Il est usuel, dans le discours officiel de « la profession », de chercher des boucs émissaires et d’utiliser des slogans pour dissimuler la réalité. C’est ainsi qu’en quelques semaines, on a pu relever une évolution dans la prose présidentielle.

Avant la venue de M. Macron au CSN, la « Tour » parlait du dogmatisme et de l’autisme des Hauts Fonctionnaires, qui refusaient d’ « entendre« . C’était pour mieux justifier le fait que la « Tour » refusait surtout de leur parler, ce qui les mettait dans l’obligation de créer un tarif sans quasiment rien savoir de la pratique et des réalités du notariat.

Après sa venue, le C.S.N et la Chambre de Paris ont soudainement été les seuls interlocuteurs « de la profession » dont la voix ait pu être entendue dans les Cabinets ministériels (à l’exception des « diplômés notaires pour la liberté d’installation » qui ont une autonomie que les « forçats du maillage » pourraient leur envier…).

Les conséquences :

  • un tarif « majoré » pour les actes les plus gros (remise de 40 % sur une typologie limitée supprimant la négociabilité « D.S.K. » au delà d’un plafond, pour tout acte, et jusqu’à 100 %)
  • une spoliation manifeste des notaires qui assument depuis toujours à grand perte les nécessités du service public de maillage.

Et le discours de la « Tour » a changé : les responsables n’étaient plus les « hauts fonctionnaires » mais des députés, nommément cités, jetés à la vindicte des petits notaires. Les députés concernés se sont alors mis à harceler les services concernés par l’établissement de notre tarif. Ils ont souligné le fait qu’on détournait les principes fondateurs de la nouvelle loi qui maintenait la rémunération proportionnelle pour permettre une redistribution compensant, chez les professionnels, les effets de la baisse souhaitée pour les usagers du service.

Et le discours de la « Tour » a encore changé. « La solidarité n’est pas la consécration d’un système de péréquation que d’aucuns ont défendu dans la profession et continuent à promouvoir, estimant sans doute que l’écrêtement des petits actes est insuffisant et le minimum à 90 euros trop élevé. »

Maintenant, ce sont donc d’infâmes notaires qui agiraient, en totale clandestinité, pour faire encore « baisser le minimum » ! Sincèrement, le CSN ne va pas assez loin ! S’il y a, parmi les notaires, quelqu’un d’assez stupide pour prôner la diminution du minimum sans compensation, on devrait l’empêcher de nuire ! En fait, la « Tour » cherche à décrédibiliser les propositions effectuées, sans relâche depuis des mois, par des notaires de bonne volonté. L’objectif de ces notaires : mettre en place un système équilibré au profit des petits clients, sans en faire supporter la charge aux notaires qui ont l’honneur de remplir, avec sérieux et probité, une tâche de plus en plus lourde de service public et maillage territorial.

D’un côté comme de l’autre, tout a d’abord été une question de mépris.

  • Les « hauts fonctionnaires » s’étonnent de voir des gens « vendre pour de si petits prix« . Ils déclarent que les offices qui disparaitraient n’ont « aucune utilité sociale » et que nous sommes une « profession du passé« . Ils confirment aux députés que les décisions ont été « actées par la profession, 15 jours avant la parution des décrets » et que les chiffres « ont été fournis par la profession » (alors que nous, professionnels, savons bien que ces chiffres sont actuellement récupérés à grand-peine malgré l’urgence par les Chambres…).
  • La « Tour » clame : « La solidarité grandit celui qui donne sans réduire celui qui reçoit. »

Les choses sont on ne peut plus claires… Du haut de ses certitudes le « dinotaire » s’imagine « grandi » en laissant tomber quelques miettes qui « feront la joie de la musaraigne ». Il donne, parce qu’il le peut, parce qu’il le vaut bien… Mais il n’a pas compris que la musaraigne se sent insultée par une solution « non pérenne » qui entérine l’obligation dans laquelle elle se trouve de réduire encore le peu dont elle disposait, en devant malgré tout poursuivre son activité sans faiblir. Le notariat n’existe plus, dès lors qu’il est constitué de mépris et de condescendance…L’unité vole en éclats du fait même du comportement de celui qui est supposé la préserver et lui donner son efficience…Constituer l’unité sur la base d’un contrat négocié par toutes les composantes de la profession, en réunissant les États Généraux du Tarif (auxquels j’appelais dès avril 2014 sur la Boite à Idées du CSN pour la défense du Tarif ), aurait sans doute été trop dangereux pour ceux de la « Tour »… Mieux valait écarter les idées – bonnes ou mauvaises, dès qu’elles ne sont pas siennes – sans même les étudier… en clamant : « La solidarité n’est pas le communisme professionnel« . Eh bien, même si l’exemple est susceptible de renforcer cette illusion entretenue selon laquelle la notion de tarif ajusté serait un projet communiste, permettez-moi de citer une chanson cubaine, qui reflète bien la situation… :

« Aquí pensaban seguir
ganando el ciento por ciento
con casas de apartamentos
y echar al pueblo a sufrir

Y seguir de modo cruel
contra el pueblo conspirando
para seguirlo explotando…
y en eso llegó Fidel »

Et terminons différemment : « Y en eso llegó RES-ISTE » ! Tout en rappelant que, John F. Kennedy, lucide disait « Ceux qui rendent impossible la révolution pacifique rendent la révolution sanglante inévitable« . Un sursaut de respect et de confraternité pourrait encore sauver l’essentiel… Mais qui, depuis le début de tout ceci aura finalement été « dogmatique et autiste » ?

Didier Mathy