En 1975, elles étaient 84 ; aujourd’hui, elles sont 2 722 notaires. Comme toutes les autres professions juridiques, le notariat se féminise. La misogynie est-elle pour autant reléguée aux oubliettes ? Réponse dans notre enquête « à forte coloration féminine » puisque 65 % des notaires ayant répondu à nos questions sont des femmes !
Le notariat, profession misogyne ?
L’avis du panel : NON : 66 % L’avis des femmes : NON : 51 %
Non, nous répond notre panel (66 %), le notariat n’est pas (plus ?) une profession misogyne. « Nous travaillons avec une majorité de femmes » argumente un lecteur du Morbihan. « Cela ne mérite pas une enquête ! » réagit son confrère breton installé depuis 20 ans. De son côté, Arnault Merle (Côte d’Or) souligne que « les meilleurs étudiants sont souvent des femmes » et qu’elles « trouvent donc naturellement leur place dans la profession ». Toujours dans le Morbihan, un notaire, installé depuis plus de 30 ans, tient à préciser que les choses ont évolué « depuis 40 ans », car « aujourd’hui, plus de la moitié des installations sont occupées par des femmes ». Pour sa jeune consœur des Hauts-de-Seine, « les notaires misogynes sont de l’arrière garde », même si elle constate que ses confrères « ne sont pas toujours très sympas avec leur collaboratrice en rendez-vous ». « En tant que femme, j’ai souvent ressenti du mépris de la part de mes employeurs masculins » nous dit-on également en Loire-Atlantique. « Beaucoup de confrères ne sont pas loin de penser que le notariat féminin est un notariat de seconde zone » écrit à son tour une jeune femme installée depuis 6 ans. Installée depuis une vingtaine d’années, Marie-Pierre Morellec (Manche) ne compte plus le nombre d’anecdotes prouvant la misogynie de ses confrères… De son côté, Elisabeth Couturon (Corrèze), l’ancienne présidente du Syndicat des notaires, dénonce « un certain machisme décisionnel au sein des offices et même dans les instances ! ».
À noter : La moitié de notre panel (52 %) pense qu’il existe des différences de salaires et de revenus entre hommes et femmes, surtout au niveau des collaborateurs. 62 % des femmes sont de cet avis. À quelques exceptions près (9 %), tout le monde estime que cette différence de régime est injustifiée.
Etre femme, un handicap pour s’associer ?
L’avis du panel : NON : 61 % L’avis des femmes : OUI : 44 %
Si notre panel estime dans sa majorité (61 %) qu’être femme n’est pas un frein à l’association, la donne change légèrement lorsqu’on lit les résultats sous un angle exclusivement féminin : 49 % y voient un handicap alors que seulement 44 % sont d’avis contraire (7 % n’ont pas répondu pas à la question). « J’ai connu des études, dans le passé, où des confrères ne voulaient pas d’associées femmes » témoigne Brigitte Perot (Isère), installée depuis 24 ans. Sa jeune consœur du Morbihan renchérit : « Certains notaires sont absolument opposés à faire rentrer une femme dans le capital de leur société, je l’ai entendu dire sans détours par certains confrères ». « Dans certaines structures, les associés croient encore que l’investissement d’une femme sera plus faible que celui d’un homme » nous dit également une lectrice. Philippe Darres (Vienne) l’explique par le fait que beaucoup de notaires craignent « un débordement du privé sur le professionnel ». Une appréhension parfois partagée par les femmes, comme en témoigne cette jeune notaire des Pyrénées-Atlantiques, qui s’est heurtée à des refus d’association avec une femme « en âge d’avoir des enfants » et qui, du coup, ne voulait absolument pas s’associer à une autre femme…
Le client fait-il plus confiance aux hommes ?
L’avis du panel : NON 75 % L’avis des femmes : NON : 64 %
La guerre des sexes n’a pas lieu lorsqu’il s’agit du client… même si nuance un notaire des Côtes-d’Armor, « le regard des gens est parfois plus dur vis-à-vis des femmes dans certaines régions ». Pour 75 % de notre panel, le client fait identiquement confiance à un homme ou une femme. Même constat si l’on regarde les résultats sous un prisme exclusivement féminin puisque 64 % des femmes sont de cet avis ! 18 % des femmes interrogées estiment toutefois qu’un notaire homme gagnera plus facilement la confiance du client. C’est l’avis de cette lectrice du Gers qui nous dit que « certains préjugés perdurent dans les mentalités des clients ». Avis partagé par sa jeune consœur, fraîchement installée dans le Morbihan : « les clients feront plus naturellement confiance à un notaire homme… et de préférence d’au moins 45 ans ».
De meilleures aptitudes notariales chez les femmes ?
L’avis du panel : NON : 64 % L’avis des femmes : NON : 51 %
Qu’on se le dise ! À niveau de compétences juridiques égal, la femme notaire est l’égal de l’homme, elles ne sont « ni meilleures, ni moins bonnes » que leurs confrères masculins… même si certains messieurs avouent les trouver « plus subtiles dans les liquidations » et apprécier le regard « différent » qu’elles portent sur les dossiers. En revanche, 44 % des femmes estiment avoir de meilleures aptitudes que leurs confrères hommes ! La majorité d’entre elles se définissent d’ailleurs comme étant « plus rigoureuses », « plus précises », « plus pragmatiques », « mieux organisées », « plus ouvertes d’esprit », « plus à l’écoute »… bref, un peu meilleures partout et surtout en droit de la famille ! « Les femmes ont plus de patience pour écouter et plus de volonté de négociation » témoigne Brigitte Perot (Isère). « Elles sont plus assidues et plus précises » nous dit Catherine Pivot (Seine-et-Marne).
À noter : Eh bien non, selon 72 % des notaires interrogés (et 54 % des femmes), la femme notaire n’a pas davantage le sens de la confraternité. En revanche, 82 % de notre panel nous dit qu’elles se comportent de la même façon avec leurs confrères et leurs consœurs. « De ce point de vue, constate avec humour une de nos lectrices, il n’y a pas de traitement de faveur, les consœurs ne se font pas plus de cadeaux ! »…
Faut-il imposer un quota minimum de femmes élues dans les chambres ?
L’avis du panel : OUI : 52 % L’avis des femmes : NON : 75 %
Les quotas n’ont pas la cote, même si certains ne voient pas pourquoi on ne respecterait pas la parité (Annie Lamarque, Pyrénées-orientales) ! « Les quotas ne servent à rien, laissez faire la société : elle s’en charge » nous dit Jacques Dalibon (Seine-et-Marne). L’idée des quotas donne de l’urticaire à de nombreuses femmes qui la trouvent dévalorisante. « Je suis contre la parité imposée » écrit Emmanuelle Mollet (Isère). « Nous ne sommes pas une espèce à protéger » fulmine Myrtille Rebert (Eure-et-Loir). Pour Christian Bossert (Haut-Rhin), mieux vaut laisser « chacun ou chacune se présenter librement ». Arnault Merle, comme bon nombre de ses confrères, estime que la compétence doit primer, « peu importe le sexe des élus » nous dit-il. « Cela doit correspondre au volontariat et à la capacité de la personne » rebondit Bernard Lemarie (Mayenne). Avis largement partagé par Elisabeth Couturon (Corrèze) qui juge préférable que « l’évolution nécessaire se fasse naturellement ». D’ailleurs, « le mouvement de féminisation est en marche » nous dit un lecteur. Il est conforté par Jean-Paul Brom (Haut Rhin) qui remarque que « les femmes parviennent à s’imposer d’elles-mêmes »… sans quota !
Quelques chiffres… Sur les 80 présidents de chambre, 12 sont des femmes (elles étaient 15 en mai 2010 et 17 en mai 2009…). 20 femmes occupent le poste de vice-présidente de chambre. 4 des 33 présidents de Conseil régional sont des femmes et 4 (sur 37 en tout) sont déléguées de cour.
Pour une femme présidente du CSN ?
L’avis du panel : OUI : 90 % L’avis des femmes : OUI : 69 %
Seulement 10 % de notre panel n’imaginent pas une femme à la tête du CSN. Pour les autres, cela enverrait un « signal fort de modernité ». D’ailleurs, 54 % de notre panel aimeraient avoir une femme présidente du CSN d’ici 5 ans. « Cela montrerait que la profession n’est pas misogyne et qu’elle se modernise » écrit Caroline Ginglinger-Poyard (Isère). Pour l’ancien président du MJN, Denis-Pierre Simon (Rhône), « cela apporterait de nouvelles approches ». Toutefois, chacun admet que « la compétence doit primer » (Christèle Delayat, Saône-et-Loire) et que, finalement, peu importe que le président soit un homme ou une femme, du moment que c’est « quelqu’un de bien » (Laurent Dallet, Charente)…
À noter : 10 % des femmes interrogées s’y opposent et 21 % n’ont pas répondu à cette question.