L’embellie immobilière persiste pour la 7e année consécutive. Le pactole suscite bien des convoitises. La France notariale du nord et celle de l’ouest, qui négocient depuis toujours, le savent bien ; elles subissent quotidiennement les assauts des agences de tout poil qui se multiplient, appâtées par les largesses du gâteau. Mais voilà qu’un poids lourd fait son entrée remarquée : le Crédit Agricole  » met un pied dans l’immobilier « …

 

Interviewé le 11 septembre dernier sur 6 colonnes en page 2 par le quotidien régional  » La Montagne « , le nouveau directeur du Crédit agricole Bernard LOLLIOT marque son ambition :  » être un véritable acteur, pas seulement financier « .  » Nous voulons aller beaucoup plus loin. Je considère que les activités immobilières –transactions, gestion…- sont complémentaires aux nôtres, banquier, prêteur, assureur. Cela correspond aux besoins de nos clients dans le cadre de la gestion de leur patrimoine. C’est dans cet esprit que nous venons de faire l’acquisition de  » Centre Auvergne immobilier »(1). Il y aura d’autres acquisitions dont trois sur le Cantal, la Corrèze, le Puy-de-Dôme. Dans le groupe Crédit Agricole, nous sommes les premiers à nous engager dans un type d’opération appelé à se généraliser « . Tout est dit, clair, fort et simplement par cet ancien élève de l’ENA qui affiche tranquillement ses objectifs : le patrimoine du client. Et d’ajouter, en enfonçant le clou, :  » nous avons les moyens d’accompagner tous les projets, y compris les très grands « . Ainsi, devons-nous comprendre que les actes et les moyens suivront les paroles et les résultats aussi, bien entendu. Ainsi, pouvons-nous prévoir que le Crédit Agricole va engager toutes ses caisses régionales dans ce processus pour peu que l’expérience réussisse. Car ce n’est pas un hasard si l’attaque du marché se fait dans le Massif Central où seul le Cantal négocie fort et bien.

 

Rouleau compresseur

On ne voit pas ce qui pourrait enrayer le rouleau compresseur… Dès lors que la première banque s’y investira et réussira, les autres s’y précipiteront sans hésiter. Déjà, certaines s’y intéressent et font leurs débuts par l’entrée des artistes. Nous assistons au complet fagotage de l’activité immobilière tant en amont qu’en aval. Bientôt, sans sortir de sa banque, le client choisira son bien, en négociera le prix, le financera par un emprunt, l’assurera et le gèrera. En achetant des agences de renom, le savoir-faire et l’expérience vont de pair. De là à comprendre que le conseil patrimonial revendiqué haut et fort s’étendra aux aspects juridiques et administratifs !… Et lorsqu’il sortira de la pieuvre bancaire pour franchir un instant le panonceau notarial, le client sera déjà entouré et prévenu par de bons spécialistes sortis tout droit de nos DES, écoles et autres masters, voire par nos collaborateurs. Il n’aura plus qu’à signer l’épais grimoire en sortant son chèque de  » banque  » ! La boucle est bouclée. Comment éviter que le client si bien entouré, assisté depuis le début de sa démarche jusqu’à ses conséquences ultimes, n’en vienne à se poser la question de notre situation dans cet univers clos ? En mettant l’immobilier au coeur du patrimoine, lui-même au centre névralgique de sa stratégie, la banque joue nécessairement gagnant. Rien à voir avec les agences, souvent éphémères et pour la plupart seulement commerciales et sans autres compétences en valeur ajoutée. Ici il faudra compter avec un acteur solide, sérieux, stable, aux moyens assurés et qui saura satisfaire le client, sans avoir l’air de nous porter ombrage, ancien partenariat oblige.

 

Réagir !

Tel le maçon au pied d’un mur qu’un plus avisé s’apprête à construire, quelle sera notre attitude ?

-  » Après moi le déluge !  » ou encore  » On était là hier, on sera là demain  » ?

- Prônerons-nous le  » chacun pour soi  » en tentant, par exemple, de devenir le notaire préféré, choisi par le client téléguidé ? Aux cours d’expertise, de négo et autres, il faudra substituer ceux d’échine souple !

- Prétendrons-nous que  » notre monopole nous protège  » et qu’ » il faudra bien venir signer « , en ayant pris soin de préciser que  » toute activité économique est dangereuse pour un notaire officier public juriste  » ?

- Expliquerons-nous que  » nous sommes déjà submergés par le flot des formalités et tout ce qui est réglementaire  » avant de nous demander comment y  » surajouter un superflu dont nous n’avons pas besoin  » ?…

Alors la perte de ce monopole suivra celui des entreprises voici 30 ans. Les mêmes causes entraînant les mêmes effets. Ou bien, peut-être, y aurait-il une petite lueur de réactivité globale, telle que par exemple ne plus rien abandonner de ce que nous tenons, avant peut-être de reprendre pied sur ce que nous avons hélas perdu. Mais en période de vaches grasses, pourquoi prêter attention aux sirènes du développement, dont nous avons pourtant aujourd’hui les moyens financiers ? Un exemple ? Vendre le général Foy (idée qui serait abandonnée ?) et en affecter le montant à une action d’envergure.

 

 » Ne pas subir ! « , tel était le titre de l’Édito du premier VIP, signé de son créateur Louis Deteix. Vaste programme ! Serait-il trop vaste pour le notariat ? Notre avenir en dépend. Nous en remettre à la Chancellerie pour notre protection tous azimuts ne saurait nous tenir de talisman. C’est en nous-mêmes que nous pouvons puiser les forces de notre adaptation aux besoins qui conditionne, à terme, notre survie.

 

1. Agence importante, connue et reconnue.