L’intrusion d’internet dans notre vie quotidienne n’en finit pas de bouleverser nos habitudes. Elle a au moins deux mérites : celui de mettre en évidence les services offrant une réelle valeur ajoutée, et inversement celui d’accélérer la disparition des activités assises sur de simples rentes de situation. Dans ce nouveau contexte, les métiers de l’intermédiation, ainsi que leurs coûts méritent un nouvel éclairage…

 

Nous avons la conviction que l’évolution en cours va permettre à l’activité d’intermédiation de retrouver ses lettres de noblesse. Prenons le cas de l’immobilier : d’aucuns estiment qu’il est aujourd’hui possible de vendre des biens directement sur internet et il y a déjà des tentatives en ce sens. C’est oublier deux composantes essentielles de la négociation : • celle relative à son contexte juridique avec une floraison de diagnostics techniques dont on a du mal à imaginer que de simples particuliers puissent en avoir la complète maîtrise ; • celle ayant trait aux parties en présence. À de rares exceptions près, une négociation est l’aboutissement d’un processus au cours duquel chacune des parties accepte de faire évoluer sa position. Cela est rarement compatible avec une confrontation frontale plus ou moins brutale, d’où l’intérêt de la présence d’un tiers facilitateur qui va gérer les échanges de communication, empêcher les blocages, arrondir les angles… Et parfois éviter que le plus faible soit victime du plus fort.

 

Éclairer la route

La vente de l’immobilier en ligne est l’exemple type de la fausse bonne idée, comme le fut l’annonce de la vague des livres numériques, qui devait tout emporter sur son passage. On sait maintenant ce qu’il en est advenu… Si l’on sait bon sens garder, on conserve en mémoire le principe qu’internet sert à s’informer, pas à acheter dès lors qu’il s’agit d’un bien immobilier. L’intermédiaire qui ne fait que transmettre de l’information, ou se contente d’une prise d’ordre, ou d’un simple encaissement de primes ne propose pas de véritable valeur ajoutée. Normal que son utilité fasse l’objet d’une forte remise en question ! Celui qui apporte un savoir spécifique acquis au cours de ses études et/ou de sa trajectoire professionnelle, va “éclairer la route”. Il rend un service réel dont le bénéficiaire perçoit la valeur, acceptant sans rechigner d’en supporter le coût. Cet intermédiaire-là n’a pas à s’inquiéter du développement du monde de l’internet.

 

À quel coût ?

L’intermédiaire contribue à la fluidité des relations à l’intérieur de l’environnement socio-économique. Cela ne justifie pas que son coût devienne exorbitant. Mais il n’est pas facile de le chiffrer et tenter de le faire conduit souvent à des erreurs de jugement. L’exemple de la négociation immobilière est symptomatique. Les honoraires liés à cette activité sont toujours considérés comme trop élevés. À l’appui de la démonstration, on a beau jeu de prendre le cas d’école suivant : « Je reçois un vendeur qui me confie la vente de sa maison moyennant le prix de 200 000 €. Une heure plus tard, je la fais visiter à un client qui l’achète. Conclusion : je perçois une commission de 5 %, soit 10 000 € pour deux heures de travail ». Tous ceux qui pratiquent la négociation savent bien qu’il s’agit là d’un cas d’école parfaitement théorique, que certains ont eu exceptionnellement la chance de rencontrer au plus fort de l’euphorie immobilière. C’est faire abstraction que dans la très grande majorité des cas, les négociateurs passent un temps considérable en visites multiples, en longues discussions avec le vendeur pour lui faire comprendre que le prix demandé est trop élevé, avec l’acquéreur qui propose un prix trop bas, sans compter les démarches administratives de tout genre.

 

Haro sur le baudet ?

Il est donc trop facile de crier haro sur le baudet en pourfendant les affreux profiteurs qui s’en mettent plein les poches sans aucun effort. Mais à contrario, comment ne pas s’interroger sur le fait que les agents immobiliers américains vivent convenablement en se contentant d’une commission moyenne de 2 % ? La solution réside certainement dans une révision des modes opératoires : il est bien évident qu’en France le coût de l’intermédiation immobilière est élevé parce que l’on fait payer à l’acquéreur, en bout de chaîne, la totalité des frais exposés pour arriver à la vente, notamment celui des visites. Si les visites étaient payantes, si chaque service rendu à l’occasion du processus de négociation était effectivement supporté par le bénéficiaire des dits services, il y aurait sans doute moins de visiteurs du dimanche, et certainement des frais d’intermédiation moins élevés !…