Le nom de TOBIN est associé à la taxation des opérations spéculatives. Dans les années 70, il proposait de ponctionner une part infime des milliards de dollars qui s’échangeaient sur le marché des devises. En dépit des lobbies financiers, cette idée revient aujourd’hui au centre des débats européens.

 Conseiller de John Kennedy entre 1961 et 1962, puis de Richard Nixon au moment où les Etats-Unis renoncent à la parité or-dollar, James Tobin propose en 1972 de taxer les mouvements à court terme sur les devises afin de réduire la spéculation née du flottement généralisé des monnaies. Pour limiter les « allers-retours » sur le marché des changes produisant des effets dévastateurs sur les économies, Tobin suggère une taxe sur les achats et ventes de monnaie dans une fourchette de 0,05 à 0,2 % du montant des transactions. « Il s’agirait d’une taxe internationale uniforme convenue, administrée par chaque gouvernement sur sa propre compétence ». Mais cette proposition censée « jeter quelques grains de sable dans les rouages de la finance internationale » sera vite écartée devant les difficultés de sa mise en place. Car les années 70 correspondent aussi à une généralisation de l’outil informatique avec une explosion de la vitesse et du nombre d’opérations financières.

En France, d’hier à aujourd’hui…

Bien que cette idée ait toujours rencontré une forte répulsion des milieux financiers, elle a fini par resurgir en Europe lors des crises financières, sous l’impulsion de quelques politiques français.

C’est ainsi que Jacques Chirac et son Premier ministre Lionel Jospin feront voter en 2001 une taxe frappant les transactions sur les devises. Mais faute de décret fixant son taux, elle ne sera jamais appliquée.

Nicolas Sarkozy reprend l’idée et fait voter par l’Assemblée en 2012 une taxe sur les transactions financières (TTF) qu’il estime « techniquement possible, financièrement indispensable, moralement incontournable ». Cette taxe était d’abord une réponse à la crise bancaire de 2007 qui, selon certains, fût initiée par les « credit default swaps » (CDS), produits particulièrement spéculatifs déclenchant, par ricochet, la crise des dettes d’État dans la zone euro. Le taux de la taxe, toujours en application, est fixé à 0,1 % sur les échanges d’actions et à 0,01 % pour les CDS et autres produits très spéculatifs.

Le président français s’est efforcé parallèlement de convaincre les autres États européens de le suivre dans cette voie. C’est ainsi que le 9 mars 2011, le parlement européen votait le principe d’une taxe sur les transactions financières qui pourrait rapporter 200 milliards d’euros. Mais il a fallu attendre janvier 2013 pour que le Conseil de l’UE adopte une décision autorisant 11 États membres à établir un système commun de taxe sur les transactions financières. La France, l’Allemagne, la Belgique, l’Italie et l’Espagne font partie de ce groupe alors que la Suède, le Royaume Uni et la République Tchèque s’y sont opposées. Par le biais de cette taxe, le secteur financier devait participer aux coûts de reconstruction des économies. Les recettes annuelles étant de l’ordre de 30 à 35 milliards d’euros, elles représentaient 0,4 à 0,5 % du PIB des États participants. Mais il restait à s’entendre sur un projet détaillé précisant notamment l’assiette et le taux de la future TTF. Elle aurait dû être mise en application le 1er janvier 2016. Le climat électoral en a décidé autrement…

Et demain ?

Emmanuel Macron y demeure favorable, mais il a prévenu : « Je veux savoir quel est le point d’arrivée de la négociation sur le Brexit. Mettre la taxe sur les pays de la zone euro et pas en Grande-Bretagne serait une folie ». La discussion sur l’adoption de la TTF a été retirée de l’ordre du jour de la dernière réunion des ministres des finances de l’Union Européenne du 22 mai 2017 à la demande de la France. Alors : « TOBIN or not TOBIN, that is the question ! ».

Bernard Thion