A l’exception de M. Le Coq (1) (qui nous rendra bientôt responsables du Big Bang), on nous reproche toujours la même chose : nos actes sont trop chers, trop rémunérateurs ; nos offices sont des vestiges de l’ancien régime et lorsqu’on n’a pas pu faire d’études, il suffit d’en racheter une… Ne faudrait-il pas savoir dire « stop » ?!
Nous avons déjà évoqué, dans ces colonnes, la péréquation tarifaire comme un moyen de faire valoir notre rôle social et humain.
Nous avons également évoqué la mutualisation des charges et des moyens obligatoires.
Si nous évoquions maintenant, avec sérénité, avant que quelqu’un ne décide de trancher dans le vif, « la vénalité des charges »… Je sais, on dit « droit de présentation », mais, croyez-moi, vous pourrez l’appeler comme vous voudrez, le sujet sera toujours aussi révélateur de ce que nous sommes !
En pratique, le titulaire d’un office (hors 3 départements d’Alsace-Moselle) souhaitant démissionner présente son successeur. Celui-ci lui verse une somme non négligeable pour être proposé à la nomination. « Honte aux notaires ! » crient nos détracteurs qui nous reprochent de monnayer une délégation de puissance publique comme un vulgaire fonds libéral ! « Il faut en finir, ça ne peut plus durer », disent-ils. Et s’ils avaient raison ? Et si c’était un effet pervers de la vénalité des charges qui conduisait les notaires à considérer comme inaltérables, intangibles et essentiels notre tarif et notre approche des charges communes ? Pire, si un jour, nos autorités de tutelle décidaient d’y mettre leur grain de sel… Nous aurions alors perdu « le relais quatre fois sans maître » ! (2)
L’exemple du notariat d’Alsace-Moselle
Lorsqu’on évoque l’idée d’une contribution de péréquation avec un notaire situé dans une zone « bénie », il répond généralement : « si ma rémunération est plus élevée, c’est aussi parce que j’ai dû payer beaucoup pour reprendre mon étude »(3). Souvent, il rajoute : « Je ne vais quand même pas aider ceux qui ont payé une misère » (sans considération du fait que certaines régions s’effondrent). Le problème doit donc être envisagé « globalement ». La solution ne passe-t-elle pas par un retour au statut fondamental du service public qui s’inspirerait du mode de fonctionnement du notariat d’Alsace-Moselle, sans forcément le copier servilement ? J’entends – j’ai l’oreille fine – nombre d’entre vous hurler : « cette fois, il est complètement cinglé ! ». Amis lecteurs, rassurez-vous ! Loin de moi l’idée de « vous » sacrifier sur l’autel des grands principes, mais pourquoi ne pas envisager d’aller sereinement là où le CSN voulait nous mener d’autorité voici quelques années ? Où ? Vers une profession unie, une profession unique ! Nous sommes aujourd’hui une galaxie hétérogène de professionnels sélectionnés qui divergent dans leur présentation, leurs pratiques, leurs signes extérieurs d’appartenance (combien de « panonceaux » différents ?). Et si nous changions tout pour devenir une armée en ordre de marche ?!
SPFPL Notaires de France
Forts de ce principe, les rédacteurs de Notariat 2000 ont, voici quelques années, au cours d’une conférence de rédaction (bien arrosée), (re)lancé une idée saugrenue que je vous livre ici…
Imaginons qu’au lieu d’attendre la retraite, chacun de nous se voit proposer demain de céder son étude, non à un successeur « personne physique », mais à une colossale « SPFPL » titulaire du service notarial… Toutes les études seraient reprises simultanément au coefficient 1, sur la base du chiffre d’affaires moyen indexé du titulaire actuel sur la durée entière de son exercice (le minimum étant le « reste à verser » des éventuels emprunts professionnels).
Comment procéder à cette reprise ? Un gigantesque emprunt… Ou un appel public à l’épargne ! Après tout, qu’importe, je suis sûr que nous trouverions une solution. Ensuite ? Eh bien, nous serions tous notaires salariés de la « SPFPL » Notaires de France, avec une participation sur notre contribution aux résultats globaux, pour éviter la démotivation. Le tarif serait alors aisément revu dans l’intérêt du client en le linéarisant et en appliquant un équilibrage acte par acte. Les charges « incompressibles » seraient prises en charge directement par la SPFPL. Bref, plus de raisons de se plaindre, une relative tranquillité d’esprit, un certain confort financier… Le seul problème restant serait la reprise des engagements de la Caisse de Retraite des Notaires. Le seul ? Non, car tôt ou tard, il y aurait bien quelqu’un pour permettre à la profession entière de passer sous contrôle des fonds de pension américains… Mais, après tout, n’est-ce pas déjà fondamentalement l’objectif sous-tendu de la commercialisation croissante du marché du droit ? Et si cette idée, en apparence saugrenue, permettait de retarder ce qui semble inéluctable ?!
1 -L’ex-candidat au concours d’entrée aux offices créés qui, faute d’avoir réussi à intégrer le notariat, déverse régulièrement sa bile dans les médias.
2 – Cf. Notariat 2000 n° 527, mars 2012, page 10, article « Quatre fois sans maître ».
3 – A noter que cette réflexion vous sera tout autant faite par un notaire qui s’est installé bien avant que les prix ne s’envolent…