Voici la conversation que j’ai surprise entre cinq notaires de « la base » à propos des États généraux du notariat, des cessions de parts, de l’article 4 et de la fonctionnarisation de la profession…
Me X. (la cinquantaine dynamique) : Mon Président m’a téléphoné pour me faire part de son mécontentement du fait que je n’ai pas participé à la manifestation du Zénith, que l’étude est restée ouverte et que nous répondions aux appels téléphoniques. Tu te rends compte, mais pour qui se prend-t-il ?
Me Y. (à la veille de la retraite) : Normal. Non !? Et la solidarité, qu’est-ce que tu en fais ?
Me X. : Des mots… La solidarité n’existe plus depuis longtemps ! Affirmer le contraire, c’est un déni ! De toute façon, personne ne peut commander chez moi. J’ouvre et je ferme quand je le décide.
Me Y. (stupéfait) : Alors, cela te paraît normal de travailler pendant que tes confrères manifestent ! Ton comportement ne te semble-t-il pas un peu mesquin, égoïste ?
Me X. (fort de son indépendance) : Ce n’est pas une affaire de fric. Je trouve indécent de manifester pour défendre ma profession (fort enviée) alors que mes clients sont au chômage, éprouvent les pires difficultés pour payer leurs loyers…
Me Y. : Sophisme ! Tu aurais pu au minimum prévenir ton Président de ton désaccord et de ton projet !
Me Z. (créateur d’office récent qui essaye de s’introduire dans la conversation) : En ce qui me concerne, je n’avais ni les moyens, ni le temps de me rendre au Zénith. J’ai bossé, mais j’ai fermé l’étude.
Me Y. (s’adressant à Me X) : Tu vois, il y a des pauvres, solidaires, dans ta profession et tu ne t’interroges pas sur leur sort.
Me V. (la cinquantaine dynamique) : Moi, j’ai trouvé un cessionnaire pour la moitié de mes parts avec un plan de financement parfait. Le CR a refusé le dossier au prétexte que le prix est trop élevé.
Me Y. : Ton prix ne correspondait pas aux coefficients ?
Me V. : Mais de quels coefficients parles-tu ? J’ai téléphoné au CR et il m’a été répondu qu’il n’y en avait plus. Moi, j’en fais une question de principe. Si le cessionnaire est d’accord, si son financement passe, où est le problème ?
Me Y. : Alors selon toi, ni la Chambre, ni le Conseil régional ne doivent intervenir si tu vends ton étude le double du prix à un candidat qui a une immense fortune personnelle ?
Me V. : Tout à fait ! Le prix, c’est ma retraite. Et je ne mets pas en péril la profession… Et puis, tu conviendras qu’avec de tels interdits, on pousse les notaires à se livrer à des dessous de table !
Me Y. : Tu sembles oublier que tu n’es pas commerçant ! Tu as accepté d’entrer dans une profession réglementée. Tu es officier public. Solidaire de tes confrères, détenteur d’un monopole, tenu par un tarif. En contrepartie de quelques avantages, il y a aussi des devoirs. Tu t’es trompé de métier !
Me V. : Ça se pourrait. Déplier Me W. (plus jeune et dynamique) : C’est ce que j’ai pensé hier. Le président m’a écrit au prétexte que je n’ai pas fait approuver un honoraire article 4. Le montant ? 30 euros. On marche sur la tête !
Me Y. : Confrères, est-ce que vous réalisez qu’on ne parle que de fric !? C’est la première critique que nous adressent les avocats.
Me X. et Me V. : Ils sont jaloux et voudraient disposer du monopole de l’immobilier.
Me Z. : J’aimerais bien pouvoir en parler comme vous. Je crois que j’ai démarré au pire moment…
Me Y. à Me X. : Plus de 25 % des avocats sont au SMIC. Pourquoi parler de ta clientèle en difficulté et pas des avocats ?
Me X. : Eux, ils ont choisi et ils sont totalement désorganisés. À eux de voir ce qui est bon pour eux…
Me Y. : Toi aussi, tu as fait le choix d’intégrer une profession… Elle est organisée et solidaire !
Me X. : C’est comme pour la religion. Je veux bien respecter ses principes, mais sûrement pas obéir à ses représentants. Pour moi, ils nous conduisent à la catastrophe.
Me Z. : Au point où l’on en est, ce serait peut-être mieux d’être fonctionnarisés… À présent, nous sommes solidaires et responsables indéfiniment. Fonctionnaires, comme les juges, nous serions solidaires mais totalement irresponsables.