« Le nouveau tarif est plus juste » dit le communiqué de presse commun des ministres de la Justice et de l’Économie. Vérifions-le, si vous voulez bien !
Scénario N° 1 : 10 % maximum du prix exprimé, voilà qui va permettre à de nombreux actes de voir enfin le jour à un prix raisonnable ! Prenons l’exemple de M. Jachètetou qui veut racheter « une parcelle de quelques m2 de friche » à son voisin.
Le client : Il me la cédait pour 10 €, mais ce salopard de rentier me demandait près de 700 € ! Grâce à M. Macron, je ne paierai qu’1 euro !
Le notaire explique que 90 € + les taxes fixes 15 et 25 + 2 états à 14 + la TVA sur émoluments… = 176 € !…
Le client (surpris, puis soupçonneux) : Mais… Je ne comprends pas, c’était pas maximum 10 % TTC ? C’est pourtant ce que j’ai entendu à la radio ! Je vais me renseigner à la Chambre car là, je crois bien que vous tentez de m’arnaquer !
Scénario N° 2 : Une réduction de 10 % au-delà de 150.000 € est annoncée ! Nous retrouvons M. Jachètetou.
Le client : Bonjour Maître, vous me reconnaissez ? J’achète une propriété à 200.000 € et on doit signer dans une semaine. Vous m’aviez adressé votre appel de fonds avec indication des frais, mais j’ai appris que ça baissait, combien vais-je devoir vous régler maintenant ?
Le notaire répond (par pudeur nous ne mentionnerons pas le montant indécent demeurant identique)
Le client : Comment ça, pas applicable, mais ils ont dit que les prix des notaires baissaient de 10 % !
Le notaire répond, patiemment…
Le client : Eh bien attendons le 2 mai, je ne suis pas si pressé et ça vaut quand-même le coup 10 % sur une somme pareille!
Le notaire, avec un peu de lassitude, explique que la remise n’est pas obligatoire, qu’il la fera néanmoins (pas le choix) mais que la diminution en résultant sera de l’ordre de 40 €.
Le client (en s’égosillant) : C’est scandaleux, je vous retire le dossier et je vais de ce pas porter plainte auprès du Procureur de la République pour abus de confiance et de situation dominante !
Scénario N° 3 : M. Jachètetou est sur le point d’acheter un appartement Avenue Montaigne…
Le client : Mon Cher Maitre, j’ai bien conscience d’abuser, mais vous comprendrez que les temps sont durs et que toute économie est bonne à prendre ! Donc, pour cet achat de 140.000.000 € , je vous demanderai de bien vouloir plafonner vos émoluments à 80.000 €. Dans le cas contraire, je chargerai un de vos confrères, plus compréhensifs, de faire cet acte tout simple…
Le notaire, souriant, annonce que nous sommes en mars, et qu’étant maintenant notaire sous Macron, il voit sa rémunération encadrée quel qu’en soit le niveau. Il précise que certes, il pratique dès 150.000 € la remise maximale de 10 % qui lui est autorisée, et dès 10.000.000 € le supplément de remise d’un maximum total de 40 %, mais que les 60 % restants lui sont bel et bien dus sur les 130.000.000 dépassant cette somme (alors qu’avant, il les aurait bien évidemment remis, avec bienveillance, pour le service du client). Il ajoute, avec un sourire carnassier, que cette remise supplémentaire de 30 % ne peut, du reste, trouver à s’appliquer si c’est d’un appartement à usage d’habitation dont il est question…
Le client : Ce n’est pas possible, vous vous moquez ?
Le notaire sort les textes régissant le tarif, montre les articles concernés…
Le client compose nerveusement un numéro sur son téléphone portable. et hurle : « Emmanuel ? Je suis chez le notaire, là, et tu sais quoi ? TU ES UN SALE C… ! » (Excusez nous, nous citons textuellement ! Dès qu’il s’agit d’argent, les parvenus sont d’un vulgaire…)
Morale de l’histoire : le nouveau tarif est plus juste et plus simple pour le client, en effet… Et pour le notaire ? Eh bien oui, il est plus juste, mais au sens « un peu juste » pour la plupart des notaires de province ! 90 € de rémunération hors taxes (ou 10 % du prix à partir de 900 €), ce n’est plus un tarif, c’est une aumône !
- Les petits offices ruraux travaillaient souvent à perte, ils voient leur perte s’amplifier dramatiquement et distinguent derrière elle le spectre des licenciements et de la faillite.
- Le maillage devait être protégé, il semble que ce paramètre ait été négligé.
- Et lorsque les actes moyens baissent également, de l’ordre de 2,50 %, la perte accrue des tous petits actes n’est plus du tout compensée, car les actes véritablement grassement rémunérés restent rares dans la plupart des études rurales ou semi-urbaines.
Ces études petites et moyennes se préparent donc à souffrir. Jusqu’à présent, elles le faisaient en silence… Mais demain ?
Didier Mathy