Après s’être fait former à l’entrepreneuriat et avoir fait ses armes chez Habitat (qui s’en remet difficilement) et New Wind (qui ne s’en remet pas du tout), Arnaud Montebourg, celui qui voulait réformer les professions réglementées pour leur permettre de profiter au mieux des bienfaits de la concurrence se lance à présent dans une toute autre activité. Il se rêve apiculteur en Saône-et-Loire ! 

Quelques entrefilets sont parus à ce sujet dans la presse locale comme nationale. Le sémillant ex-ministre du redressement productif veut se lancer dans la production de miel. Cette nouvelle me fut annoncé en primeur. Comment ai-je été informé ? Permettez que je vous narre !

Un matin,  je promenais mes chiens sur le chemin qui fut autrefois la limite séparant les pays de droit écrit de ceux régis par le droit coutumier. Ce chemin creux qui ignore sa nature prestigieuse de « route départementale » tout comme son passé historique glorieux, dispose de bermes (accotements non carrossables) enherbées, et même d’une jolie bande d’herbes folles centrale. C’est au beau milieu de l’un de ces pâquis que je remarquai un curieux attroupement. Un essaim d’abeilles était posé là, à même le sol, et bougeait à peine.

Nous sommes en pleine période d’essaimage, et la présence d’un tel rassemblement n’a donc rien de surprenant ni d’exceptionnel. Mais la position de l’essaim, à même le sol, n’était pas ordinaire. Je m’en suis approché, de très près, et malgré ma présence, aucune réaction. Une telle situation pourrait faire craindre le pire pour les malheureux insectes car elle révèle – en général – que la reine est mal en point, et que la communauté entière va mourir de faim (comme elle le ferait dans une ruche « bourdonneuse »)

 

 

« Mais qu’avez-vous donc, courageuses petites abeilles » murmurai-je imprudemment.

Une voix nasillarde me répondit :  » Fichez nous la paix, vous voyez bien qu’on a le bourdon ! »

Tout autre que moi s’en serait ému, mais après m’être entretenu avec un épi de maïs, un tournesol, et même des pieds d’ambroisie, pourquoi aurai-je été surpris, en ce lieu d’exception, qu’une abeille pût me parler, j’ai donc relancé la conversation.

-« Désolé si je vous dérange, mais je ne demande qu’à vous aider. Si je le peux, bien entendu ! »

– « Non, tu ne peux rien, on est dégoûtées… » répondit-elle !

– « Qu’est ce qui vous préoccupe ? Les pesticides, les frelons asiatiques ? Dites-moi, je verrai bien si je ne suis effectivement d’aucun secours »

– « Tu peux nous débarrasser de l’autre type, là, tu sais, le « Montretois » (NDLR : habitant de Montret, résidence bressane de M. Montebourg). Celui qui se pavane en marinière ? »

– « Ben, non, ça ne se fait pas, et du reste si ça avait été permis ce serait fait depuis au moins… pfouuu 3 ans, déjà ! Mais en quoi ce brave Arnaud peut-il agir ainsi sur votre enthousiasme ? Vous savez, il n’a plus aucune fonction, aucun pouvoir et j’irais même jusqu’à affirmer qu’il n’a plus d’illusions non plus… »

– « C’est bien ça le problème, figure toi qu’il veut devenir APICULTEUR ! Le message a été diffusé dans toute la région par la fédération des ruches, et nous nous cachons toutes, de peur qu’il ne nous séquestre pour redresser la production de miel ! Ce type est un esclavagiste, il veut nous « ubériser » ! Il parle de co-construire le miel moyennant versement de 80% de notre production, et pire, au nom de son passé,  il veut que nous préparions un miel de ROSE, exclusivement ! On ne peut pas se laisser faire, alors on s’est rassemblées par terre dans les rues et on manifeste ! »

Je vous comprends, à nous aussi il a fait le coup, mais les manifestations ça n’a pas suffi ! A votre place, je le piquerais pour qu’il comprenne vite et bien qu’on ne se moque pas de ceux qui travaillent ; en le piquant ainsi au vif, il reprendrait peut être la politique et vous ficherait la paix. Quoique… Non, tentons plutôt de le convaincre de reprendre son premier métier… Apparemment, il détruit tout ce qu’il touche, ce serait donc bénéfique pour tous qu’il revête à nouveau la robe d’avocat »

L’essaim se resserra, se mit à bourdonner, puis mon interlocutrice reprit : « Proposition adoptée, on y va ! Pas de quartier! « .

Quelques seconde plus tard je les perdis de vue à l’horizon, mais je connaissais leur destination. Quant à moi, ragaillardi par cet échange inattendu,  je repris mon chemin pour rejoindre mes chiens en fredonnant l’Apiculteur d’Alain Bashung

D’heure en heure
L’apiculteur se meurt
Il a eu son heure
Il a fait son beurre
Api apiculteur

D’heure en heure
L’apiculteur effleure
La fin du labeur
Api apiculteur

Didier Mathy