Ayant pratiqué la négo pendant toute ma carrière de notaire (presque 40 ans) et autant en Groupement de négociation, j’ai eu la joie d’être à l’origine de la création du NOTIM Loire Atlantique (devenu NOTAIRES 44). Tout cela me donne, je crois, aujourd’hui assez de recul et d’expérience pour réagir à votre enquête sur la négociation immobilière notariale (Notariat 2000 n° 538).

Les résultats de votre enquête m’inspirent à la fois consternation et satisfaction : consternation car ils traduisent le manque d’audace de nos confrères ; satisfaction car ils résultent souvent de l’expérience de certains qui, à un moment donné, y ont cru ! Que nous disent-ils ?
• Représailles des agences : les « non pratiquants » du panel (26 %) « appréhendent les représailles des agences immobilières ». Coopérer au sein d’un groupement départemental ou local (bassin économique) suffit pour « phagocyter » toute mise à l’écart par les agences.
• Expertise : 75 % du panel estiment que nos instances professionnelles n’encouragent pas suffisamment l’expertise. J’ai pourtant l’impression qu’aujourd’hui la profession soutient cette activité en créant les outils informatiques et en organisant des formations. Ceux qui ne pratiquent pas disent ne pas en avoir le temps. Or, le manque de temps ne doit pas être une excuse. Si notre emploi du temps est serré, il faut savoir utiliser les compétences de nos collaborateurs, soit en embauchant, soit en les inscrivant à une formation ! Enfin, l’expertise est indissociable de l’activité de négociation : pour vendre un bien, il faut savoir l’expertiser ou effectuer un juste avis de valeur ! Cette activité peut également conduire à une meilleure maîtrise de la vente aux enchères, malheureusement trop boudée par les notaires.
• Aspect économique : même en milieu rural, où les agences immobilières sont fortement implantées, des confrères estiment que la négo est « nécessaire à la survie des études et au maintien de l’emploi ». En période de crise, cette activité peut « suppléer la baisse d’activité sur les créneaux traditionnels ». Elle peut fidéliser la clientèle et permet la « détection de problèmes juridiques très en amont ». C’est là l’un des points forts de cette activité. En effet, quel notaire peut prétendre n’avoir jamais eu à rattraper les « bourdes » d’un agent immobilier trop souvent incompétent ?
• La concurrence : c’est vrai, aujourd’hui plus qu’hier encore, elle est de plus en plus envahissante, surtout avec internet. Mais le notariat a su s’adapter. Je me réjouis de voir la très bonne position d’immonot.com. Dommage que la profession n’ait pas adopté ce site pour en faire l’unique référence notariale. En revanche, je suis persuadé que si le notariat s’était mieux implanté dans la négociation immobilière, soit à titre individuel, soit en groupement, il n’y aurait pas eu autant d’agences immobilières. Beaucoup ferment maintenant leurs portes : c’est le moment de renforcer l’implantation de notre activité.
• Les outils de communication : Il est indispensable et urgent que la profession donne une information précise sur nos modes de communication (internet, logiciels, supports papiers), car, certains supports (papiers notamment), à défaut d’être actualisés, risquent de disparaitre alors qu’ils ont et auront toujours une place dans notre économie. Il suffit de voir la prolifération des pubs papiers dans nos boites à lettres.
• Les groupements de négo : comment peut-on encore voir des confrères hésiter (ou renoncer) à négocier en groupement ? Les confrères doivent abandonner l’idée de faire de la négo à titre individuel, car c’est « aller au casse-pipe ».
• La rémunération du négociateur (trice) : une forte majorité s’est ralliée à ce que j’ai toujours préconisé : un fixe + une commission sur le CA, sauf que la participation sur le chiffre peut conduire à une perversion (préférer vendre des biens à prix élevé). C’est la raison pour laquelle j’ai toujours préconisé une participation fixe, mais progressive sur le nombre d’affaires réalisées.
• Le mandat de recherche : s’il faut de l' »audace », il faut aussi de la réactivité ! Si un client vous confie la vente de son logement, peut-être recherche-t-il autre chose. Comment oser appeler cela du démarchage ? Il est bien évident qu’il faut impérativement se munir d’un mandat de recherche signé.

Tous les notaires de France devraient négocier, notamment en groupement, car « il vaut mieux vendre ensemble et partager les émoluments que de passer par une agence immobilière ». J’encourage la nouvelle génération à « oser » se lancer dans la négociation.