Les temps sont durs et à l’heure des changements. Le notariat bruisse aux airs d’Attali. Va-t-il remporter la guerre ou juste une nouvelle bataille qui repoussera l’échéance finale d’une transformation qu’il attend et redoute depuis tant d’années… ?
MOI : Imaginons que le garde des Sceaux exige du notariat une révolution, en lui fixant l’objectif de demeurer un véritable service public dans le cadre d’un exercice libéral exemplaire au plan de l’efficacité. Quelles pourraient être les propositions de la profession ?
Moi : Je peux t’en donner quelques-unes, fidèles à la pensée du Conseiller Réal. Elles sont drastiques, mais je me place dans le contexte que tu imagines.
• Les structures : Je supprime toutes les Chambres. Les Conseils régionaux tels qu’ils existent deviennent des Chambres interdépartementales. Je crée 4 ou 5 Conseils régionaux regroupant plusieurs régions.
• Les dirigeants : Ils trouvent leur légitimité dans l’organisation d’élections présentant un candidat, une équipe et un programme. Le Président du CSN est élu au suffrage universel notarial.
• Les inspections : Pour la majorité des notaires, un contrôle approfondi (de la comptabilité, du respect de l’éthique, de la rédaction juridique et de l’efficacité du service rendu) est effectué tous les 3 ans. Pour la minorité, le contrôle est effectué tous les 6 mois avec une assistance journalière si nécessaire. De même, le CSN et les CR sont contrôlés régulièrement par la Cour des comptes.
• Les sanctions : Elles sont sévères, prises rapidement et susceptibles d’appel. Les décisions disciplinaires de la Chambre (ou d’appel) sont communiquées dans le détail à tous les notaires dépendant du Conseil régional pour information.
• L’exercice : Il est celui d’un officier ministériel, jouissant d’un statut exceptionnel, exerçant son art en vue d’assurer le service public de l’authenticité et du conseil qui s’y rattache. Par conséquent, le notariat doit se désengager d’Unofi et de la Sécurité nouvelle. Les notaires doivent renoncer à toute activité commerciale comme la négociation. En contrepartie, l’État renonce définitivement à la rédaction d’actes administratifs, aux certifications, notoriétés, etc.
• La lutte contre le blanchiment de l’argent sale : le notaire contrôle la création des SARL, SA…
• Le conseil : Tout acte de donation et de partage est obligatoirement authentique. Les notaires doivent assurer le conseil gratuitement et ne peuvent se faire rémunérer que pour un conseil écrit.
• Le tarif : La rédaction des actes continue à être soumise à un tarif national, simplifié, dégressif et mesuré. Les notaires se partagent l’émolument au prorata des intérêts qu’ils représentent. Pour les ventes, c’est 50/50, à condition que le notaire soit présent physiquement lors de la signature de l’acte authentique ou représenté par un clerc habilité. Les notaires doivent afficher, dans le hall d’entrée et sur le papier à lettres, les noms et prénoms des clercs habilités.
• Le « mandat ad litem » : Comme les avocats, le notaire en bénéficie. Il peut présenter lui-même aux juges toutes requêtes nécessaires pour ses clients dans le cadre familial.
• Les Cridons : ils sont réunis en une seule structure pour optimiser leur qualité.
• Les effectifs : Le notariat prend les mesures nécessaires, en vue de dépasser les 10 000 notaires en 2010.
MOI : Selon toi, ces mesures transformeraient le notariat et le mettraient en phase avec les impératifs du nouveau siècle, dont l’éthique est la première exigence ?
Moi : Il y aurait beaucoup à ajouter dans le détail, mais je suis certain que, sur ces bases, les jeunes auraient un bel avenir. L’État ferait des économies tout en exploitant au mieux son notariat. Ce dernier verrait sa responsabilité s’accroître car il deviendrait ainsi un véritable magistrat de l’ordre amiable, tandis qu’en même temps, son lustre brillerait à nouveau… à condition d’en être digne !
MOI : Tu vas faire grincer des dents…
Moi : Pas plus que ne grincent celles des agents de la SNCF ou celles des avocats avec la suppression des Tribunaux. Contrôler plus efficacement, développer l’authenticité responsable, restaurer la confraternité, la liberté, réduire les effectifs des structures notariales administratives et de contrôle, augmenter le nombre des notaires, c’est un sacré Grenelle, et, forcément, la réussite au bout !