Une super expo sur Astérix vient de fermer ses portes à la BnF (1). Elle me rappelle qu’Uderzo et Goscinny sont une source inépuisable de dénonciation des travers de notre civilisation. Souvenez-vous d’Obélix, perdu sur la scène d’un théâtre antique, à qui un metteur en scène d’avant-garde souffle de dire n’importe quoi, histoire de créer l’événement… Eh bien, une semblable vis comica semble s’être emparée de la communication de nos instances suprêmes.
Acte 1.
Parlons affiche : nous avons tous reçu celle du Congrès national de Marseille et l’avons disposée en nos salles d’attente. En regardant bien ce condensé de communication, une chose me stupéfia. On y voit un homme portant une mallette, deux enfants sur sa gauche et, encadrant les deux bambins… un autre homme ! Diantre : j’ignorais que l’ACNF fut tellement portée sur le communautarisme et j’étais loin de me douter qu’elle placerait, un jour, une famille homoparentale au centre de sa communication ! Fin du 1er acte.
Acte 2.
Lors de l’Assemblée de liaison de décembre dernier, le président du 110e Congrès vint présenter son Congrès. On nous montra l’affiche plein écran dont il fit une exégèse qui m’étonna : la silhouette des deux adultes avait, à dessein, été définie comme asexuée afin de montrer que la répartition des tâches dans le couple (professionnelles, familiales ou ménagères) ne dépendait plus du sexe ! Soit. Fin du 2e acte.
Acte 3.
Les aphorismes ont la vie dure : jamais 2 sans 3 ! Voilà que je fus encore étonné par la même affiche en la (re)découvrant sur le portail Réal et dans la lettre du CSN. Comparez-la attentivement à celle de votre salle d’attente… L’adulte de droite a changé : hanches rebondies, flancs échancrés, épaules adoucies. C’est devenu une… FEMME ! La preuve, c’est que la mallette a disparu de la main de celui des adultes qui est resté masculin. Eh oui, si on avait laissé la mallette dans la main de l’homme, cela aurait signifié que le mâle travaille tandis que la femelle s’occupe de la marmaille… Quelle ignominie ! Si on a gommé la mallette dans la main d’un des deux bonhommes, c’est bien que l’autre est une femme ! Fin du 3e acte !
Acte 4.
En matière de communication, la mémoire est aussi courte que les idées. Pourtant, je me souvins du discours dudit président lors de l’Assemblée de Liaison… Où est donc passée, dans la nouvelle affiche, l’indifférenciation des sexes pour les tâches familiales ? Tiens donc ! Aurait-on abandonné cet artificiel argumentaire d’asexisme ? Serions-nous revenus aux poncifs qui ont fait leurs preuves ? Fin du 4e acte.
Acte 5 et morale de l’histoire…
La communication n’est qu’un moyen, ce n’est pas une fin en soi. Alors, disons stop à la sur-communication, ce monde où le support prend le pas sur le sens, où l’écume se prend pour le fond. Heureusement, l’ACNF (avec certes un léger retard) s’en est rendu compte et a eu l’aplomb de corriger le tir ! Félicitations donc au président du Congrès d’avoir bousculé les marchands du temple de la communication (2). Fin du 5e acte, rideau !
Ainsi va la communication… qui nous réserve aussi parfois des mésaventures au format A4. Le président du CSN nous a envoyé des vœux fort subtils (3) : un morceau de papier qu’il fallait essayer de déchirer, ce qui s’avère impossible puisqu’on ne détruit pas un acte authentique. Moi qui fais confiance aux instances, j’ai voulu reprendre la chose à mon compte et en faire profiter toute l’étude. Et plutôt que de m’acharner sur le papier fourni par le CSN, j’ai demandé à ma formaliste de m’apporter les vraies minutes de janvier. J’en pris une au hasard en assurant mes clercs, dont les yeux hébétés trahissaient une insultante dubitation, qu’ils allaient voir ce qu’ils allaient voir : un acte authentique, c’est impossible à déchirer ! Ah mais ! Puisque le CSN le dit ! Serein, je pris donc mon acte entre les mains et je baissais soudainement celle de droite. Et là, hélas, une tardive angoisse me submergea… J’avais beau jurer qu’on ne m’y prendrait plus, trop tard, le rideau du Temple s’était déchiré de haut en bas et mon acte authentique itou !
Résultat : encore une minute de perdue pour cause de comm’.
1 – La potion magique de cette expo a été concoctée par Elisabeth Lourme, Bibliothèque nationale de France.
2 – Toutefois, on me signale que la féminisation du changement de silhouette de l’adulte de droite incarnerait une ouverture du notariat vers… le monde des transsexuels…
3 – Dont je vous remercie, Monsieur le Président, tardivement mais sincèrement.