Pour relancer la croissance, les programmes développés par nos politiques apparaissent bien décalés par rapport aux recommandations des institutions internationales. La hantise de creuser la dette fait oublier qu’il y a peu d’alternatives pour réduire le chômage.

L’emploi est conditionné par la croissance qui, elle-même, est fonction de l’investissement et de la consommation. Or, suivant le « théorème » de l’ex-chancelier allemand Helmut Schmidt : « les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après-demain ». C’est ainsi que les politiques économiques mises en œuvre par nos gouvernants s’efforcent de restaurer les marges des entreprises afin de leur permettre d’investir et d’engendrer une diminution du chômage. Cependant, ce résultat bénéfique dépend de la nature des investissements. S’il s’agit d’investissements dans la productivité, le résultat obtenu peut se traduire par la diminution des emplois. C’est le cas du remplacement d’un ouvrier par un robot ou d’une modification des méthodes de production. Volkswagen vient ainsi d’annoncer la suppression de 30 000 emplois sur un total de 610 000 en décidant d’axer son expansion sur la voiture électrique, plus simple à construire et moins consommatrice en emplois.

Lorsque l’investissement privé ne suffit pas ou est inopérant sur le plan du chômage, l’État peut prendre la relève en se lançant dans de grands travaux. C’est le projet de Donald Trump d’investir mille milliards de dollars dans un vaste programme d’investissement dans les infrastructures avec l’espoir d’obtenir le doublement de la croissance américaine. Cependant, il faut pouvoir financer ces investissements publics. L’augmentation des impôts a pour conséquence une diminution de la consommation des ménages. Les restrictions budgétaires vont se traduire par une compression des effectifs publics. Seul l’emprunt paraît neutre vis-à-vis du chômage.

Mais l’emprunt est conditionné par les possibilités d’endettement. En Europe, elles sont limitées à 60 % du PIB par le traité de Maastricht. Cette limite sans réel fondement est allègrement dépassée par bien des pays et en particulier la France, l’Allemagne et l’Italie (1). Cependant, pour le Fonds Monétaire International (FMI), l’Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE) et la Banque Centrale Européenne (BCE), il y a nécessité d’investir dans les infrastructures publiques pour relancer la croissance et diminuer le chômage. Car l’investissement public a un fort effet d’entraînement sur l’activité, avec une création de richesse estimée entre 1,3 et 2,5 euros pour chaque euro investi, sachant qu’en outre, par le biais de l’impôt, plus de 50 % retournent à l’État.

Dans la conjoncture actuelle où la croissance européenne paraît particulièrement atone, il est peu probable que l’investissement privé puisse réduire sensiblement le chômage en France. La solution serait donc de recourir à l’investissement public par une politique de grands travaux tels l’entretien du réseau routier ou la transition énergétique. Se pose alors le dilemme de son financement. Soit par l’impôt et les restrictions budgétaires qui peuvent avoir un effet négatif sur l’emploi, soit par de nouveaux emprunts augmentant momentanément notre endettement. Mais cette dernière solution va à l’encontre de la pensée dominante tant sur le plan économique que politique, d’où son absence dans les débats publics.

Bernard Thion

(1) Suivant Eurostat : France = 2018 Mds d’euros et 96,2 % du PIB, Allemagne = 2158 Mds et 71,2 %, Italie = 2270 Mds et 132,3 %. Japon = 8285 Mds et 224,6 %.