Perso, je dis LE Covid et non LA Covid. En effet, il y a déjà suffisamment de saloperies qui se déclinent au féminin pour ne pas en rajouter une ! En cette année 2020 où le notariat bascule dans le genre féminin, et pour une fois qu’on a une plaie au masculin, profitons-en, parité oblige ! Mais au fait, qu’est-ce que le Covid a à voir avec le notariat ? 

Le notariat, le Covid et les assemblées
Premier effet notoire du Covid sur le notariat, on n’aura eu qu’une assemblée générale de compagnie au lieu des deux prévues réglementairement. Et que fait-on pendant les assemblées générales ? Eh bien, on écoute les discours bien sûr, mais surtout… on pose des questions, on fait des débats, on interroge le délégué au Conseil supérieur du notariat, on vote pour des élections professionnelles pour composer la Chambre, pour envoyer des délégués à l’Assemblée de liaison, au Conseil supérieur du notariat, sans oublier les 10 minutes consacrées aux mouvements volontaires des notaires. Bref, avec ces assemblées, nous sommes utiles à la vie de la Profession, selon un modèle participatif dont nos ancêtres de l’agora d’Athènes auraient été fiers de constater la pérennité !

Mais voilà, un petit virus en fait fi. Du moins pour une assemblée sur deux. Mais du coup, la double assemblée d’octobre a eu des relents soporifiques, tant il fallut aux intervenants insister pour nous prévenir… de ce qui nous était arrivé pendant 7 mois… Il fallait faire en une fois ce qui était fait en deux et ainsi, nous n’avions plus de temps suffisant pour disserter, pour pinailler diront certains. Gestion oblige !

Et ce fut pareil pour notre grand’messe à tous : le Congrès, le débat notarial sur le fond du droit. Oui, 999 notaires ont pu être présents physiquement et les 600 confrères connectés ont pu poser des questions en ligne. Mais c’est quand même moins stimulant pour l’esprit quand la question à distance est posée par écrit et lue par l’équipe du Congrès.

Il ne faudrait pas en prendre l’habitude de s’installer dans le non-débat ; sinon, notre légendaire vitalité notariale va s’abîmer dans le ronron lénifiant de soi-disant élus qui ont pris conscience de ce que le moindre grain de sable dans la routine les rend inopérants. Veillons à notre Démocratie.

Le notariat, le Covid et les successions
Mais le Covid a eu un autre impact concret, et directement sur nos chiffres d’affaires ! Et quand je dis « nos », je veux dire… « de certains ». Car oui, nous ne sommes pas tous égaux devant la mortalité causée par le Covid. C’est quand même un comble !! On aurait pu penser que tous les offices de France auraient eu plus de successions à régler. Eh bien non ! Et l’injustice appelle l’injustice ! C’est dans les environnements où il y a les plus belles successions en qualité que le Covid a désormais provoqué la plus belle augmentation de successions en quantité. Les agglomérations urbaines enregistrent une augmentation du nombre de successions en 2020 par rapport à 2019 de + 10 à + 20 % ; tandis que les campagnes désargentées enregistrent une baisse des décès dans les mêmes proportions !!!
Un comble. Heureusement, nous savons tous que la Profession est solidaire par excellence et que le Conseil supérieur du notariat n’aura de cesse, comme il le fit pour l’écrêtement -… du temps où il se souvenait qu’il existait… -, d’organiser une redistribution pour compenser la perte de chiffre d’affaires sur succession pour cause de Covid. Les dommages collatéraux, ça matter… !

Comme d’habituuuuuuude !
Notre Cloclo national l’a bien écrit : c’est comme d’habitude ! Le Covid aura nui à la démocratie dans le notariat et aura accentué l’écart de production entre les agglomérations et la campagne. Alors, face à ces 2 penchants récurrents du notariat, on peut promouvoir 2 attitudes : espérer une nouvelle crise qui ait un effet inverse : nuire à la gestion technocratique du monde notarial et favoriser le chiffre d’affaires des études rurales ; ou bien, plutôt qu’attendre une crise, on peut concevoir l’idée de favoriser ce qui est (encore) démocratique dans le notariat (la liberté de candidature, les débats de l’Assemblée de Liaison) et de promouvoir une réforme du tarif qui arrête d’enfoncer les petits offices (écrêtement, partage d’émolument promotionnel pour la visio, j’en passe et des meilleurs). Et, à mon avis et comme d’habitude, la manière la plus efficace de sortir d’une crise, c’est d’agiter son esprit pour favoriser l’humain, collectif avec la démocratie, individuel avec la justice.

 

Étienne Dubuisson ■.
Notaire à Brantôme (24)