En ces temps électoraux, le logement retient l’attention de la plupart des observateurs économiques et politiques. La loi du 5 mars 2007 créant le Droit au logement opposable (Dalo) n’engendre pas pour autant les ressources financières nécessaires à son application, ce qui ne signifie pas qu’elles soient inexistantes. Chaque année, les entreprises apportent un milliard et demi d’euros à l’État. Qu’en fait-il ?
Depuis deux décennies, l’État français, tout comme celui des autres pays européens, a une curieuse tendance à se désengager financièrement du logement (1). Heureusement, il dispose encore d’une ressource importante : le 1% logement (2). C’est en 1953, alors que sévissait une grave pénurie de logements, que le législateur a imposé aux entreprises de contribuer au financement de la construction pour le compte de leurs salariés. La loi, dénommée “participation des employeurs à l’effort de construction”, soumet ceux qui ont au moins 10 salariés (3) à une obligation d’investissement dans le logement des salariés, obligation dont ils se libèrent dans leur quasi-totalité par un versement à un organisme collecteur. Un milliard et demi d’euros sont ainsi prélevés chaque année sur les entreprises. Ils ont vocation à être redistribués aux salariés, soit sous forme de prêts immobiliers qui les aident à devenir propriétaire, soit sous forme de logements HLM construits pour leur être loués. Ce système de répartition a été un peu modifié par l’instauration en 2002 (4) de la Foncière Logement, association à but non lucratif, gérée paritairement par les représentants des salariés et des chefs d’entreprise.
Deux objectifs lui ont été fixés :
Répondre à la demande de logements locatifs sociaux dans les villes qui n’atteignent pas les 20 % imposés par la loi ;
Contribuer à la démolition des immeubles insalubres pour reconstruire des logements non sociaux. Le patrimoine ainsi constitué, équivalant à près de 15 000 logements par an, devrait être remis gratuitement 15 à 20 ans plus tard aux caisses de retraite AGIRC et ARRCO. Soit un don de 200 à 300 000 logements. Actuellement, l’ensemble du parc de logements locatifs des compagnies d’assurances et des sociétés foncières cotées en Bourse ne dépasse pas 120 000 logements.
Deux conséquences résultent de cette création :
Tout d’abord, les entreprises et leurs salariés deviennent, par cet intermédiaire, les grands bâtisseurs du logement social, 2/3 de la collecte étant affectée à cette tâche ;
Ensuite, l’Etat autorise une association sans but lucratif à devenir un acteur important du marché immobilier privé à partir d’un prélèvement sur les salaires (1/3 de la collecte soit l’équivalent d’environ 5 000 logements par an). À terme, l’ensemble de ces immeubles devenant propriété des régimes de retraites complémentaires, celles-ci devront répartir les revenus et les bénéfices de ce capital. On ne peut être qu’admiratif de ce détournement de pratiques libérales pour résoudre une partie des problèmes liés au logement social et à l’avenir de nos retraites. Même si ces mesures n’ont pas d’effet immédiat sur le marché immobilier, elles participent peut-être aussi à l’impression de quiétude et d’optimisme qui se dégage de nos dernières enquêtes.
Évolution prévisionnelle de l’activité
Il semblerait qu’avec le retour précoce des beaux jours, on ait perçu dans les études une légère reprise de l’activité alors que les services négociations sont restés à la peine. Mais cette amélioration, joint à la fin de la campagne présidentielle, laisse augurer une activité beaucoup plus forte pour les deux mois à venir. D’où un regain d’optimisme émanant de nos enquêtes. L’étude de Mes Pochat et Comparot à Hennebont (Morbihan) évoque “Un frémissement de reprise d’activité : la période d’attente semble toucher à sa fin. La demande augmente sensiblement à l’approche de l’été”.
Évolution des prix
En dehors des bureaux et commerces, les perspectives d’évolution des prix prennent une tendance plus amène. Dans le cas du logement, 13 % de nos correspondants (contre 4 % en février) pensent qu’une hausse est envisageable et 36 % (contre 46 % en février) que les prix vont rester orientés à la baisse. En ce qui concerne les terrains à construire, l’évolution des prix suit les inflexions de la courbe des logements, mais avec une différence de taille : elle évolue uniquement dans la zone positive, c’est-à-dire qu’en permanence, il est davantage question de montée des prix que de baisse. Pour les deux mois à venir, nos correspondants sont dans leur majorité convaincus que les prix du terrain sont repartis à la hausse. Me Bannay en Haute-Savoie insiste, comme bien d’autres, sur un déséquilibre de ce marché du foncier et pointe sur les difficultés des transactions dans le collectif : “Pénurie de terrains à bâtir. Forte demande. Allongement de la durée des mutations pour les ventes d’appartements”.
Le conseil des notaires
L’analyse des derniers résultats comparés à ceux d’il y a deux mois, révèle un peu plus de modération dans les conseils prodigués par les notaires à leur clientèle. C’est ainsi qu’ils ne sont plus que 71 % (contre 77 % lors de notre précédente enquête) à conseiller prioritairement la vente d’un logement avant le rachat d’un autre. Au niveau des terrains, l’achat demeure toujours le conseil majoritaire. Mais la proportion est descendue de 54 % à 51 %.
Évolution de l’environnement économique
En avril, l’indicateur résumé d’opinions des ménages construit par l’Insee progresse de deux points de -22 à -20. C’est le résultat d’une situation financière qui s’améliore, mais aussi d’un certain optimisme sur les perspectives d’évolution du niveau de vie et du chômage au cours des douze prochains mois. Ajoutons à cela que la Bourse de Paris fait des miracles, le CAC 40 progressant de 5 400 à 6 100 en deux mois (soit + 13 %) et cela à l’image de l’activité économique mondiale. Si cette conjoncture particulièrement favorable devait se prolonger encore de nombreux mois, il est évident qu’elle aurait aussi des effets bénéfiques sur l’immobilier. Pour le moment la crise immobilière qui touche les Etats-Unis, mais aussi plus proche de nous l’Espagne, n’incite pas à l’optimisme.
NDLR : Cette enquête a été rédigée le 6 mai 2007, elle porte sur les mois de mars et avril.
1- En 2005, le nombre des ménages bénéficiaires des aides à la propriété était de 635 contre 887 en 2000 et celui des aides à la location de 4 867 contre 4 818 cinq ans plus tôt. Les commandes publiques (HLM, OPAC, collectivités locales…) représentaient 10 % de la production de logements neufs contre 25 % en 1995. Source : Comptes du Logement, 2006 2 – Fixé à l’origine à 1 % de la masse salariale, le taux de cette participation est passé à 0,45 % en 1991, avec l’apparition d’un nouveau prélèvement de 0,5 % pour le financement de l’allocation logement. 3 – Ce seuil est passé de 10 à 20 salariés en 2004, l’Etat s’engageant jusqu’en 2013 à compenser financièrement cette évolution. 4 – Créée le 11 décembre 2001 par une convention entre l’Etat et l’UESL (organe national des organismes collecteurs du 1 %), le cadre juridique et le régime fiscal de la Foncière Logement ont été fixés par la loi de finances de 2002 et le décret du 11/03/2002.