Chaque mois, Bernard Thion pose un regard sur l’actualité. Cette fois-ci, la hausse des températures (et celle des océans) est au cœur de sa réflexion car elle menace notre survie. Les États, tout comme certains investisseurs, commencent d’ailleurs à s’en alarmer.2

Il y a encore peu de temps, lors des longs trajets en automobile, il fallait s’arrêter plusieurs fois pour nettoyer les pare-brises des insectes qui en gênaient la vue. Cela faisait alors l’affaire de jeunes vagabonds qui, pour une petite obole, à des carrefours stratégiques, se précipitaient sur votre voiture pour en faire le nettoyage. Ces temps semblent avoir en partie disparu, un simple coup d’essuie-glaces suffisant maintenant à conserver la vitre propre. Mais cela signifie aussi qu’il y a moins d’insectes pour nourrir les petits oiseaux qui, petit à petit, disparaissent de nos jardins, effets secondaires du réchauffement climatique. Ce dérèglement a pour origine les émissions de gaz à effet de serre, en nette accélération dans le monde ces quinze dernières années. Dès à présent, l’allongement des périodes de sécheresses, la fonte des glaciers et la montée des eaux, les vents de plus en plus violents avec une multiplication des tornades ont des conséquences humaines et géopolitiques dramatiques.

Ces effets sont suffisamment préoccupants pour amener les 196 dirigeants de la planète à se réunir à Paris du 30 novembre au 11 décembre pour tenter de conclure un accord universel dont l’objectif est de limiter à 2 degrés Celsius le réchauffement de la terre. Faute de quoi la survie de l’humanité serait menacée. Cette conférence doit notamment déboucher sur un accord permettant de réduire les émissions de gaz carbonique (CO2). En effet, pétrole, gaz et charbon sont responsables de 80 % des émissions mondiales de ce gaz alors que les États ont tendance à subventionner massivement ces énergies polluantes. Comme nos dirigeants politiques sont incapables de traiter les problèmes de société autrement qu’en fonction de critères financiers, il semble que seule la fixation d’un prix mondial du carbone au travers d’un marché de permis d’émission peut les contraindre à cette limitation.

Le principe du pollueur-payeur pourrait alors être appliqué. Les pays fortement émetteurs seraient redevables d’une dette calculée à partir de l’écart de leurs émissions par tête rapportée à la moyenne mondiale. Les pays en dessous de cette moyenne détiendraient alors une créance sur l’ensemble des autres pays, le système fonctionnant sous l’égide des Nations Unies. Avec un prix d’un dollar la tonne de CO2, le système conduirait à transférer, dès le départ, plus de 10 milliards par an depuis les pays fortement émetteurs vers les pays faiblement émetteurs qui regroupent l’ensemble des pays les plus pauvres. Ces derniers seraient alors en mesure d’assurer leur développement tout en prenant les mesures nécessaires à la limitation des émissions de gaz.

L’initiative prise par de gros investisseurs comme le fonds souverain norvégien, la fondation Rockefeller ou l’assureur Axa peut aussi amener nos dirigeants politiques à plus de dynamisme. Ces organisations ont en effet décidé de retirer leur argent des entreprises les plus impliquées dans la production de charbon, de pétrole et de gaz. Ces désinvestissements auraient déjà atteint un total de 2 600 milliards de dollars. Ce qui, comparé aux investissements mondiaux qui dépasse les 100 000 milliards de dollars, peut paraître encore très insuffisants mais demeure une réponse immédiate et pratique à un problème majeur.

Bernard Thion