Jean-Charles Persico est à l’origine du recours porté devant le Conseil d’Etat contre la possibilité donnée aux notaires déjà installés d’être candidats à la création de nouveaux offices dans le cadre de la loi Macron. Diplômé notaire, ce Jurassien est l’un des fondateurs de l’association « Liberté d’installation des diplômés notaires » (LIDN) qu’il préside. Nous l’avons rencontré fin mars…

Notariat 2000 : Notaire de formation, vous avez ouvert il y a 3 ans une agence immobilière, avant de devenir lotisseur. Pourquoi vouloir réintégrer le notariat alors que vous n’avez de cesse de critiquer la profession ?

Jean-Charles Persico : Tout simplement parce que j’aime le métier de notaire et que je suis très attaché à cette notion de service public. Le notaire est au cœur des familles, il les accompagne tout au long de la vie. J’apprécie cette dimension humaine. En revanche, l’organisation de la profession me semble archaïque. Étouffante et opaque. L’association LIDN que je préside a beaucoup critiqué cette organisation pyramidale, le fonctionnement des structures notariales. Nous y sommes peut-être parfois allés un peu fort. Il y a eu probablement des débordements qui ont radicalisé des points de vue, mais notre volonté a toujours été de faire bouger les choses. Aujourd’hui encore, je reste convaincu que la vraie fracture sociale est générée par un système qui empêche, à diplômes, expérience et honorabilité identiques, d’entreprendre librement.

Justement quel est l’objectif de l’association ?

L’Association a été créée par des diplômés notaires pour soutenir la réforme du notariat. Nous défendons la possibilité pour tout diplômé notaire de s’installer où il veut, sous des conditions d’honorabilité et des garanties financières. Pour faire entendre notre voix, nous nous sommes regroupés. LIDN compte à ce jour 150 adhérents. 95 % d’entre eux sont des diplômés notaires, le reste est constitué d’étudiants et d’un avocat diplômé notaire qui exerce à l’étranger.

Le Conseil d’État a rejeté votre demande de suspendre le décret autorisant les notaires installés à participer au tirage au sort. Comment vivez-vous cette décision ?

Mal. Cette décision a généré dans nos rangs incompréhension et frustration. Elle nous laisse un goût amer. Nous sommes écœurés de voir de quelle manière on peut « tordre » des textes et leur faire dire n’importe quoi. On se sent trahis par le Gouvernement et plus particulièrement par le ministère de la Justice qui a plié sous la pression du CSN (le CSN n’a jamais caché son hostilité à la réforme et à la liberté d’installation). C’est un coup de couteau dans le dos. Il règne dans nos rangs un sentiment d’injustice exacerbé par certaines rumeurs. Le bruit court, en effet, que certains offices ont investi dans des systèmes informatiques leur permettant de candidater en masse dans les zones les plus porteuses…

Comment voyez-vous l’avenir ?

Sombre… La situation va devenir rapidement tendue. C’est d’autant plus regrettable que si la profession avait ouvert les yeux il y a 10 ans, le notariat aurait pu anticiper l’ouverture. Le CSN n’a pas voulu prendre les décisions qui s’imposaient. Demain, les nouveaux notaires vont devoir inventer de nouveaux systèmes de fonctionnement, ce à quoi l’Association réfléchit. Toute la difficulté va être pour eux de générer plus de recettes qu’ils n’ont de charges, notamment en zone rurale.

Qu’allez-vous faire dans les prochaines semaines ?

Notre plan d’action va dépendre du nombre de notaires de l’association nommés et de leur capacité à travailler, à s’adapter… Quoi qu’il en soit, nous allons continuer de lutter pour que la liberté d’installation soit totale ; c’est le seul moyen de permettre une concurrence saine et l’amélioration des services rendus aux clients. Nous réfléchissons également à la mise en place de nouvelles structures qui permettraient de travailler en collaboration entre diplômés notaires et pourquoi pas, à terme, avec des notaires installés. Enfin, LIDN a sollicité un entretien auprès de chaque candidat à l’élection présidentielle pour faire passer ses idées.

Si vous deviez être candidat à la présidence du CSN, quel serait votre programme ?

Je ferais de la transparence et de la démocratie les deux mots clés de mon programme, notamment en ce qui concerne les participations financières du CSN dans les structures des prestataires du notariat comme ADSN, UNOFI, INAFON… Je mettrais également fin à la cooptation par l’instauration d’une véritable liberté d’installation. Enfin je m’engagerais fermement pour l’application d’une péréquation nationale permettant l’exercice concret de la solidarité des gros offices urbains vers les offices ruraux.

Propos recueillis par Valérie Ayala