France inter, un jour de mai… Le journaliste Patrick Cohen fait du « divorce par consentement mutuel sans juge » le fil rouge de sa matinale. Dans son développement (qui a bien duré plusieurs minutes), il réussit une performance : ne pas citer une seule fois le notaire, comme s’il s’agissait d’un gros mot !

Sans doute, Patrick Cohen a-t-il raison : non seulement le projet ne met pas le notaire au centre du dispositif, mais il ne lui réserve que l’authentification… et 50 euros d’honoraires. Au tarif de technicien, cela ne rémunère même pas le temps passé, fut-il réduit au minimum !

Sans doute aussi, notre garde des Sceaux qui, lui, s’est contenté de nous citer une seule et unique fois, considère-t-il que cette aumône suffise à valoriser l’authenticité ?

Sans doute, encore, a-t-il dû affronter la si puissante pression des avocats… qui seront « deux pour équilibrer » le consentement mutuel. Oui, c’est bien ainsi que Jean-Jacques Urvoas a justifié cette double présence. Et pour coiffer le dispositif, la rédaction « équilibrée » sera assurée par les avocats…

De qui se moque-t-on ?

Si on a voulu nous ravaler au rang d’un simple exécutant subalterne, on a réussi. La question qui se pose est donc celle de notre réaction. Combien devrons-nous encore avaler de couleuvres avant que l’entreprise de démolition notariale ne s’achève ?

La proposition qui nous est faite est déraisonnable. À moins que cette proposition :

  1. ne témoigne d’une méconnaissance profonde de notre mission et utilité ?
  2. ne soit une provocation destinée à tester jusqu’où il est possible d’aller dans la déconsidération et l’abaissement de notre statut ?

Gageons que ces deux motivations coexistent !

La 1re hypothèse, celle de la méconnaissance, nous renvoie à nos propres insuffisances. Elle impose un mémoire clair, court, précis des compétences et missions que nous sommes en capacité (et prétention) de fournir à la société. Présenter cet argumentaire sans ostentation, avec un aréopage de juristes reconnus, éviterait le stigmate pro domo.

À propos de la provocation (la 2e hypothèse), à moins de descendre au point de non retour, ne serait-il pas grand temps d’apprendre à dire « NON » en expliquant simplement pourquoi ? Continuer de courber l’échine en ferraillant pour grappiller quelques miettes et accepter au final l’inacceptable, nous expose inévitablement à une poursuite accélérée de la descente aux enfers. N’est-ce pas l’honneur et la responsabilité de nos dirigeants de rassembler et motiver les 50 000 professionnels notariaux ?

La restauration de notre image par l’affirmation de notre statut nous impose de défendre l’authenticité, en la déployant sur toute l’activité économique pour la réguler et non pour la rabougrir sur des contrats conçus par d’autres. Dans la même veine, n’est-ce pas l’occasion de rappeler que cette authenticité, dont nous avons la responsabilité d’application, est l’un des piliers essentiels de l’équilibre des conventions et, par là même, concourt à la paix sociale ? Pacifier les relations, éviter les conflits, telles sont les bases de notre droit romano- germanique dont nous sommes l’un des rouages indispensables face à la Common Law anglo-saxonne. Encore devrait-on aussi rappeler que, dans ce domaine international, notre action tend à arrimer les immenses pays en voie de développement dans notre sphère juridique basée sur la prévention du conflit. Nous déconsidérer, nous affaiblir conduit à gonfler les voiles adverses dont l’agressivité se suffit pourtant à elle-même. Si notre saine réaction à ce casus belli nous conduisait à restaurer la confiance en nous-mêmes et à la noblesse de notre mission, ne serait-ce pas un beau début de renaissance ?

 bigotPhJean-Claude Bigot