La réforme en cours nous aura au moins fait prendre conscience d’une chose. La plupart du temps, les grandes décisions, prises par des hauts fonctionnaires à la demande du gouvernement, relèvent davantage de l’improvisation idéologique que de la réflexion méticuleuse.
Cette constatation nous choque profondément, nous, notaires et collaborateurs qui croulons sous le poids des vérifications et passons le plus clair de notre temps à anticiper les problèmes éventuels, mais il semble qu’elle ne choque que nous. Et encore, pas tous ! Chaque ministre veut faire sa loi, marquer son passage dans l’histoire, mais tous n’ont pas, loin s’en faut, le talent visionnaire et le souci réel de l’intérêt général… Et comme ils n’ont pas ces compétences, ils s’adressent à des grands serviteurs de l’État qui, eux, sont supposés les avoir. Mais voilà, ces serviteurs sont frileux. Ils ne veulent surtout pas provoquer de mouvement incontrôlable (la doctrine du « Pas De Vague Mon Vieux Pas De Vague » très notarial, ça vous dit quelque chose ?!). Ils respectent donc les règles, et veulent uniquement entendre l' »institutionnel ». Hélas, cet institutionnel est également atteint par le phénomène « PDVMVPDV »…
Inquiétude légitime
Certes les « nommélus » ont toujours prétendu représenter « la profession », mais quelle conception en ont-ils vraiment ? A voir l’attitude des uns ( MM. Macron et Le Foll) et l’inertie des autres (Le Président du CSN), on peut se demander si, quelque part, quelqu’un envisage encore une réforme comme une amélioration globale ?… Par exemple, lorsque Emmanuel Combe, vice-président de l’Autorité de la Concurrence déclare : “Disons-le tout net : une réforme dans laquelle tout le monde gagne n’est pas une réforme » , comment ne pas être inquiet ?
Un tarif étonnant !
De ces échanges entre « élites », est sorti un tarif étonnant, supposé appliquer à l’acte notarié des notions raisonnables, sur des éléments pertinents… Or, par le phénomène de l’écrêtement, on a amplifié lourdement la perte subie par les rédacteurs habituels de petits actes, sans qu’aucun mécanisme ne soit venu tempérer les conséquences inévitables de cette nouveauté. On nous annonce même qu’en additionnant les pertes, nous pourrons augmenter nos bénéfices ! Et je ne peux pas m’empêcher de repenser à cette histoire que m’avait contée un de nos rédacteurs…
Histoire d’âne…
Le gouvernement, dont nous dépendons étroitement, a décidé de réduire la rémunération de ses Officiers Publics, et le CSN leur demande de s’adapter. Il y a bien longtemps, un paysan (ardéchois selon les dires de notre confrère) avait eu une idée analogue : pour réduire la consommation de son âne, il avait imaginé enfermer le foin qui lui était destiné dans un tonneau, dont la seule ouverture permettait tout juste à l’animal de tirer sa nourriture du bout des dents. Après quelques semaines, un voisin l’avait interrogé sur le résultat de l’expérience pour apprendre que l’âne était mort de faim, et l’innovateur lui avait alors précisé « C’est dommage, il commençait à s’y habituer ».
Légendes urbaines et réalité
C’est exactement ce qui va se produire si nous n’y prenons garde ! Les notaires sont sommés de s’adapter, de tirer les conséquences de la loi Macron, mais pour certains, il n’y aura aucune adaptation possible ! Les mythes de la négociation (déjà beaucoup pratiquée dans les campagnes) de la gestion de patrimoine (supposant un minimum de patrimoine à gérer) et autres restructurations (économies d’échelle aboutissant en fait à d’énormes « frais d’ascenseur ») restent du domaine des « légendes urbaines ». Lorsqu’il n’y a plus de foin dans les mangeoires, on dit que « les ânes » se battent (c’est une image !). Mais lorsqu’ils seront « morts de faim » quelqu’un trouvera sans doute que c’est « dommage ». Après-tout, la campagne publiée début mars ne présentait-elle pas « Un charmant petit village qui n’a plus de boucher, plus de bureau de poste, plus de médecin et bientôt plus de notaire » ? C’était un simple constat… Il est vrai que ceux qui ont entre les mains le destin de « La Profession » se soucient finalement bien peu des professionnels… Et si les professionnels leur rappelaient maintenant qui est réellement la profession ?
Didier Mathy