Auditeur pour des organismes de certification depuis 1994, Paquito Valdenaire en connaît un rayon en matière de démarche qualité. Dans le cadre de la certification ISO 9001, il a en effet audité de nombreuses études notariales. Interview.
Notariat 2000 : La qualité ne répond-t-elle pas à un effet de mode dans le notariat ?
Paquito Valdenaire : Si c’est le cas, c’est une mode qui dure ! La démarche qualité, on en parle en effet dans le notariat depuis plus de 15 ans. En 1994, le congrès jeune notariat de La Rochelle avait pour thème « Management et qualité dans l’entreprise notariale ». Lier les deux notions de Management et de Qualité avait déjà été considéré comme pertinent à l’époque…
Notariat 2000 : Le coût de la démarche qualité est assez élevé. Investir dans la DQN vous semble-t-il intéressant aujourd’hui ?
Paquito Valdenaire : Il est certain que la démarche qualité ne peut pas faire de mal. Tout investisseur doit en tout cas se poser la question. Le notaire est formé à l’approche technique des textes de loi et de la réglementation, à la gestion de l’étude, au conseil juridique auprès de ses clients. Néanmoins, sa formation à manager une équipe (une étude en moyenne comporte plus de 7 personnes) me semble perfectible au vu des contacts que j’ai eu avec le notariat depuis plus de 20 ans, comparativement aux autres professionnels de PME.
Notariat 2000 :Qu’avez-vous constaté en auditant les études notariales ?
Paquito Valdenaire : D’une part, une approche très procédurale de la norme, et, d’autre part, des démarches souvent superficielles où les collaborateurs se sont peu appropriés la démarche de progrès. Trop souvent, la qualité relève d’un seul associé, assisté d’un ou deux collaborateurs. Or une démarche doit être, par essence, l’affaire de tous les associés et de tous les collaborateurs. De plus, les procédures ont très souvent, voire systématiquement, été reproduites sur le modèle de la DQN ou autre, sans assimilation et discernement entre l’important et l’accessoire. À titre d’exemple, j’ai rencontré une étude où l’on était très fier de changer les fleurs de l’entrée tous les jours comme la procédure le préconise, mais où l’on ne suivait pas les délais pour solder les dossiers des clients… Dans une autre, on oubliait de réaliser des audits, une des 6 obligations de la norme. Dans une autre encore, personne n’était au courant du taux de rejets-refus au bureau des hypothèques, sauf le clerc aux formalités. Que de gâchis en moyens, pour aboutir dans l’essentiel des cas à des procédures qui ne sont pas utilisées, puisque inutiles. Tout cela discrédite la démarche au lieu de contribuer au progrès.
Notariat 2000 :Que préconisez-vous ?
Paquito Valdenaire : La norme n’exige que 6 procédures et la maîtrise de la production. Ce n’est pas parce que l’on a écrit dans la procédure que l’on doit accueillir le client avec le sourire que la personne à l’accueil a compris le message. Par ailleurs, une démarche qualité qui ne prend pas en compte les gains économiques est vouée à l’échec car le critère d’évaluation de l’efficacité est essentiellement économique. Mesurer la satisfaction du client permet de le garder, mais pas à n’importe quel prix. Bien cerner l’important de l’accessoire est essentiel pour pouvoir porter ses efforts sur les endroits les plus rentables en termes d’efficacité perçue. Il faut mesurer les gains obtenus et les communiquer aux collaborateurs. Ils doivent être stimulés par un discours cohérent et non par l’indifférence de tel ou tel associé.
Notariat 2000 :Quel est finalement le véritablement enjeu de la qualité ?
Paquito Valdenaire : La démarche qualité et la certification ISO 9001 sont avant tout un prétexte pour faire évoluer les cultures des études, afin de les adapter au monde du XXIe siècle. Par exemple, la confusion qui existe entre patrimoine des associés et bon fonctionnement de l’étude pervertit souvent la communication interne des notaires. S’il ne faut pas tout dire, ne rien dire est parfois encore plus dangereux. La démarche qualité donne au notariat l’occasion de mieux communiquer avec ses collaborateurs. C’est là que se trouve le véritable enjeu de la démarche. Et, comme vous le constatez, on est loin de la DQN et de ses procédures sur l’accueil avec un sourire du client…