Je suis sûr que vous avez la conviction d’être pleinement maître de vos choix et de vos actes. Vous êtes persuadé que ceux qui défendent votre « pré carré » le sont tout autant que vous…Vous a-t-on déjà parlé du « risque d’accoutumance » ? C’est, sans doute, l’effet le plus pervers qui soit…

 

Je vais vous parler d’une grenouille, que m’a présentée le philosophe mathématicien Michel Authier (1), voici 8 ans, lors de la préparation du Congrès UGNF de Beaune. Encore un animal, me direz-vous ? Eh oui, mais pas n’importe lequel. Je m’explique : imaginez que la grenouille, ce soit vous, et qu’un gamin sadique vous capture alors que vous prenez le soleil sur une feuille de nénuphar. Il vous emporte dans la cuisine familiale pour vous installer au fond d’une grande et belle casserole d’eau propre. Votre première impression sera que vous n’y perdez pas trop au change ! Une eau fraîche, pure, saturée d’oxygène inodore et sans saveur, c’est mieux que le marigot boueux où vous vous prélassiez. Directement du bidonville à la suite royale ! Mieux encore, la suite est chauffée, l’eau est douce…Un vrai plaisir qui vous fera bénir votre geôlier qui vous aura pourtant mis à cuire et vous fera rejoindre le paradis des grenouilles, sans que vous ayez pris conscience que la température est montée ! Que se serait-il passé si vous aviez été jeté dans une eau déjà très (mais pas trop) chaude ? D’un bond salvateur, vous auriez probablement échappé à la cuisson. Je vous entends déjà : « Mais où diable veut-il en venir ? » À la défense de notre profession et, plus précisément, à ce qui fera probablement que celle-ci n’aura pas lieu…

 

Sortir la profession du bouillon

Lorsque je suis « entré dans l’eau » (c’était il y a relativement peu de temps), la température y était tolérable. Aujourd’hui, malgré mes doutes, je me laisserais presque aller à une demi-torpeur qui n’annonce rien de bon. Qu’en est-il de ceux qui baignent dans la marmite depuis 30 ou 40 ans et qui ont entendu régulièrement que la profession était menacée ? Ils dorment profondément, bercés par le chant des bulles et convaincus que la chaleur est synonyme de bien-être. Une situation qui m’amène à faire le constat suivant…

• On ne connaît la réalité de la situation que lorsqu’on peut l’analyser de l’extérieur. Ceux qui sont depuis trop longtemps dans le bain ne croiront jamais ceux qui viennent d’y rentrer ou y reviennent. C’est la caverne de Platon…

• On ne peut réellement agir sur une situation que si l’analyse qu’on en fait n’est pas entachée d’erreur. Ce n’est pas en accordant votre confiance à celui qui prétend vous rendre service que vous faites forcément le meilleur choix. « Qui veut noyer son chien… ». Mais ne changeons pas d’animal !

• Se laisser aller à l’indolence ne garantit aucunement de vivre éternellement dans la douceur…

En résumé, si vous pensez que votre inertie et votre foi vous garantissent l’éternité de la situation dans laquelle vous vous complaisez, peut-être devriez-vous vérifier que ceux à qui vous confiez votre sort sont encore avec vous au fond de la marmite… Ou mieux, sortir de l’eau, prendre un peu de recul et rejoindre ceux qui ne pourront pas agir utilement, sans votre implication personnelle et/ou financière (les organismes volontaires ne vivent que de cotisations et perdent toute liberté s’ils doivent compter sur les subventions des organismes statutaires). Il est peut-être trop tard pour faire baisser la température de l’eau, mais il est certainement encore temps de sortir la profession du bouillon… de préférence avant qu’il ne soit onze heures !

 

1. Mathématicien, philosophe, sociologue, Michel Authier est le président fondateur de Trivium, il est l’auteur de « Pays de Connaissances » et l’un des inventeurs « des arbres de connaissance ».