Ce matin, j’ai passé une heure avec une famille d’un père et 4 enfants, qui vendent une ruine jouxtant la maison de leur acquéreur, et qui menace de tomber chez ce dernier. Le prix faramineux est de 500 euros, et je dois aussi constituer une servitude de passage réciproque entre le vendeur et l’acquéreur.
Cet acquéreur est une délicieuse dame d’origine écossaise qui vit aux États Unis, et que je vais devoir aider par correspondance pour lui permettre d’obtenir un permis de construire afin de restaurer la ruine qu’elle achète, le tout dans un périmètre de protection d’un monument historique.
Mon étude aura, à la louche, 1 ou 2 mois de travail, pour récolter, toujours à la louche, 90 euros pour la vente, et environ 400 à 500 euros pour la constitution de servitude. Sous réserve de vérification lors de l’inspection annuelle de l’étude avec rapport au Procureur. On a appris récemment que, pour le notaire, dépasser malencontreusement le tarif légal peut lui valoir, sur plainte du client, une assignation au pénal pour escroquerie. « C’est la vie d’château, pourvu qu’ça dure ! ».
Votre serviteur ne se plaint pas. Il constate ce qui fait notre quotidien à la campagne. Chacun de nous se reconnaîtra. Nous ne demandons pas de reconnaissance pour le service que nous rendons. Le faire nous rend heureux et pour l’instant, fiers.
En revanche, traiter les notaires, petits ou gros, comme on voit le faire de la part des autorités, des médias et du public, depuis plus de 2 ans, c’est mépriser l’État et l’appareil qui garantit (un peu) le vivre ensemble en paix (pour l’instant).
Vouloir tirer au sort les nouveaux notaires, c’est du mépris. Alors qu’on possède depuis longtemps un système éprouvé de concours au mérite (mais c’était trop simple, pas assez « moderne »).
Faire basculer le tarif légal d’une profession assimilée profession libérale sous contrôle de l’État, dans le code de commerce, c’est du mépris.
Ignorer ce qu’est un notaire français de droit latin, issu des tabellions romains ou médiévaux, assistant actif et scrupuleux de l’État, et vouloir en faire des lawyers de droit anglo-saxon libres de servir qui les paye (notion incompatible avec notre culture et notre tradition plus que millénaire d’officier public délégataire de la puissance publique neutre et objective, garante de sécurité et de paix sociale), c’est du mépris.
Faire dépendre la réforme des professions règlementées d’une divine autorité de la concurrence auto-proclamée, nommée par on ne sait qui, composée de « sachants » placés au-dessus du peuple et de l’État nommé par ce dernier, c’est du mépris.
Il était logique que les notaires soient les dindons d’une farce depuis longtemps mijotée. Mais le temps viendra de régler les comptes, soyez en sûrs.
Paul-Etienne Marcy