Notre rédacteur Jean-Claude Bigot ([email protected]) a de saines lectures. Outre Notariat 2000, il lit la presse de toutes les chapelles et n’hésite pas à jeter des pavés dans toutes les mares, fussent-elles amies…
Générosité
Annie Lamarque, notaire à Collioure, présidera le prochain congrès du Mouvement Jeune Notariat qui aura lieu en novembre à New York. Le thème en sera : “Mécénat-Philanthropie : le notaire acteur de la générosité citoyenne”. Sujet inattendu auquel on ne peut qu’applaudir ! Il témoigne de la sensibilité du Mouvement, impulsée par Louis Reillier, son président fondateur. Il lui a donné ses lettres d’action et de noblesse autour de la mission sociale et économique du notaire. L’esprit initial a suivi au fil du temps. Ainsi, son premier successeur, Gérard Julien-Saint-Amand écrivait : “La profession, pour subsister, doit avoir le souci constant de son utilité sociale”. Cette suite ininterrompue, malgré le matérialisme ambiant, est assez surprenante pour être soulignée. Dans cet esprit fondateur pérenne, ne faudrait-il pas explorer, lors du congrès, l’un des aspects de la générosité, à savoir le rapport du notaire avec l’argent ? D’évidence, celui-ci est indispensable à une saine gestion de l’entreprise et à son bon développement. Mais ne serait-il pas bon de rechercher les contours d’une bonne distance à l’argent ? Celui du client, celui de l’entreprise notariale, celui du notaire lui-même… N’assiste-t-on pas à une “course à l’échalote” où la concurrence financière prend une part croissante ? Cela expliquerait, d’ailleurs, notre acharnement à maintenir, dans les plus grandes métropoles, d’énormes structures qui, par les bénéfices nets en résultant, sont une contre publicité récurrente pour notre pérennité. François de Closets a stigmatisé, dans son livre “Toujours Plus”, nos soi-disant “privilèges”. Le résultat est dévastateur, même si on peut regretter les effets d’annonces toujours excessifs et souvent sans fondement. Mais n’est-ce pas prêter le flanc aux critiques perpétuelles, renforcées par les temps qui courent ? Bon vent au MJN et à son congrès de New York 2013 !
Déception… et regrets
La place Vendôme “ferraille dur” avec Bruxelles. Nous n’avons pas fini de déplorer les arrêts dévastateurs du 24 mai 2011 qui ont refusé au notariat sa dépendance à l’autorité publique. La Commission, jamais en reste pour pousser les portes de la concurrence, s’est aussitôt engouffrée pour en tirer tous les inconvénients pour notre profession. Dernier en date : la libre circulation de l’acte notarial. Pas d’acte “public”, pas de circulation extra nationale ! Depuis un demi-siècle, le notariat français, en pointe sur cet important sujet, se démène auprès de tous les gardes des Sceaux (qui généralement le soutiennent), sans résultats tangibles. Et, au moment où l’on pourrait entrevoir un espoir, un malencontreux arrêt renforce la Commission à notre détriment ! A cette déception, s’ajoute un regret : un notaire “capitaliste” va probablement pouvoir salarier deux notaires. Voilà qui est préjudiciable à l’intérêt général de notre profession, car on encourage les structures tentaculaires de concentration du capital. Que les très gros offices (TGO) souhaitent “gagner toujours plus”, on peut le concevoir… mais que la Chancellerie suive, c’est préoccupant ! Nos structures ont-elles à emboîter le pas des TGO ?
“Dérives et tentations”…
C’est sous ce titre évocateur que la revue “Que Choisir” a passé nos us et coutumes au crible de sa critique, en mai dernier. A lire les 6 pages de ce “décryptage”, on retrouve l’important travail de recherche qui caractérise les enquêtes de cette importante association de consommateurs. Rien à voir avec la partialité engagée d’un Vincent Lecoq ! Certes, l’article n’échappe pas à quelques débordements, voire à quelques erreurs. En effet, sur les 4,5 millions d’actes, notre assureur traite 4 200 dossiers. Soit un peu moins de 1 % d’actes traduits en justice ! Et il faudrait y ajouter les erreurs ni comptabilisées, ni signalées, mais néanmoins pénalisantes. La revue égrène la litanie bien connue de nos dysfonctionnements. Mais le ton reste mesuré et, passée la première réaction d’agacement, il faut convenir que beaucoup de reproches sont fondés. Cela suffit à rendre la critique constructive. “Les études notariales sont de plus en plus des machines à faire des actes, les notaires accordent de moins en moins de temps…”. Les contrôles sont mis en cause : trop de laxisme ? “L’argent a tendance à s’endormir dans certaines études”, mais “les dérapages les plus grands sont heureusement rares”. Enfin, certaines grosses études sont montrées du doigt. Nice, Bordeaux, Soissons figurent dans la liste des villes où ont eu lieu les erreurs notariales les plus graves. En conclusion, l’auteur observe que “s’ils sont spectaculaires, les procès, devant les juridictions pénales qui impliquent des notaires, ne dépassent pas la dizaine chaque année”. Une fois n’est pas coutume, nous aurions peut-être intérêt à entendre les reproches formulés par “Que Choisir”, puis à faire en sorte qu’ils soient rapidement suivis de mesures ! Cela éviterait qu’ils ne se transforment, à l’avenir, en accusations plus violentes et bien plus dangereuses…
Interprofessionnalité notariale
Dans ce domaine tabou, le notariat limousin aurait-il trouvé son apôtre ? Après Jean-Marie Celer, notre regretté rédacteur en chef qui n’a cessé de prôner une salutaire collaboration avocat-comptable-notaire, voici que notre confrère Michel Laporte (Objat) s’engage sur cette même voie. Il se présente comme un notaire rural corrézien exerçant depuis 21 ans. 65 % de son chiffre d’affaires est réalisé grâce à l’interprofessionnel. Avec un réel pouvoir de conviction, il débusque les freins et propose sa solution : “de véritables pôles interprofessionnels ruraux seraient à même de lutter contre les grands cabinets d’audits internationaux”. Telle est la conclusion (dont je tairai la finale bien trop iconoclaste) de l’entretien paru dans l’Agéfi Actifs (n°583, avril). Sa lecture devrait fédérer les intéressés et interroger nos chefs ! Rares sont les notaires ruraux aussi fortement engagés. Ses résultats prometteurs fondent la crédibilité de son “apostolat” en terre de mission notariale ! Il est vrai qu’en ce domaine, la Corrèze fourmille d’apôtres. Parmi eux, Louis Reillier reste notre modèle…