Avant on était : fonctionnaire, instituteur, médecin ou notaire. Avant on était croyant ou pas, de droite ou de gauche… 

On faisait partie d’une communauté professionnelle qui n’avait pas de nom sauf peut-être pour les croyants.  Mais ça c’est avant !

J’ouvre ma boîte mail ce matin, Viadeo  m’informe que JC… a publié, Copains d’avant me demande si je connais Martine C… Facebook me rappelle l’anniversaire de Jean L… Luc  me demande en ami et Linkedin m’informe que Marc S… demande à rejoindre mon réseau. Entre login et mot de passe, je vais y passer un moment. Je connais JC, un cousin, Jean figure parmi mes amis virtuels, Martine ça ne me dit rien, elle était en 5e quand moi j’étais en 3e. Quant à Marc, ben non, nous ne nageons pas dans la même cour professionnelle ou amicale. Ça c’est le perso ! 

Quant au pro, je reçois des notifications du groupe Nono-truc ou Immo-chose !

Je pourrai demander à faire partie du réseau Nota… et donc chouette ! Je pourrai l’afficher dans ma salle d’attente ou le faire figurer sur mon papier à en-tête et dans la signature de mes mails… aussi les BNI (non ! chut !  Ça c’est interdit que diable !). À ma disposition, un réseau pour notaire spécialiste en cession de pharmacie, de vignes, de vente immobilière, de gestion de patrimoine. Il y a les labels, les diplômes et autres masters. J’ai l’embarras du choix. 

Aujourd’hui, hors d’un réseau point de salut, visiblement ! Aurions-nous perdu la faculté de communiquer par nous-mêmes ?  Avons-nous un tel déficit de communication que nous nous sentons obligés d’afficher bien fort et très haut notre ou nos appartenances ? Je n’ai pas de vignes chez moi, si j’ai un client propriétaire de quelques pieds de bon cru, dois-je l’évincer parce que je ne suis pas adhérente du réseau de vendeurs de vignes ? Et si mon pharmacien, que je connais bien, cède, dois-je éviter de l’assister ? Eviterai-je aussi la gestion de patrimoine ou la négociation immobilière ? 

Il me semblait pourtant que mon métier et ma formation pouvaient me permettre de m’adapter et de rédiger tout type d’acte, certes parfois, il pouvait être utile de me rapprocher du comptable, du banquier de l’avocat ou de tel autre conseil qui avait aussi la confiance du client. Et pourtant, appartiennent-ils à un réseau ? Sont-ils du même réseau que moi ? La question ne se posait pas et le client ne se la posait pas. Avez-vous déjà entendu un client vous dire : « je suis venu chez vous parce que vous avez un master en truc ou que vous faites partie du réseau « bidule » ? »  Je ne suis pas certaine que pour nos clients  le réseau soit un gage de savoir ou de savoir-faire. Il me semble que c’est la confiance qui les anime encore, sans doute pas pour longtemps, peut-être… 

Mais pour autant, je me conforme à la mode et à mon environnement, jusqu’au jour où la marge gauche de mon papier à lettre sera pleine de logos d’appartenance. Et là, cela frisera peut-être le ridicule ! Combien de fois mes correspondants auront lu ce fatras sur mes en-têtes et pieds de mails ? Quand on sait que la majorité de nos correspondances, nous les lisons en diagonale ! Est-ce utile de s’encombrer ? 

 

                                                                                                                                                                                                                                             

 

                                                                                                                                                                                                                                               Clotilde Palot-Lory –
Notaire à Bray-sur-Somme (80)