Selon nos détracteurs, le travail notarial se bornerait à du secrétariat. La standardisation des actes, notamment de vente, imposée par l’acte normalisé et renforcée désormais par télé@cte, aurait transformé le notaire et ses collaborateurs en simples « presse-bouton », assembleurs de formules… ce que d’autres personnes pourraient faire à sa place et (sous-entendu) à moindre coût. La rédaction de consultations serait, quant à elle, devenue une pratique en voie de disparition.
La partie émergée de l’iceberg
Oui, c’est vrai, la rédaction d’un acte lorsque tous les éléments sont réunis, lorsque tous les paramètres ont été analysés, peut ne prendre guère plus d’une heure, mais au préalable à cette rédaction, combien de temps, de recherches ? Prenons-en pour preuve le nombre moyen d’actes annuel par collaborateurs qui était de l’ordre de 120 il y a une quinzaine d’années et qui est désormais passé autour de 80, suite à l’inflation législative et la complexification des relations juridiques, personnelles et sociales. On compare souvent le notaire au médecin. Irait-on aujourd’hui imaginer qu’un logiciel médical propose à l’internaute de remplir un formulaire très précis sur ses symptômes (douleur, tension, température corporelle, etc.), établisse le diagnostic médical et rédige l’ordonnance sur une carte à puce permettant la délivrance des médicaments par le distributeur automatique ? Non bien sûr, car en cas d’oubli, les conséquences seraient fatales pour le patient. En médecine comme en droit, seul un professionnel hautement formé est en mesure de poser les bonnes questions complémentaires et peut tirer une conclusion d’un ensemble d’éléments disparates. Poussons la comparaison… Que se passerait-il si lesdits boutons du droit étaient pressés par le client lui-même et si nos concitoyens confiaient leur sécurité juridique à un ordinateur ? La sécurité juridique ne peut être pleinement apportée que dans un système juridique composé de notaires, de juges, d’avocats et autres auxiliaires de justice. Le tout sous les garanties que peut apporter un état de droit. Sans une solide formation initiale et permanente, ces garanties ne seraient que lettres mortes.
Consultant malgré lui
Certes, il est assez rare que nos consultations donnent lieu à un écrit. Mais est-ce à dire qu’elles n’existent pas ? Le médecin fait-il un diagnostic écrit pour chaque patient ? En médecine comme en droit, seuls les cas les plus graves donnent lieu à un compte rendu écrit, ce n’est pas pour autant que les cas plus « simples » ne sont pas traités. Tout est question de temps et de moyens.
Dans nos études, quand certains clients, en dehors de toute rédaction d’acte, viennent nous poser des questions sur une situation juridique quelle qu’elle soit, ne lui apportons-nous pas le plus souvent une réponse non seulement immédiate, mais en général une réponse adaptée, nécessitant parfois des approfondissements complémentaires entre les différentes branches du droit (public, privé, fiscalité…) ? Et que dire du facteur psychologique ? Proposer une solution est une chose, en proposer une qui soit adaptée au client, non seulement juridiquement, mais aussi personnellement et psychologiquement en est une autre qu’aucun logiciel, même des plus performants, ne pourra jamais accomplir. De même, pour parvenir à la rédaction d’un acte, ne faut-il pas au préalable analyser tous les paramètres relatifs au client, à son contexte personnel, familial, professionnel ? Ne faut-il pas examiner les différentes règles de droit qui s’entremêlent, se repoussent et se heurtent ? Alors oui, la rédaction des actes a été grandement facilitée par les progiciels ; oui, cette rédaction prend moins de temps et nécessite moins de fatigue qu’à l’époque de la plume d’oie… Mais ce temps et cette fatigue gagnés n’ont eu qu’un seul effet : celui de les consacrer encore mieux à la sécurité juridique que tout client est en droit d’attendre de son notaire !