Actes en libre-service
Des actes en libre-service, cela existe. On en trouve sur internet, proposés par des cabinets d’avocats moyennant finance. Mais il est également possible d’en trouver des très bien faits, quasi gratuitement (uniquement le coût d’un appel téléphonique). Sont ainsi immédiatement utilisables, toutes sortes de baux, compromis, statuts et actes de SCI. Il suffit d’aller sur le site www.modelo.fr et d’appeler le numéro indiqué pour obtenir un code donnant l’accès au modèle demandé. Vous pourrez ainsi le télécharger et l’utiliser autant de fois que vous le voulez par la suite. Et si le libre-service prenait de l’ampleur ?
Concurrence et monopole
L’Europe prône la libre concurrence. Certaines professions ou groupes y résistent, d’autres ont dû s’y soumettre, parmi lesquelles des entreprises emblématiques comme la poste et EDF. Cette libre concurrence est-elle réellement un mal ? Prenons la desserte des colis : est-elle plus mal assurée par des entreprises privées ? Pour nos offices, nous pouvons choisir nos fournisseurs d’accès à l’énergie (vous pouvez en avoir la liste complète sur www.cre.fr). Pour internet aussi, il n’y a pas que notaires.fr. Et nous, combien de temps résisterons-nous ?
L’authenticité évolue…
L’authenticité, c’est un pilier de la profession sur lequel nous nous reposons et dont nous vantons les mérites. Mais l’authenticité évolue… À l’origine, il fallait deux notaires ou un notaire et deux témoins pour la majorité des actes. Puis, un notaire a suffi ; il a été ensuite autorisé à s’associer. Cela ne suffisant toujours pas, l’habilitation a été mise en place (cela a-t-il mis fin aux signatures recueillies par de simples clercs ?). Le notaire authentifiait l’acte le jour où il apposait sa signature, puis, petit à petit, l’habitude a pu s’instaurer de régulariser l’acte sur la seule signature du clerc habilité, le notaire signant un peu plus tard, ou même beaucoup plus tard, lors de son retour de vacances. Aujourd’hui, on en arrive même à “dater” des actes que ni les mandataires ni le notaire n’ont signés. Le répertoire, lorsqu’il sera fait, authentifiera le tout. L’authenticité aurait-elle évolué à ce point ?
Changement de régime
La prochaine suppression de l’homologation des changements de régime, tant réclamée, va-t-elle changer nos habitudes ? En soi, l’exigibilité d’une liquidation du régime matrimonial n’est pas illogique car, dans la pratique, elle n’était jamais réalisée. Mais cela correspond-il au souhait des parties et cela présente-t-il un réel intérêt ? À quoi sert-il de liquider un régime matrimonial si c’est pour attribuer les mêmes biens en indivision ou mieux, les transférer d’une communauté légale à une communauté universelle ? D’autre part, le coût sera sans doute supérieur aux honoraires de l’avocat (mais le fisc sera sûr de percevoir sa dîme). Il nous faudra peut-être préconiser moins de « changements » de régime et davantage de « modifications », ce qui peut s’avérer suffisant dans de nombreux cas.
Notaire d’agence ou de promoteur ?
Le notaire est librement choisi par les parties. Donc, un notaire “d’agence” (ou de promoteur), cela ne peut pas exister. Mais est-ce si sûr ? Il existe de nombreux cas où l’acquéreur (c’est souvent lui) ne connaît pas de notaire. Lors de la signature du compromis par le biais de l’agence, il s’en remet donc à elle (après tout, le notaire n’est là que pour formaliser et “authentifier” !). L’agence a alors la possibilité de prendre le notaire du vendeur, ou de choisir “son” notaire, ce qui est souvent le cas. Pourquoi pas ? Rien n’interdit en effet à une agence ou un promoteur d’avoir des liens “privilégiés” avec un notaire. Mais est-on toujours assuré que l’on n’ait pas un peu « forcé la main » de l’acquéreur dans son « choix » ? La profession surveille-t-elle sérieusement les remises d’honoraires ? Et surveille-t-elle un tant soit peu les “cadeaux d’entreprise” ?
Parapluie et consommateur
Évolution de la société oblige, notre profession se soucie de plus en plus de la protection du “consommateur”. Or, si l’on y réfléchit de plus près, ce serait plutôt vers celle des marchands de parapluies qu’il faudrait se tourner ! Quelle est en effet la véritable conséquence de toutes les myriades de diagnostics qui se mettent en place cahin-caha, si ce n’est finalement que l’acquéreur ne pourra bientôt plus se retourner que contre lui-même, pour ne pas avoir tout compris dans l’enchevêtrement des documents soumis à sa signature au dernier moment. Sans doute était-il trop simple de se contenter de déclarations par le vendeur, sanctionnées en cas de mensonges. Quant à nous, nous aurons la conscience tranquille et ouvert notre parapluie à notre tour. À ce train-là, même les parapluies de marchand de foire ne suffiront plus.