Jean-Baptiste Bullet, originaire du Sud-Ouest, fait partie des heureux élus tirés au sort. Il nous livre sa vision du notariat, ses projets et revient sur son parcours et les démarches qu’il a dû accomplir…

Racontez-nous votre parcours…
Dès le départ, nous avions un projet à deux avec une amie, Maître Sophie BAT. On a travaillé ensemble dans le sud-ouest de la France, à Tarbes. On avait horodaté ensemble en société, mais aussi à titre individuel. Notre projet ? Si l’un de nous deux était tiré au sort, il associerait l’autre dans l’étude. Sophie a eu une étude à Versailles. J’ai été moins chanceux. Donc on a créé une étude à Versailles à son nom, et je devais être associé plus tard. Puis, lors de la seconde vague, je suis remonté sur les listes d’attente et j’ai été nommé dans le département voisin (dans le 94). Actuellement, je suis donc en train de créer la deuxième étude. Voilà comment j’en suis arrivé à publier ce petit guide pour les notaires créateurs. Au départ, j’avais « checké » pour moi-même les grandes lignes de tout ce qu’on avait déjà réalisé pour l’étude de Versailles pour le reproduire une seconde fois. Donc l’étude de Versailles est ouverte depuis janvier 2018 et la seconde devrait voir le jour début septembre. J’ai prêté serment le 1er février.

Qu’est-ce qui vous a motivé pour écrire ce guide ?
Au départ, c’était une démarche assez personnelle. J’ai commencé à faire une liste sur format Word de toutes les étapes qu’on avait pu faire pour ouvrir l’étude de Versailles : tous les numéros de téléphone, les formulaires qu’il avait fallu remplir… J’échange beaucoup au quotidien avec d’autres notaires créateurs et je suis un administrateur d’un des groupes principaux de créateurs qui s’appelle « Notaires créateurs : Coaching » sur Facebook. Des personnes sont là pour nous aider, nous coacher, nous sommes en contact avec des représentants de divers organismes, une comptable, une formaliste, des anciens notaires… Ce guide avait pour unique ambition de faire partager ma liste aux autres créateurs. C’est la raison pour laquelle il est gratuit. Il s’agit uniquement de confraternité. L’éditeur l’a parfaitement compris et il a même été au-delà de ce que j’espérais puisqu’il le distribue aux créateurs…

Quelles sont les principales difficultés que vous avez rencontrées ?
Le plus ardu, c’est de structurer les démarches et surtout de les connaître. On est catapultés du jour au lendemain du côté « patron » sans y être préparés. On se retrouve à prêter serment. Ensuite, dans un délai d’environ 6 mois, nous devons être opérationnels. Pas facile ! Il y a d’un côté tout l’aspect des démarches administratives à gérer et de l’autre l’aspect économique et le développement d’entreprise à imaginer auxquels nous n’étions pas préparés. Car la plupart d’entre nous n’avions pas de projet extrêmement structuré et défini quand nous avons horodaté… Après la nomination, la machine s’emballe et on manque de recul.

Concrètement, où en êtes-vous dans vos démarches aujourd’hui ?
L’étude de Versailles est ouverte, elle tourne, il y a des clients, des appels. Elle se développe lentement mais sûrement. On fait tout nous-mêmes, la comptabilité, les formalités. C’est très chronophage. Dans la seconde étude, à Chevilly-Larue, nous en sommes à l’étape des devis pour les travaux, signer le bail, passer les différentes commandes d’informatique, de copieurs…

Quels conseils donneriez-vous aux nouveaux notaires qui arrivent ?
Sans hésiter de réaliser une étude de marché, car il y a des zones où il y a déjà beaucoup de notaires. Je pense notamment à Versailles. Moi-même, au départ, j’ai été nommé à Alfortville. J’ai préféré finalement transférer à l’autre bout du département, dans une ville que je ne connais absolument pas. Car je pense qu’économiquement c’est plus opportun et que le démarrage sera beaucoup plus rapide qu’à Versailles. Il faut que les futurs confrères et consœurs prennent bien en compte l’emplacement de leur local, c’est très important.

Pensez-vous que ce mouvement d’ouverture des notaires doive continuer ?
Ce serait malvenu de ma part de dire qu’il faut cesser le mouvement. La population française a augmenté au cours des 30 dernières années et le nombre de notaires n’a pas suivi de manière proportionnelle. Les Français ont besoin de notaires de proximité. La loi Croissance me semblait donc nécessaire et être une bonne réponse à un système qui était peut-être perçu comme « féodal ». Il m’apparaît intéressant de continuer sur une dynamique d’ouverture, mais en tenant compte des contraintes économiques, cela implique que ce soit réalisé de manière raisonnée. Dans 4 ou 5 ans, nous aurons une meilleure vision. Hélas, des études vont peut-être fermer ou être rachetées car la création est parfois difficile. Mais je reste optimiste et confiant.

Globalement, êtes-vous bien accueilli par les autres notaires ?
Honnêtement, oui. Lorsque nous sommes allés nous présenter, cela a été très bien perçu de la part des confrères déjà installés : l’étude de Versailles était la première à ouvrir sur la commune. Nous étions dans une démarche d’imprégnation et de continuité de la tradition notariale. Nous avons expliqué que nous allions proposer des services légèrement différents de ceux de nos confrères comme l’ouverture le samedi, peut-être la négociation immobilière…  Les instances font ce qu’il faut pour que les nouveaux notaires soient bien accueillis.

Si vous aviez une baguette magique, citez-moi deux choses que vous changeriez ?
Je rendrais le notariat plus simple dans ses rapports humains. D’abord, je dirais stop aux faux-semblants. J’aimerais que les relations soient plus simples et plus saines en interne. Beaucoup de problèmes pourraient être résolus simplement en ayant une discussion franche de vive voix, par téléphone. Je souhaiterais aussi que les mentalités évoluent, qu’il y ait des jeunes avec un profil d’entrepreneur qui s’installent. Il y a encore, dans le notariat, des traditions qui ne sont plus en accord avec la société actuelle, par exemple dans la relation client, dans la manière de communiquer. Je suis content d’avoir une chance de donner une autre image du notariat. Le notaire est un passage obligatoire dans la vie de beaucoup de nos concitoyens. Autant faire en sorte qu’il soit le plus professionnel, le plus agréable possible.

Le tarif des notaires vous semble-t-il pertinent ?
L’approche n’est pas du tout la même en province et en région parisienne. J’aime la notion d’obligation de service public et on va essayer de travailler de la même manière pour une petite vente ou pour « la vente du siècle ».  La proportionnalité fait que l’on peut s’occuper des petits dossiers autant que des gros. Finalement, le conseil gratuit est compensé par les gros dossiers. Il faut arriver à réfléchir en termes de personne et non pas en termes d’actifs que l’on va avoir à traiter.

Après, la question du forfait pourrait être pertinente comme au Québec, par exemple. Je pense aux notaires de province qui ont une notion de service public plus affirmée qu’à Paris et qui peuvent être pénalisés par les différentes réformes.

Certaines compagnies ont fait voter une cotisation pour les nouveaux notaires, qu’en pensez-vous ?
J’ai été très surpris. Cela ruine tous les concepts de confraternité. Les chambres qui mettent cela en place devront s’attendre à des réactions de mécontentement. Or, c’est dans leurs attributions d’aider les nouveaux notaires. Il existe des différences d’accompagnement d’une chambre à l’autre. Par exemple, la chambre de Paris a déroulé un tapis rouge aux créateurs. Je pense qu’il aurait dû y avoir une interdiction formelle de la part du CSN de faire payer cette cotisation aux nouveaux notaires. Cela me semble aberrant et contreproductif.

Comment voyez-vous le notariat dans quelques années ?
L’enjeu actuel est de réussir cette transition.  Il va y avoir une période de chaos sur les 3 ou 4 ans à venir. Il y a aura peut-être un peu de « casse » mais je pense que le notariat va en sortir grandi. De nouveaux usages vont être mis en place, les « process » vont évoluer, certains notaires souhaitent fournir un service de meilleure qualité, être plus à l’écoute du client. Cela est positif et, à moyen et long terme, le notariat va avoir des défis à relever… Je suis confiant !

Propos recueillis par Nathalie Duny