Pardon d’avance d’ouvrir un peu « ma boite à camembert », mais à la lecture des décrets « Macron » et des commentaires qu’ils suscitent, on va bien devoir se poser la question de la santé mentale de nos bonnes élites…Unknown

Pour faire gagner du pouvoir d’achat aux Français, on va faire baisser la rémunération des notaires, au motif (lu, vu, et entendu) que « avec l’évolution de l’immobilier, les émoluments des notaires s’étaient envolés de façon inconsidérée ». En revanche, la part de l’État dans les fameux « frais de notaire » ne devrait pas bouger d’un centime (sauf à la hausse, probablement, mais seulement après les échéances électorales de 2017). Pour réduire « l’envolée inconsidérée des rémunérations des notaires », on rabaisse la rémunération des petits actes, pour lesquels le notaire devra « perdre » environ 70% de ce qu’il touchait avant. Pour compenser la hausse « inconsidérée » des hautes rémunérations, on rabaisse les petites. Fallait oser, non ?!

Les petits notaires de campagne n’auront pas les moyens ni le temps de s’adapter, et vont vraisemblablement déposer leur bilan dans l’année qui vient. Recevoir sur la tête des textes comme ceux de mars, pour les voir appliquer en mai, c’est la roulette russe, mais avec 5 balles sur 6 possibles dans le revolver. On appelle ça, je crois, « la roulette nihiliste » ! Nul doute que les nouvelles affaires en cours de démarrage dans nos études, vont subir un coup de frein de la part des clients, qui, dopés au renseignement plus ou moins vrai, plus ou moins faux, plus ou moins menteur, glané dans la presse avide de crier « haro sur le baudet ! », vont demander au notaire d’attendre l’entrée en vigueur de la réforme et de la baisse du tarif. Cela induit une baisse immédiate et importante d’activité et de chiffre d’affaires.

Un mot également sur « les petits actes » : on a lu qu’on verrait maintenant beaucoup plus de petits actes réalisés (certains renonçaient à les faire établir, en raison des frais minimum trop lourds). C’est un vrai scandale de parler comme ça :

  1. Jamais les gens n’ont renoncé à faire établir les petits actes en raison des frais minimum trop élevés, ou alors de façon très marginale. C’est une escroquerie manifeste d’avoir prétendu ça. Les clients « râlent » devant les frais fixes élevés des « petits actes », mais ils paient et ils signent.
  2. Les petits actes constituant souvent 50 à 60 % du niveau d’activité des études de campagne, on a préparé de pied ferme le zyklon B pour les petites études. Désolé, je n’ai pas trouvé d’autre comparaison… « signifiante ».

Dans tout ça, vous je ne sais pas, mais moi, à présent, je me sens « réprouvé », carrément « parasite », étrangleur du pouvoir d’achat des Français, et mis en cause comme tel. Pourquoi le notaire et pas l’avocat, le géomètre expert, le dentiste, l’oculiste, le vétérinaire ? Peut être que, à part le notaire, tous les autres sont « utiles » à la société, alors que le notaire est désormais « superfétatoire » ? Il faudrait alors le dire tout de suite, au lieu de « tourner autour du pot », ou plutôt « autour du trou noir ». D’autre part, force est de constater que les études qui « ont de quoi » (tant mieux pour elles), auront le temps et les moyens de s’adapter, d’investir, de licencier. Quelle merveille !!! Les collaborateurs du notariat sont « une variable d’ajustement » de la réforme. Ces textes, et la volonté politique qui les a portés sur les fonts baptismaux, sont une véritable machine à fabriquer du chômage et de la faillite. Mais qui se soucie à présent de 5 000 chômeurs de plus ou de moins, et de 500 faillites, hein ?

Seul petit rayon de soleil : quand on explique à la clientèle que des études de notaire vont être en faillite, on a droit à un petit haussement de sourcil interloqué et convulsif. On se console comme on peut… Surtout quand on ajoute qu’à l’avenir, la restructuration des études de campagne fera en sorte que le client n’aura plus son notaire à disposition 7 jours/7 et 12 heures/ jour, mais une après-midi par semaine, et sur rendez-vous encore. La clientèle aussi va faire les frais de cette réforme absurde : le petit notaire tenaillé par les charges privilégiera la régularisation des plus gros dossiers, au détriment des petites affaires, qui seront certes traitées, mais « en dernier », « au fond de la pile », « quand on aura le temps »… Tous les notaires vont rechercher le rendement : on limitera de force la durée des rendez-vous, on limitera « la pédagogie ». Quand on pense au temps qu’on passe à expliquer des textes compliqués à des clients qui pensaient qu’ils avaient déjà tout compris sur internet ! Tout ça, c’est fini. Si, comme j’ai cru comprendre, il est désormais interdit de percevoir toute somme hors du tarif et hors des actes, les notaires seront bien obligés de se cantonner « au strict minimum », « au service fast-food ». Puisque le devoir de conseil subsiste, le conseil continuera d’être rendu, mais « au régime hyper weight-watcher ».

Au fait, la réforme prévoit-elle quelque chose pour rémunérer le travail du notaire qui a tout préparé, et que les clients abandonnent au milieu du gué ?? Pour rémunérer la tenue des dossiers de succession qui se règlent à la machette et à la kalachnikov en 5, 6, 8 ou 15 ans ?

J’adjure humblement les Présidents et les Chambres, de tenter un suivi minutieux des effets financiers désastreux de la réforme et des décrets, ainsi que son impact social. Et à partir de tout de suite, car le public va anticiper, bien entendu. Il est indispensable de suivre, publier, et commenter, les chiffres de la CRPCEN concernant l’emploi dans le notariat, et la collecte des cotisations, et ce de façon régulière et périodique.

J’adjure de même les comptables des Chambres d’établir des budgets prévisionnels des compagnies, pour faire ressortir la baisse des cotisations, les restrictions, les coupes sombres ; il serait judicieux que notre C.S.N. préféré fasse de même.

La profession sera bienvenue d’occuper le terrain médiatique avec ce genre de renseignements chiffrés, concrets, vérifiables. Et pas une seule fois de façon spectaculaire, mais en rengaine, en complainte. Au lieu de la rubrique : « les notaires sympa vous conseillent, vous disent, vous vendent… » il faut prévoir « les notaires de telle région vous annoncent : tant de licenciements, tant de dépôts de bilan ». On pourrait créer « le conseil du coin…….du cimetière », quelle bonne idée, non ??

Moi je suis vieux et je vais m’en aller bientôt (j’espère), mais vous les jeunes, qui avez « la gnaque », je pense que c’est comme ça qu’il faut agir et réagir. Qu’est-ce que vous avez à perdre à présent ?

Paul Etienne Marcy, notaire à Argentat

P.S. : Ah oui pardon j’oubliais…. Le portail du C.S.N. nous montre qu’il se commence une campagne de communication avec un joli village style « trou du cru » et le slogan : « un charmant petit village, qui n’a plus de boucher, plus de bureau de poste, plus de médecin, et bientôt plus de notaire ». Fort bien, mais, mon pauvre ami, la population s’en contrefiche, des « charmants villages avec plus aucun professionnel…… ». Des fois, même, y a même plus de bistro, donc aucune chance d’y voir un jour « le conseil du coin…. »