Il est toujours important d’accorder le plus grand soin aux mots que l’on emploie, d’une part parce qu’il est extrêmement dangereux de tenter ceux qui pourraient les détourner, d’autre part parce que le verbe (qui était au commencement comme il est écrit) dispose d’un véritable pouvoir… Formule magique ou simple nom, il a, semble-t-il, des conséquences  sur le réel…

C’est ainsi que la formule « Le notaire c’est l’acte authentique », mise en exergue depuis une vingtaine d’années, a probablement été la cause même de l’acte assisté par avocat… Nous savons bien, nous, notaires, ce qui fait la différence entre l’acte authentique et l’ « aut’, en toc », et certains d’entre-nous poussent même l’intégrisme jusqu’à imposer l’authenticité pour tout, quand bien même il serait question de documents provisoires (avant le contrat) ou pour lesquels l’authenticité peut être utile mais non indispensable… Certains avaient bien tenté de faire remarquer que réduire le professionnel à son produit phare n’était pas très valorisant (c’est comme si on disait « le charcutier c’est le saucisson ») et qu’il fallait au contraire souligner la nécessité d’être un professionnel pour manier ce produit exceptionnel (« la bombe c’est l’artificier ») mais en vain…

Et aujourd’hui, nos adversaires ont obtenu que ce qu’ils avaient déjà (l’acte sous seing privé) prenne une valeur plus importante en étant officiellement contresigné par eux (alors qu’ils s’abritaient généreusement sur les clauses indiquant que seule la rédaction avait été assistée par leurs soins mais que les conventions étaient strictement celles des parties), à tel point que – faute sans doute d’une surveillance suffisamment attentive de nos « chères » instances professionnelles, le ministère de la Justice lui-même dont on pourrait attendre une vigilance accrue en sa qualité d’autorité de tutelle de la profession peut publier que l’avocat a « un rôle de certification : il peut contresigner des actes comportant la signature des parties, attestant ainsi de l’authenticité de ces actes » (https://www.justice.fr/themes/avocat)

Pour tout vous dire, cette réflexion à laquelle je vous pousse résulte d’une constatation : nous maîtrisons mal, et interprétons faussement les termes qui nous sont appliqués.

Quelle tristesse de voir un défenseur du notariat de Ventôse écrire « office notariale » dans l’entête de ses mails !

Serait-ce un débordement de l’écriture inclusive ?

Qu’on se le dise, Office, du latin officium (synonyme de devoir ou charge) est un nom masculin !

L’Etude, elle, du latin studium (synonyme de zèle) est bien féminine, mais sent la naphtaline en province, et est utilisée abusivement par les agences immobilières de la capitale…

En parlant de zèle… Certains ne nous suspecteront-ils pas plus encore, en raison de l’homophonie, de voler avec z’ailes ? (« comme les perdreaux, en compagnie » ou « avec une seule plume« ), pourtant, lorsqu’on joue à « pigeon vole »*, notaire n’est pas une réponse acceptable !

C’est sans doute pour éviter de se faire dire encore et encore « quand on n’a pas fait d’études on peut toujours en reprendre une » (Ce qui est faux, nous le savons tous, ce qui n’empêchait pas un célèbre avocat insomniaque de le laisser encore entendre il y a quelques années au cours d’une émission télévisée tardive !) que les notaires ont basculé vers office, plutôt que de devoir tomber dans les cabinets.

Mais grand Dieu, UN office, pas UNE !

Du reste, Office, c’est très mauvais pour notre image de cooptés malthusiens, cela ne prête-t-il pas à penser que la charge est naturellement destinée au fils ? Et s’il voulait jouer la fille de l’air, le fils ?

Ne devrait-on pas éviter cette dénomination-là également ? Car si l’Office revient d’office au fils, on va encore irriter ceux qui n’ont pas compris, malgré des années d’études, qu’une étude est un office et ne peut en aucun cas faire office de cabinet pour chaque personne à laquelle a été remis un papier, qui, pour être difficile à obtenir, n’a pas grand-chose de différent à bien y penser**, du modeste papier qu’on trouve généralement en ces lieux…

Mais il y a pire ! Lorsque le bourreau s’apprête à remplir sa mission, il n’est pas rare – si l’on en croit les historiens – qu’il lui soit dit « fais ton office » ; comme me le disait un confrère d’Amérique latine : « Ma yé savais bien que yé faisais oun trabail de bourreau ! »

Pas étonnant que les notaires se prétendent tous « bourreaux de travail »…

Décidément, les mots expliquent bien des maux !

* célèbre jeu d’enfant dont l’origine remonterait, selon le Lexique des jeux des éditions de la Fontaine au Roy, comme celle du notariat actuel, au début du XIXe siècle ; faut-il y voir un hasard ?!

** pour mémoire, même les lettres de noblesse peuvent faire office… hum, pardon, lisez plutôt cet ancien article