Jenny, Louis et Ahmed, jeunes étudiants en Master 2 droit notarial devisent sur un sujet qui les divise : une fois n’est pas coutume, le notariat (1) !

 

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Jenny : Ah, ça y est, nous y sommes ! Le monde cossu du notariat… À nous les bons restos, les sacs à mains…

Louis : Oui, enfin les sacs à mains… Tu comprendras que je préférerais m’acheter une belle voiture comme mon père ! Il a acheté la DBS, je vais lui emprunter pour partir en week-end avec ma copine.

Ahmed (surprenant leur conversation) : Permettez-moi de vous interrompre, mais pourquoi avez-vous choisi le notariat ?

Jenny : Oh ben c’est très simple ! Comme tout le monde ici sûrement, pour me faire du fric ! Les notaires gagnent super bien leur vie et j’ai des besoins, moi !

Louis : Pour être honnête, je fais cette profession car mon père est notaire. C’est une histoire familiale depuis trois générations, alors je continue… Et Jenny a raison, ça paie bien !

Ahmed : Mais, vous avez quand même conscience de l’intérêt social de cette profession, de l’importance de l’acte authentique dans notre économie de marché ? Oui, c’est un peu pompeux dit comme ça, mais vous en êtes conscient, pas vrai ?! C’est bien ce qui vous inspire au plus profond de votre vocation ?

Louis (ricanant et s’adressant à son amie Marie) : Economie de marché ?! Ecoute-le ! Mais on s’en fout mon pote !

Jenny : Tout ça Ahmed, ce sont des belles paroles ! Le notariat est puissant et sort ce baratin pour asseoir sa position. Le plus important, c’est ce que t’as sur ton compte à la fin du mois. Nous sommes dans une société individualiste : chacun pour soi !

Ahmed : Mais, attendez, vous raisonnez comme des banquiers, là ! Le notaire est un officier ministériel…

Louis : C’est vrai et ça nous permet d’avoir notre activité tranquille. Nous sommes intouchables grâce au monopole !

Ahmed : Alors, je présume que tous les débats sur l’évolution du notariat, son implantation internationale, sa modernisation, son adaptation à la mondialisation, eh bien, vous n’en avez, pour ainsi dire, rien à faire ?

Jenny : C’est pas faux ! Honnêtement, tout ça, c’est de la politique. Cela ne nous regarde pas, et je dirais même ne nous intéresse pas ! Louis : Et restons comme c’est maintenant  ! Le système fonctionne bien et la transmission vénale des charges est un gage de stabilité, donc de sécurité…

Ahmed : Évidemment, je comprends ta position, la place est trop bonne ! Mais cette notion de charge reste un vestige de l’Ancien Régime et je doute qu’elle survive à la jurisprudence et à la législation européenne… Honnêtement, ce que j’entends m’effraie un peu, mais ne me surprend guère. Peut-être est-ce dans l’ordre des choses ? L’argent et la finance demeurent synonymes de réussite et de réputation. Le problème avec la « Grande Crise » traversée est que l’on ne sait plus prendre la mesure de cette valeur que vous convoitez. N’est-il pas temps de retrouver les vraies valeurs avec, au premier rang, celles d’un État de droit résistant aux contraintes des marchés, celles d’une société tournée vers l’Homme ? Le notaire, malgré son histoire, ses déviances et la paradoxale perception des gens à son endroit, entre déférence et critique, n’est-il pas, par sa destination originelle et sa fonction actuelle, l’un des instruments essentiels de la promotion de ces justes valeurs ?

 

« Telle peut-être une proto-anthropologie, absolument partielle et certainement partiale, d’une formation initiale notariale ».

 

1. Toute ressemblance avec des personnages existants ou ayant existé n’est pas fortuite.