Le 47e congrès du Mouvement Jeune Notariat a eu lieu du 5 au 10 novembre à Buenos Aires, sous la présidence de Denis-Pierre Simon, notaire à Lyon, président et fondateur du centre notarial de droit européen (ACENODE), fondateur de la chaire notariale internationale. Le congrès a permis d’établir un diagnostic du monde notarial à la lumière de la connaissance. À peine rentré d’Argentine, Denis-Pierre Simon revient sur la notion de « knowtaire » (thème du congrès) et nous fait part des « prescriptions » numériques de son équipe.

Vos travaux ont porté sur ce que vous appelez « le Knowtaire ». Est-ce une nouvelle génération de notaire ?

Denis-Pierre Simon : Il s’agit plutôt d’une « nouvelle » approche du notariat. En effet, si le XXe siècle a été celui de l’information, (et des TIC), le XXIe est déjà devenu celui de la connaissance. D’où le « knowledge Management » (Management de la connaissance collective dans l’entreprise) et le « Knowtaire ». Pour répondre et dépasser leur mission, les notaires doivent développer le travail collectif. Réseaux, plateformes collaboratives, arbres de la connaissance, formation continue, espace de partage, initiation aux débats… tout doit être mis en œuvre pour favoriser l’accélération du flux de la connaissance. Celle-ci doit circuler dans toute l’étude du notaire, comme le système sanguin. Elle doit être valorisée, protégée, packagée, promue, vendue à son juste prix. Aujourd’hui, tous les notaires ont déjà accès à des bases de données d’informations via les services de la profession (Cridon ou réseau Jurisvin par exemple). L’accès aux « Data Center » (centre de données) bouleverse nos techniques d’apprentissage. Après avoir créé le trouble, le numérique est devenu un allié indispensable. Le « Net » s’est imposé en douceur au métier, la technologie « blockchain » (technologie de stockage numérique et de transmission d’information, à coûts minimes, décentralisée et sécurisée) en angoisse encore certains ! Peut-on hacker un « blockchain » ? Le « blockchain » ne va-t-il pas légitimer la mise en œuvre de solutions contractuelles automatiques ? Constitue-t-il la fin des actes authentiques ? L’un des objectifs du congrès a été de rassurer les notaires français et leurs confrères argentins sur l’entrée dans la « Renaissance N.(0)» du notaire.

Quels ont été vos arguments pour les rassurer ?

Nous avons expliqué à nos confrères que le  blockchain est probablement l’outil capable de nous amener vers une intelligence collective. Pas celle qui a permis l’édification des pyramides d’Egypte (elles sont le fruit d’ordres donnés par quelques concepteurs à une multitude), mais celle imitant, par exemple, les danses des bancs de poissons ! Cette technique permet la contribution de chacun à la réalisation d’une œuvre, imaginée, initiée et réalisée par tous ! Les blockchains possèdent intrinsèquement la capacité de faire coopérer un groupe à large échelle dans l’optique d’une production concrète. On parle d’organisation spontanée. Pour parvenir à ce modèle théorique, deux obstacles doivent toutefois être dépassés : la confiance et la gouvernance. C’est là tout l’enjeu pour le notariat !

Faut-il en conclure que le notariat doit s’organiser ? 

La profession doit développer des stratégies qui intègrent les possibilités offertes par les blockchains. Celles-ci sont une technologie, non une solution. Mais surtout la profession doit se soucier du meilleur moyen d’apporter la confiance et peut-être la gouvernance dans cet outil nouveau. Prenons l’exemple de la confiance dans les transactions. Pour acheter un appartement, il est nécessaire de placer notre confiance dans la personne avec qui nous voulons entrer en interaction. En d’autres termes, dès que la technologie va nous amener à des applications sociales qui impliquent des relations humaines, il deviendra nécessaire d’établir une couche au-dessus de la blockchain : celle de la confiance. Dans ce secteur nouveau, il faut trouver le petit espace qui nous offrira la plus-value recherchée par la profession. Et faire nôtre cette devise de notre rapporteur Jean Sallantin, logicien-informaticien : « il faut ré-enchanter le notariat ! »

Et les autres vœux du 47e Congrès MJN ?

L’équipe MJN 2016 a surtout voulu faire adhérer la profession à des outils nouveaux parmi lesquels :

  • Un logiciel notarial de débats
  • L’utilisation d’arbres de la connaissance qui s’appuieront sur la technique de « blockchain »

Elle a également incité les notaires à « entrer dans le partage » par :

  • des conceptions nouvelles des lieux de travail
  • des modes différents d’apprentissage et de formation continue.

 Propos recueillis par Valérie Ayala