Du haut de son paradis notarial, Louis R… observe le monde qui nous agite et nous livre son sentiment sur les propositions du CNB.

 

« Ah mes pauvres enfants… Nous y sommes ! Le rapport Attali a ouvert la brèche… Dès la préconisation d’un « rapprochement » entre nos deux métiers, si peu compatibles soient-ils, les avocats ont bondi pour attiser la flamme de la grande profession du droit. Voyez donc ! Le Conseil National des Barreaux brûle d’envie de « regrouper tous ceux qui conseillent, rédigent des actes, défendent, dans une formation et une éthique uniques » (1). À mon humble avis, notre déontologie ne pourrait se fondre dans un tel paysage ! De mon temps, nous sentions déjà cette pression, et surtout, en filigrane, la remise en cause de notre monopole. Nous avons été relativement tranquilles… Tandis que vous, mes enfants, vous n’avez jamais été aussi près du précipice ! Tenez ! Les avocats nous concoctent un « acte sous signature juridique », un ersatz d’acte authentique, la force exécutoire en moins ! Diantre, quels seraient les atouts de ce nouvel acte édulcoré ? On nous parle alors de « signature sécurisée qui nécessiterait la création d’une nouvelle autorité de certification par la profession d’avocat », de date certaine par l’horodatage électronique, de la capacité pour l’avocat de délivrer des « expéditions », et de la conservation des actes par le biais de l’archivage électronique ! On n’arrête pas le progrès !

 

Ah j’oubliais ! Monsieur Michel Bénichou (ancien président du CNB) souhaiterait que soit fait place à un « acte intermédiaire » (entre l’acte notarié, et sous seing privé) : il s’agirait de ce fameux acte sous signature juridique, garantissant « sécurité juridique », « moins de formalités » et un « coût moindre » (conférence de presse du CNB, 4 juin 2008). Le nouvel argument est la défense du consommateur. Et il est précisé que cet acte pourrait être utilisé dans le secteur immobilier ou le droit de la famille… Je ne peux que m’esclaffer… De qui se moque-t-on ?

 

Allons mes enfants, courage, et haro aux « propositions maximalistes » du CNB (2) ! Après tout, rien n’est encore perdu : les avocats qualifiant improprement notre activité notariale de « marché » (3), c’est qu’ils n’ont encore rien compris à la notion de mission de service public…

 

1- résolution du CNB du 12 avril 2008 2 – Communiqué de la chambre interdépartementale des notaires de Paris, 24 juillet 2008  3 – assemblée générale du CNB, 18 et 19 juillet 2008