L’été est venu … et  le 5 Août nous a offert la réponse du Conseil Constitutionnel, laquelle ne m’a pas surprise, car je n’en n’attendais rien. Les réactions des quelques consœurs et confrères autour de moi ont été très contrastées, oscillant entre incrédulité, découragement, larmes ou scepticisme. La palme est revenue tout de même à notre Président (du CSN), qui a pris connaissance « avec satisfaction » (voir communiqué de presse)  de la réponse du Conseil Constitutionnel. Je ne commenterai pas, je laisse à chacun le soin de se faire une idée. Peut être suis-je devenue trop défaitiste …

Certes, la contribution à l’aide juridictionnelle (de 0,05 à 0,2 % a été retoquée). Mais a-t-on raison de se féliciter de ce que l’indemnisation qui pesait sur le notaire nouvellement installé pèsera désormais sur l’État ? Une indemnisation sera-t-elle plus facile à obtenir ? Pour ma part, je ne crois nullement à une hypothétique indemnisation. Et la loi a été promulguée dans la foulée. Et en l’état de cette décision, et de cette promulgation, nous attendions donc les décrets, sur le tarif (je vous rappelle que le tarif actuel sera abrogé à compter du dernier jour du 6e mois suivant la promulgation. Nous devrions donc avoir un nouveau tarif le 8 février 2015) et sur la carte des zones grises.

L’été est passé… l’avant projet de décret est paru

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Alors là, mes amis, nous tombons de Charybde en Scylla ! Certes, ce n’est qu’un avant projet, mais quand on compare l’avant projet de loi, avec la loi, la différence n’est pas flagrante ! Je vous le résume en vous passant les fioritures. Tout d’abord, vous n’êtes plus notaire selon la définition du Conseiller Réal. Pour la fixation des tarifs, nous sommes un « professionnel de référence« , c’est-à-dire « un professionnel dont les moyens matériels et humains sont en adéquation avec les exigences de qualité et de diligence des prestations servies au regard de ratios analytiques objectifs mesurant la productivité et la qualité de service ». Çà commence fort ! Ensuite la date d’entrée en vigueur du nouveau tarif est fixée au 1er février 2016.

  • Le tarif peut être proportionnel pour certaines catégories de prestations aux fins de péréquation, voire lié au résultat. Donc s’il PEUT être proportionnel, c’est que le principe sera qu’il est fixe…
  • Le taux de la remise ne peut dépasser 10 % du montant du tarif
  • Le « tarif d’urgence » (vous allez l’aimer celui là !) vous permettra de majorer votre rémunération de 30 % quand, à la demande du client, vous réaliserez la prestation dans un délai inférieur à un minimum. L’arrêté fixera le délai minimum, ainsi que le taux de majoration applicable. On nage en plein délire !!!
  • La révision des tarifs aura lieu tous les 2 ans ou moins si évolution significative et exceptionnelle du volume de l’activité de la profession.
  • Les tarifs sont fixés en sorte que le chiffre d’affaires annuel moyen de la profession hors remise d’un professionnel de la profession concernée soit égal à la somme des couts pertinents et de la rémunération raisonnable moyenne. Oui, vous avez bien lu, on parle de « chiffre d’affaire annuel moyen de la profession », pas d’entreprise, ni d’acte : le notariat est UN et INDIVISIBLE ! Les couts pertinents correspondent aux couts annuel du professionnel, et sont évalués en tenant compte : des charges d’exploitations et financières annuelles moyennes de la profession, éventuellement revalorisées par un indice, ou minoré par un coefficient correcteur si les charges sont supérieures à celles du professionnel de référence. Certaines charges étant éventuellement pondérées en fonction du poids de ces prestations dans le CA moyen de la profession. La rémunération raisonnable moyenne prise en compte est la somme de la rémunération raisonnable du travail, histoire de maintenir l’attractivité de la profession concernée (si, si, c’est écrit dans l’art R 444-13 : ils ont la pétoche que plus personne ne veuille plus être notaire …), plus la rémunération raisonnable du capital, histoire d’assurer une incitation suffisante à l’investissement dans les activités économiques de la profession (ben tiens, vu que des sociétés financières vont pouvoir investir dans nos structures, il faut qu’elles en retirent une rémunération ! Mais s’ils nous donnent le taux de la Caisse d’Epargne, ça va inciter, c’est sur !). Tient compte du taux de résultat courant avant impôts de la profession sous l’angle de l’intensité capitalistique (ne me demandez pas ce que cela veut dire …) et du niveau de risque pris. Un arrêté va indiquer quels indicateurs seront pris en compte pour apprécier l’attractivité et le niveau de responsabilité. Et tout ça peut encore être corrigé pour tenir compte des prestations dont les tarifs ne sont pas concernés par le décret.
  • Le non respect du tarif entraînera une contravention de 5e classe, sanctions disciplinaires et restitution du trop perçu.

Bien sûr pour faire tout ça, ils vont tenir compte des montants moyens investis dans l’acquisition d’un office, du cout total de couverture du risque professionnel, du taux de défaillance des structures, des valeurs moyennes du CA, du résultat courant avant impôts, des immobilisations, du besoin en fonds de roulement, et de toutes les autres choses qu’ils jugeront utiles (!!!), du nombre des prestations et de la somme totale perçue à ce titre (cout moyen à l’acte j’imagine …), montant total des frais et débours . Les informations statistiques sont fournies annuellement par les instances.

Les nouveautés

Une nouveauté dont vous n’auriez jamais pu imaginer que ça pourrait exister : le FIADJ (la PAC notariale, quoi !). Vous n’avez pas voulu de l’indemnisation des anciens par les nouveaux ??? Vous avez imaginé pouvoir réclamer une indemnisation à l’Etat ??? Bien fait pour vous : c’est vous qui paierez désormais ! Le Fonds Interprofessionnel de l’Accès au Droit et à la Justice (FIADJ) ne sera pas au bénéfice direct du justiciable (aide juridictionnelle par ex), mais assurera la distribution d’aides à l’installation et au maintien de professionnels dans certaines zones (aides à l’installation dans un office vacant ou créé, aides au maintien si CA annuel hors taxe moyen inférieur à 200.000 euros et deux autres conditions que je vous passe ici). Si le ratio charges/CA ne rentre pas dans les critères, il faudra que l’office mette en place une politique de réduction des coûts préalablement au versement de l’aide. Plafond global annuel de 50.000 euros. Bien évidemment pour gérer ce FIADJ, on a créé le SGAADJ (société de Gestion des Aides à l’Accès au Droit et à la Justice). Il comprendra  5 administrateurs choisis par les Ministres, et 5 suppléants, nommés pour 4 ans. Et histoire de faire des économies, on a créé aussi le CCAADJ (Comité Consultatif des Aides à l’Accès au Droit et à la Justice) qui donnera son avis sur la gestion financière et comptable du SGAADJ.  Il comprendra 9 membres, dont 2 profs (tu parles !) et 1 membre de chaque profession donc un notaire, avec autant de suppléants, et nommés pour 4 ans. Plus, bien évidemment des rapporteurs nommés par le ministre de la justice (on ne sait pas pour quoi faire …). Suivent, à partir de l’article R 446-16 des dispositions connues concernant le tarif, telles que les dispositions dépendantes et indépendantes, les actes sous conditions suspensives, le versement d’une provision préalables suffisantes, l’intervention de plusieurs notaires, la consignation… Puis vient un tableau des actes, mais il ne contient aucune précision quant aux modalités de leur rémunération, ni la nature du tarif fixe ou proportionnel, ni le montant.

Analyse à ce jour

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Je ne suis bien évidemment pas plus compétente que vous pour analyser ce truc-machin-chose qui ne ressemble à rien. Mais ce que j’en retiens, c’est que nous entrons à présent dans une l’ère de l’encadrement de nos revenus, lesquels devront être révisés tous les deux ans pour rester dans leur notion de raisonnable : aucune possibilité d’évolution. Et fini l’essor de l’entreprise avec l’embellie des conditions économiques : dans ce cas, on nous titrera un peu plus vers le bas. La seule possibilité de développer nos entreprises, et de conserver nos salariés sera de développer l’activité libérale, dont la rémunération ne devrait pas être comptée dans la moyenne. Je l’avais entendu il y a quelques jours : l’activité libérale financera notre mission de service public. Le problème, c’est que ma mission de service public prend déjà 100 % de mon temps. Je fais comment alors pour développer le reste ???

L’été est venu, l’été est passé, l’automne puis l’hiver viendront, et avec eux les arrêtés… Si nous n’en avions pas, nous aurons au moins appris la patience !

Janvier 2014Evelyne Beaume