davantage sa pratique ?

Fabrice Perreau-Billard : Oui, par le biais d’une vaste campagne d’information ! Il existe encore des confrères qui tiennent des propos archaïques sur le sujet. Beaucoup font l’amalgame avec les agents immobiliers, considèrent que les notaires négociateurs sont des commerçants et ont oublié que la négociation est une activité traditionnelle du notariat. C’est dommage : faire de la négociation immobilière est noble.

Patrick Lotthé : Aide toi et le ciel t’aidera. Les instances font ce qu’elles peuvent. Elles nous soutiennent beaucoup en matière de formation. Il est maintenant question qu’un réseau national des négociateurs voit le jour…Il faut vraiment être aveugle pour ne pas constater les outils mis en place par la profession.

 

Notariat 2000 : Si vous aviez un rêve…

Fabrice Perreau-Billard : Qu’un jour tous les notaires de France puissent offrir à leurs clients la possibilité de vendre ou d’acquérir leur bien immobilier, que le notariat ait la maitrise de la négociation immobilière sur le plan juridique en rédigeant tous les avant-contrats !

Patrick Lotthé : Qu’un réseau national de négociation notariale voit le jour avec un personnel formé sur les mêmes bases et travaillant avec la même procédure de qualité, à l’instar des réseaux bancaires où la qualité des services est très analogue d’une agence à l’autre, partout sur le territoire.