Moi aussi, à la façon de MLK, j’ai fait un drôle de rêve. Figurez-vous que la Chambre des notaires me demandait de revenir au poste de Président, comme ça, une dernière fois, juste avant ma retraite…
Les bureaux avaient changé et les secrétaires avaient vieilli, comme moi, mais j’étais heureux de les retrouver. Je m’imaginais déjà en train de mettre au point des campagnes de communication inédites, me préparant à courir de la Chambre à l’étude, dans le stress et la passion, avec la satisfaction de réaliser des choses inhabituelles, lorsque la secrétaire m’informa d’un changement fondamental.
Mes fonctions étaient toujours gratuites, mais dorénavant, selon les termes de la circulaire du CSN pris après la promulgation du décret du 23 mars 2004, j’étais indemnisé. « Royalement… » me précisa-t-elle. Sur le coup, je n’en ai pas cru mes oreilles… Je touchais d’abord une indemnité de 3.139 euros par mois pour compenser la perte du temps passé à l’office notarial. Je disposais ensuite d’un clerc stagiaire à l’étude, et enfin, toutes mes dépenses, tous mes frais, tous mes déplacements liés à ma fonction de Président m’étaient remboursés
La charge était énorme pour mes confrères, mais cela n’a pas paru étonner ma secrétaire, qui m’a dit en riant : « ce n’est pas tout, votre indemnité est grevée d’une TVA non-récupérable ! » J’étais sur un petit nuage. J’étais devenu riche en quelque sorte, car je pouvais disposer de plus en plus de temps, sans que mon associé puisse me le reprocher compte tenu des avantages ci-dessus relatés.
Alors, une frénésie de réunionite s’est emparée des membres du bureau de la Chambre… De voyages d’information en restaurants pour le travail, de cocktails de prestige en salons de l’immobilier ou gestion de patrimoine, de rencontres inter-Chambre en rencontres inter-Conseil régional, de congrès des notaires en universités du notariat, nous nous baladions. Véritable club du 3e âge ou congrès d’enseignants, nous étions heureux de nous donner l’impression de servir la profession.
Comme dans tous les rêves, la réalité a rejoint la fiction. En somnolant, je me suis aperçu que je m’affairais beaucoup, mais que rien de concret ne sortait. Mes confrères Présidents me demandaient comment il fallait s’organiser pour passer au Conseil régional. Aucun n’avait envie de se battre pour rénover, revaloriser, revitaliser la profession. J’étais entouré de fonctionnaires qui ressemblaient tous aux vieux caciques de la nomenklatura russe avant la perestroïka ou aux nouveaux syndicalistes attachés fermement aux avantages acquis. Tant d’avantages nous avaient ramollis… Quel constat traumatisant !
Après ce choc, j’allais me réveiller lorsque j’ai rêvé que la Chambre des notaires votait à la majorité des deux tiers que la rémunération prévue par le décret susvisé ne serait pas servie aux élus. En revanche, une secrétaire serait embauchée pour développer une politique de communication et de formation plus adaptée aux besoins de la profession. Je me suis alors réveillé avec dans la tête la maxime « il n’y a de richesse que l’homme ».
Et j’ai pensé, qu’une fois encore, mon département avait fait un bon choix, en dehors des diktats de la capitale, empreint d’humanisme, de passion et d’espoir dans l’avenir.


